Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

catalyse (suite)

L’interprétation du mode d’action du catalyseur ne pose ici que des problèmes de cinétique chimique et de mécanisme réactionnel : le passage du mélange initial à celui des produits de la réaction s’effectue, à l’échelle moléculaire, par une suite de processus dont certains font intervenir le catalyseur ; schématiquement, un exemple très simple peut se présenter ainsi : soit la réaction A → B admettant C pour catalyseur ; A et C réagissent suivant A + C ⇄ I, I étant un complexe intermédiaire peu stable qui peut se décomposer soit en donnant de nouveau A + C, soit suivant I → B + C, processus qui fournit B et régénère le catalyseur. Les lois de la cinétique chimique, appliquées à cet exemple, montrent que la vitesse de la réaction A → B est proportionnelle à la concentration du catalyseur dans le mélange, ce qui est souvent observé.

Le catalyseur propose donc, par sa présence, une voie différente de celle empruntée en son absence ; mais aussi la voie qu’il ouvre est plus facile que l’autre, car le franchissement des étapes exige une énergie d’activation moindre (v. cinétique chimique).

En raison de sa fréquence, la catalyse par les ions H+ ou OH, dite « catalyse acide-base », joue un rôle très important, surtout en chimie organique ; mais à la suite des travaux de Brönsted et de Lewis, qui ont élargi le concept primitif d’acide et de base d’Arrhenius, un plus grand nombre de cas de catalyse homogène entrent maintenant dans le cadre d’une catalyse acide-base généralisée ; il en est ainsi par exemple de la réaction de Friedel et Crafts
C6H6 + R—Cl → C6H5—R + HCl,
dont le catalyseur est le chlorure d’aluminium AlCl3 : celui-ci est un « acide de Lewis » par la lacune électronique existant sur l’atome Al, et il réagit avec R—Cl suivant

c’est le carbocation R+ qui attaque C6H6 suivant
C6H6 + R+ → C6H5—R + H+,
et le proton éjecté, réagissant sur régénère AlCl3 et produit HCl.

Un cas particulier de catalyse homogène est celui d’autocatalyse, où le catalyseur est l’un des produits de la réaction : c’est le cas de Mn2+ dans la réduction de l’ion permanganate par l’ion oxalate en milieu acide :

si la solution ne renferme pas au départ de sel manganeux, la réaction démarre lentement et s’accélère ensuite.


Catalyse hétérogène

On en rencontre des exemples dans de nombreuses et importantes synthèses industrielles : gaz ammoniac, acide nitrique, acide sulfurique, méthanol, essence, etc. Au contact d’un mélange le plus souvent gazeux se trouve le catalyseur solide, dont l’action est limitée à sa surface en contact avec le gaz ; cela entraîne que pour augmenter l’efficacité du catalyseur il faut accroître sa surface pour un volume donné de celui-ci : on obtient ce résultat par granulation convenable, ou en distribuant le catalyseur sur un support inerte de grande surface (masse de contact). L’activité de certains catalyseurs peut encore être accrue par l’addition de quelques pour-cents d’un promoteur tel que l’alumine, promoteur du fer et du nickel dans les hydrogénations.

La durée du catalyseur n’est pas indéfinie : il vieillit et son activité baisse, par modification superficielle ou par encrassement ; de plus, il est, comme l’organisme humain et peut-être pour des raisons analogues, sensible à des poisons qui, souvent à l’état de traces, bloquent son activité ; tels sont, à des degrés divers suivant la nature du catalyseur, le monoxyde de carbone CO, l’anhydride arsénieux As2O3, l’hydrogène sulfuré H2S.

L’interprétation du mode d’action du catalyseur repose sur le phénomène de chimisorption, adsorption* sélective par le catalyseur, qui met en jeu des énergies comparables à celles des liaisons chimiques ordinaires. Raisonnons sur l’exemple de la synthèse de l’ammoniac ; les étapes de la réaction sont les suivantes :
a) chimisorption des molécules N2 et H2 : l’établissement de liens chimiques avec les atomes du catalyseur fer s’accompagne d’un affaiblissement des liens entre atomes d’azote et entre atomes d’hydrogène (adsorption dissociante) ;
b) évolution progressive, en phase adsorbée, vers la formation de la molécule NH3, avec comme intermédiaires probables les radicaux NH, puis NH2 ;
c) désorption de la molécule d’ammoniac formée.

La chimisorption est proche d’une réaction chimique ordinaire et doit, comme celle-ci, mettre en jeu l’échange d’électrons (comme dans les réactions d’oxydoréduction) ou de protons (comme dans les réactions acide-base) ; une différence, importante il est vrai, est que le composé formé, bidimensionnel, n’est ni isolable ni identifiable ; mais les considérations précédentes trouvent une justification dans le fait que, parmi les catalyseurs solides, on rencontre :
— des métaux de transition (fer, nickel, cobalt...) à bandes d’énergie incomplètes et pouvant accepter des électrons ; des semi-conducteurs : ce sont en général des oxydes métalliques non tout à fait stœchiométriques, des berthollides tels que l’oxyde de nickel, qui renferme un léger excès d’oxygène, et l’oxyde de zinc, qui renferme un léger excès du métal ; ils sont tous de ce fait susceptibles d’échanger des électrons ;
— des catalyseurs acides, oxydes isolants généralement hydratés (alumine, gel de silice) capables d’échanger des protons.

Paul Sabatier

Chimiste français (Carcassonne 1854 - Toulouse 1941). En collaboration avec J.-B. Senderens (1856-1937), il a découvert les propriétés catalytiques du nickel réduit et pu, grâce à elles, réaliser la synthèse de nombreux hydrocarbures, notamment celle du méthane (1902), par hydrogénation du gaz à l’eau. Il a partagé avec V. Grignard le prix Nobel de chimie pour 1912.

R. D.

 M. Prettre, Catalyse et catalyseurs (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1946 ; 4e éd., 1970). / P. H. Emmett, Catalysis (New York, 1954-1960 ; 7 vol.). / J. E. Germain, Catalyse hétérogène (Dunod, 1959).