Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Casablanca (suite)

Avec plus de la moitié des ouvriers et des établissements, 60 p. 100 de la valeur ajoutée par la transformation des produits et 62 p. 100 des salaires versés, l’industrie casablancaise pèse d’un grand poids dans l’ensemble du secteur secondaire marocain. C’est dans le quartier des Roches-Noires, à proximité du port, et au-delà, vers la route de Rabat, que sont concentrées les principales entreprises : Ciments Lafarge, Compagnie sucrière marocaine (Cosumar), Brasseries du Maroc, usines de montage d’automobiles Somaca et de camions Berliet, au milieu de conserveries, d’usines du textile, de la chaussure, de la métallurgie légère, de la chimie diversifiée. Environ 40 p. 100 de la population active sont ainsi employés dans le secteur secondaire.

La physionomie de la ville moderne résulte de l’interférence des plans élaborés par deux architectes à des moments décisifs de l’histoire de la ville, alors que la spéculation et le laisser-faire conduisaient à une redoutable anarchie : le plan d’Henri Prost (1874-1959), en 1914, donna à la ville les axes essentiels de son développement, sur le double principe de la séparation des habitats, européen et marocain, et des vocations, industrielle de l’est de la ville, résidentielle de l’ouest ; le plan de Michel Écochard (né en 1905), en 1949, rejetant la ségrégation des communautés sur des bases ethniques ou confessionnelles, tendit à créer des quartiers, « unités de voisinage », d’environ 10 000 habitants, de densités et d’allures différentes selon la catégorie sociale à laquelle ils étaient destinés, des organismes d’État présidant à leur édification.

Depuis 1920, le centre des affaires reste établi aux environs de la place Mohammed-V (l’ancienne place de France). Mais sa physionomie a changé : des gratte-ciel aux rectitudes anonymes remplacent peu à peu les bâtiments de style néo-colonial de l’entre-deux-guerres. Dans la banque, l’import-export, les assurances, comme dans le moyen commerce, les places abandonnées par les Européens (qui, après avoir été 180 000, ne sont plus que 70 000) et par les Israélites (moins de 50 000) sont occupées par des Marocains musulmans, parmi lesquels les immigrants de Fès et du Sous (Fassis et Soussis) ont su s’organiser en véritables clans.

Si l’extension de la ville autour du noyau central prend une allure semi-circulaire, en fonction du recoupement de voies radiales et de rocades, en réalité cette géométrie laisse place à une grande confusion dans la distribution des quartiers. La rapidité de l’arrivée des populations du bled, le souci des spéculateurs de « geler » un terrain en attendant qu’il prenne de la valeur, la diversité des organismes d’intervention officiels ou privés, la disparité des niveaux de vie des gens à loger ont conduit à juxtaposer des médinas de type moderne, à plan plus ou moins aéré, des cités de recasement, de grands ensembles, des quartiers de villas et des bidonvilles. Entre les luxueux établissements d’Anfa et les baraques des Carrières centrales ou de Ben-M’sik, où sont rassemblées plus de 200 000 personnes, ont été édifiés des logements de tous styles. L’amélioration des conditions de vie ne pourra se faire qu’avec la stabilisation des conditions de travail ; or, 30 p. 100 des personnes en âge de travailler sont en chômage total, et 20 p. 100 en chômage partiel.

J. L. C.

 A. Adam, Histoire de Casablanca (Ophrys, Gap, 1969). / D. Noin, Casablanca (La Documentation française, « Notes et études documentaires », 1971).

casier judiciaire

Relevé des condamnations encourues par une personne.



Origine

« Il faut que le ministre de la Justice ait sans cesse à sa disposition la biographie de tout individu traduit devant les tribunaux », affirmait Napoléon. En effet, les juges ont besoin de connaître le passé judiciaire de tout inculpé, tant pour apprécier son degré de culpabilité que pour appliquer les dispositions légales relatives à la récidive ; l’Administration ressent le même besoin lorsqu’il s’agit d’établir les listes électorales et les listes de jurés, ainsi que de nommer les fonctionnaires. C’est pourquoi le Code d’instruction criminelle de 1808 avait institué un système complexe. Les greffiers des juridictions répressives inscrivaient sur des registres spéciaux l’identité de toute personne condamnée à une peine correctionnelle ou à une peine plus forte ; tous les trois mois, ils devaient adresser copie de ces registres aux ministères de la Justice et de la Police générale ; la reproduction de ces copies sur des registres spéciaux constituait les « sommiers » judiciaires. Les greffiers simplifièrent un peu le système en n’adressant les documents prévus qu’au seul ministère de la Police générale, transformé depuis en Préfecture de police. L’accroissement du nombre des registres (plus de 8 millions de copies en 1893) rendit assez rapidement leur consultation difficile. C’est pourquoi l’institution d’un nouveau système se révéla nécessaire. Dès 1850, le ministre de la Justice, Rouher, prescrivit par circulaire l’adoption d’un procédé inventé en 1848 par Bonneville de Marsangy (Mons 1802 - Paris 1894), alors procureur du roi à Versailles ; le casier judiciaire était né.

Régi par des circulaires successives, il reçut la sanction législative le 5 août 1899 et le 11 juillet 1900. Il fait l’objet des articles 768 et suivants du Code de procédure pénale et de la loi du 11 juillet 1975. Mais les anciens sommiers judiciaires n’avaient pas disparu pour autant, les greffiers ayant continué leur transmission à Paris, où un système de fiches classées par ordre alphabétique avait été mis au point par Bertillon. Comme ils n’étaient plus mentionnés dans le Code de procédure pénale de 1958, un décret du 28 décembre 1959 leur a donné une vie nouvelle sous l’appellation de « sommiers de police technique », dont la consultation est exclusivement réservée aux autorités judiciaires ainsi qu’aux services de police et de gendarmerie.