Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

catholicisme (suite)

On pensait jadis que le péché se transmettait par filiation, par le lien biologique ; on croit plus aujourd’hui à une solidarité dans le mal qui s’établit par les contacts entre les hommes, qui se « contamineraient » mutuellement. Le péché qui nous atteint chaque jour ne serait pas celui du premier Adam, mais celui de l’actuel, c’est-à-dire de tous les hommes dans leur ensemble, dont chacun pour sa part est responsable.

Par ce biais, il faut remarquer que le problème du péché originel chez les petits enfants, problème que l’Église n’a jamais tranché, peut trouver sa solution ; car si le mal se transmet non par contagion biologique mais par contact avec l’humanité, c’est l’homme adulte qui est essentiellement le pécheur. Dans cette perspective, le péché d’origine ne prendrait corps que dans ceux que l’humanité commet, et nul ne serait jugé sur le péché originel seul, mais sur ses choix propres, dus à son libre arbitre. Le baptême apparaît donc maintenant comme étant aussi une préparation à la lutte de toute la vie contre les péchés personnels.

La nature même du péché est scrutée plus profondément. Le péché n’est pas un simple inachèvement, ce n’est pas celui non plus de l’homme primitif, livré à son instinct, car le péché commence au-delà de l’instinct. On insiste aussi sur la toute-puissance du bien, sur sa supériorité absolue sur les forces du mal, idée bien éloignée de celles d’un saint Thomas d’Aquin ou d’un saint Bernard.

On s’interroge aussi pour savoir si les anges font partie de la Révélation, s’ils sont de foi ou bien s’ils ne seraient pas plutôt le résultat de la conception biblique du monde, c’est-à-dire de la mentalité des écrivains sacrés, qui avaient besoin d’incarner des abstractions : ainsi Gabriel, qui signifie « Force de Dieu », ou Raphaël, « Dieu guérit ».

À propos de la création de l’homme, on met plus l’accent sur la puissance créatrice de Dieu, qui agit perpétuellement, que sur la création immédiate de chaque âme particulière par exemple, et on insiste sur la coopération créatrice, avec Dieu, des parents qui mettent un enfant au monde.

Dans le domaine de la morale, c’est le problème sexuel qui fait l’objet d’idées nouvelles. Ainsi, on pense que l’on peut arriver à maîtriser plus librement la fécondité, le respect pour la vie exigeant cependant qu’on ne choisisse pas des pratiques qui seraient nuisibles à la santé. Une certaine conception de la sexualité, considérée comme valeur en elle-même, est aussi en train de se former.

Envers l’homosexualité, on considère les paroles très sévères de l’Écriture, surtout celles de saint Paul, comme s’appliquant seulement à ceux qui cèdent par curiosité maligne à une homosexualité temporaire, malgré leur attirance pour l’autre sexe. On croit qu’il n’est au pouvoir de personne de se sentir ou non attiré vers l’autre sexe et que, jusqu’à nos jours, des jugements erronés ont fait naître, au sujet des homosexuels involontaires, des opinions injustes.

En ce qui concerne l’insertion du catholique dans le monde, on enseigne que travailler à la construction de la Terre, c’est participer à la réalisation de ce que Dieu veut ; ce service terrestre étant entendu au sens large, chaque homme doit l’effectuer selon sa personnalité. On constate que le combat des milieux défavorisés pour leurs droits et pour une participation plus équitable aux biens communs n’est autre qu’une lutte pour la participation plus équitable à la dignité humaine, et non affaire de cupidité. Il ne s’agit pas d’« avoir » mais de dignité humaine, que la possession des biens doit signifier. La bataille sociale ne serait donc pas contraire au message chrétien, la terre appartenant aux hommes à un point tel que chacun a le droit fondamental d’y trouver des biens pour subsister. Dans sa lettre Octogesimo anno (juin 1971) Paul VI a fortement souligné les bienfaits du pluralisme idéologique, reconnaissant « une légitime variété d’options possibles », une « même foi pouvant conduire à des engagements différents ».

Dans le domaine des conflits entre nations, il suffit de rappeler cette déclaration de Jean XXIII : « La justice, la sagesse, le sens de l’humanité réclament par conséquent qu’on arrête la course aux armements ; ils réclament la réduction parallèle et simultanée de l’armement existant dans les divers pays, la proscription de l’arme atomique et enfin le désarmement dûment effectué d’un commun accord et accompagné de contrôles efficaces. »

Saint Vincent de Lérins et la Tradition

Moine à Lérins, saint Vincent mourut vers 450. Il est resté célèbre par son Commonitorium pro catolicae fidei antiquitate. C’est de celui-ci qu’est extrait ce commentaire sur la Tradition :

« Peut-être dira-t-on : la religion n’est donc susceptible d’aucun progrès dans l’Église du Christ ? Certes il faut qu’il y en ait un et considérable. Qui serait assez ennemi de l’humanité, assez hostile à Dieu, pour essayer de s’y opposer ? Mais sous cette réserve que ce progrès constitue vraiment pour la foi un progrès et non une altération ; le propre du progrès étant que chaque chose s’accroît en demeurant elle-même, le propre de l’altération qu’une chose se transforme en une autre. Donc que croissent et progressent largement l’intelligence, la science, la sagesse, tant celle des individus que celle de la collectivité, tant celle d’un seul homme que celle de l’Église tout entière, selon les âges et selon les siècles, mais à condition que ce soit exactement selon leur nature particulière, c’est-à-dire dans le même dogme, dans le même sens, dans la même pensée... Les corps déploient et étendent leurs proportions avec les années, et pourtant ils restent constamment les mêmes. Quelque différence qu’il y ait entre l’enfance dans sa fleur et la vieillesse dans son arrière-saison, c’est un même homme qui a été adolescent et qui devient vieillard... Ces lois du progrès doivent s’appliquer également au dogme chrétien : que les années le consolident, que le temps le développe, que l’âge le rende plus auguste, mais qu’il demeure pourtant sans corruption et inentamé, car il n’admet après coup aucune altération, aucun déchet de ses caractères spécifiques, aucune variation dans ce qu’il a de défini » (chap. XXIII du Commonitorium).