Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Catalogne (suite)

Pendant la guerre d’indépendance qui oppose l’Espagne à Napoléon (1808-1813), la Catalogne, transformée en départements français (1812), instaure contre l’envahisseur une junte suprême qui défend le principe du fédéralisme. Cependant, après l’expulsion des troupes napoléoniennes, l’Espagne retourne au centralisme. Au cours des guerres carlistes, la Catalogne sert de terrain de lutte entre la société bourgeoise et urbaine et la société paysanne, de type patriarcal. À la fin de ce conflit (1876), on voit naître un mouvement ouvrier qui pendant très longtemps se limitera en Espagne à la Catalogne.

La chute de la reine en 1868 marque l’arrivée au premier plan de la scène politique de Catalans tels que le général Prim, Premier ministre du gouvernement provisoire, ainsi qu’Estanislao Figueras et Francisco Pi y Margall, deux des présidents de la Ire République (1873). La République proclame en mars 1873 l’État catalan dans le cadre de la République fédérale espagnole ; cela durera peu.


Le catalanisme et la guerre civile

La crise de 1898, qui correspond à la perte des dernières colonies espagnoles (Cuba, Porto Rico, Philippines), amène une restructuration de l’État espagnol centraliste et, en affectant sérieusement le commerce, porte un coup à l’industrie catalane. La déception de la bourgeoisie, qui se rend compte qu’il est impossible d’arriver à une entente avec le pouvoir central, est à l’origine de la Lliga regionalista (1901), organe directeur du mouvement nationaliste, qui prétend aboutir à l’autodétermination de la Catalogne. La région est agitée pendant cette période par le catalanisme politique et par le mouvement ouvrier (Semaine tragique et mouvement révolutionnaire, auquel est accusé d’avoir participé Francisco Ferrer Guardia en 1909). La Lliga prend la tête du vaste mouvement de Solidaritat catalana (1906), dont l’objectif est de contester les attributions données au pouvoir central au titre de la Ley de Jurisdicciones, et de la Mancomunitat de Catalunya (1914), organisme politico-administratif incluant les quatre provinces catalanes en vue de résoudre conjointement les problèmes d’intérêt commun. Mais les difficultés sociales que rencontre la Catalogne entre 1917 et 1923 provoquent un rapprochement entre les catalanistes et l’oligarchie centrale, qui est concrétisé par les gouvernements d’union nationale Maura-Cambó de 1918 et de 1921. Après la chute de ceux-ci, l’autonomie est une aspiration encore plus forte qu’auparavant, et ses défenseurs pensent que l’imposition d’un gouvernement venant de leur province mettrait fin aux troubles sociaux sur tout le territoire tout en permettant d’obtenir un statut d’autonomie. C’est ce qui explique que la dictature du général Miguel Primo de Rivera (1923-1930), capitaine général de Catalogne, est soutenue par les régionalistes. Ceux-ci ne sont pas payés de retour puisque, dès que le dictateur s’installe à Madrid, il oublie toutes les promesses faites dans le sens d’une autonomie relative de la Catalogne vis-à-vis de Madrid et prend même des mesures répressives contre le catalanisme, interdisant l’enseignement de la langue catalane, la publication de journaux catalans et la formation de groupes politiques, et supprimant la Mancomunitat. Au lendemain de la dictature est créée une autre organisation catalaniste de tendance démocratique, la Esquerra republicana de Catalunya, qui regroupe intellectuels et classe moyenne sous la direction de Francesc Macià, apôtre des libertés catalanes, et de Lluís Companys. La Lliga perd son hégémonie et est reléguée au second plan.

Le triomphe remporté par ce nouveau parti aux élections municipales d’avril 1931 aboutit à la proclamation de la République catalane à Barcelone. Les dirigeants de cette dernière se plient toutefois aux désirs exprimés par certains membres de la nouvelle République espagnole et acceptent la constitution d’un gouvernement régional autonome, sous la présidence de Francesc Macià, la « Generalitat de Catalunya », chargé d’élaborer un statut d’autonomie qui, après soumission au peuple catalan, doit être approuvé par les Cortes espagnoles. Le plébiscite est favorable et, en septembre 1932, les Cortes entérinent ce projet en lui apportant plusieurs amendements.

Ce statut aurait sans doute pu résoudre le problème catalan, mais les élections générales qui ont lieu en Espagne en 1933 donnent la victoire aux partis de droite et remettent en question les accords passés précédemment. L’échec dans toute l’Espagne de la révolution d’octobre 1934, qui culmine dans la rébellion de Barcelone et l’insurrection des Asturies, prive la Catalogne de l’autonomie jusqu’à l’instauration du Front populaire, en février 1936. Ce rétablissement des acquisitions de 1932 dure peu de temps, puisqu’il se termine avec la guerre civile qui déchire l’Espagne du 18 juillet 1936 au 29 mars 1939. La Catalogne lutte dans le camp des républicains et est le théâtre de plusieurs grandes batailles, notamment de celle de l’Èbre. En janvier et février 1939, les troupes du général Franco occupent Barcelone et le reste de la Catalogne, qui perdent à partir de cette date, en application d’un décret promulgué en 1938, toutes les concessions faites dans le statut d’autonomie.

R. G.-P.


La littérature catalane

L’histoire de la littérature catalane est étroitement liée aux vicissitudes de la langue qui lui sert de véhicule : florissante au Moyen Âge au point d’être l’une des premières d’Europe, elle entre dans son déclin lorsque le castillan devient prépondérant dans la Péninsule ; elle renaît à l’époque romantique en même temps que se fait jour un intérêt nouveau pour les langues vernaculaires et elle s’épanouit durant les années de la « Généralité », qui place le catalan sur un pied d’égalité avec l’espagnol. Langue minoritaire, certes, le catalan n’en est pas moins la seconde langue de plus de six millions de personnes, et, si le catalan parlé présente des variantes dialectales sensibles, la langue écrite, dotée d’une orthographe et d’une syntaxe définitives par le grand philologue Pompeu Fabra (1868-1948), est unique.