Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Carrache (les)

En ital. Carracci, nom de deux frères, Agostino (Bologne 1557 - Parme 1602) et Annibale (Bologne 1560 - Rome 1609), et de leur cousin Ludovico (Bologne 1555 - id. 1619), peintres italiens célèbres comme décorateurs, peintres religieux et fondateurs d’une académie d’art.


L’importance considérable des Carrache tient à la fois à la forme de leur enseignement, d’où est issu le mouvement académique européen, et à l’orientation qu’ils donnèrent pour deux siècles au moins à la peinture décorative.

Issus d’un milieu modeste de petits artisans et commerçants, ils fréquentèrent les écoles d’art, nombreuses à Bologne*, mais acquirent surtout leur formation par l’étude et la copie des grands maîtres, Corrège* et Jules Romain*, Véronèse*, Titien* et Tintoret*, qu’Annibale et Agostino avaient étudiés à Venise. Agostino était surtout graveur et commença sa carrière dans l’atelier d’un praticien hollandais, chez qui l’on reproduisait tous les grands maîtres de l’école romaine de la Renaissance.

Leur première œuvre commune fut la décoration à fresque du palais Fava, à Bologne, en 1582, date à laquelle on peut considérer leur formation comme terminée. La frise représentant la légende des Argonautes (1584), dans la grande salle, eut assez d’admirateurs pour consacrer localement le talent des Carrache. En 1585, ils ouvrirent leur académie bolonaise. Dans un pays qui en comptait des centaines depuis le début du xvie s., qu’apportait-elle de nouveau ? Elle était, comme les précédentes, un lieu de discussion sur la théorie des arts (des médecins, des poètes, parmi lesquels Giambattista Marino, dit le Cavalier Marin, la fréquentaient). Mais, pour la première fois, l’académie des Carrache offrait un vrai programme d’étude de perspective, d’architecture, d’anatomie — grâce à des moulages faits sur des cadavres comme sur des antiques — et surtout de modèle vivant. Les élèves étaient astreints à des exercices, scrupuleusement corrigés, et à des concours.

On a fait de l’académie des Carrache le lieu de diffusion d’une doctrine dite « éclectique », selon laquelle le moyen d’atteindre la beauté était de prendre chez chacun des grands maîtres de la Renaissance ce qu’il avait de meilleur. Mais on ne peut comprendre l’originalité des Carrache en exposant leur méthode de cette façon, car tous les grands artistes ont fait de tels emprunts. L’observation rigoureuse de la nature, autre principe des Carrache, n’était pas une nouveauté non plus. Mais, venant après l’époque du maniérisme*, où le brio, la rapidité d’exécution et la subtilité intellectuelle des thèmes semblaient les qualités primordiales, le travail sérieux, minutieux, la soumission au modèle qui étaient de règle chez les Carrache prenaient l’allure d’une nouveauté. On a beaucoup exagéré l’opposition entre leur style et celui du Caravage*, faisant de celui-ci le champion du réalisme et de ceux-là les ancêtres de l’académisme* (usant alors de ce mot dans un sens péjoratif). Par rapport aux maniéristes, les Carrache ont bel et bien effectué un retour à la nature.

Pendant les dix années qui suivirent la création de l’académie, l’activité des trois peintres fut essentiellement consacrée à la peinture religieuse. De cette époque datent, de Ludovico : la Madone dite des Scalzi de la pinacothèque de Bologne, l’Assomption de Dresde, la Pietà de Parme, la Vision de saint Hyacinthe du Louvre ; d’Annibale : la Madone apparaissant à sainte Catherine et à saint Jean (Louvre), la Résurrection (Louvre), Saint Roch (Dresde) ; d’Agostino, enfin, la Dernière Communion de saint Jérôme (Vatican). Malgré de notables différences de style — plus de fidélité à la Renaissance classique chez Annibale, plus de sens du pathétique chez Ludovico —, de l’ensemble des peintures de cette époque se dégage un caractère mouvementé, allié à la solidité des compositions.

En 1595, Annibale, rejoint pour peu de temps par Agostino — Ludovico conservant à Bologne la direction de l’académie —, reçut la charge de décorer la galerie du palais Farnèse à Rome, construite par Giacomo Della Porta. Les peintures de la voûte et du haut des murs furent consacrées à des sujets mythologiques, le centre du plafond représentant le Cortège de Bacchus et d’Ariane. Les panneaux situés aux extrémités de la galerie furent peints par le Dominiquin, élève bolonais des Carrache. Dans ces compositions pleines de mouvement et de réalisme, l’Antiquité est représentée avec une joie de vivre et un sens de la nature que l’on ne peut qualifier d’académiques. Cependant, nombreux y sont les symboles ; cet aspect didactique, autant que la science décorative et la clarté légère des tons — opposée à la violence des peintres « luministes » —, plut aux amateurs du xviie s. On s’en souviendra à Versailles et dans bien d’autres palais.

Les peintures de la chapelle du palais Aldobrandini, en collaboration avec l’Albane et le Dominiquin (auj. à la galerie Doria Pamphili de Rome), montrent Annibale Carracci comme le père du « paysage idéal ». La filiation des Carrache englobe ainsi non seulement ses disciples immédiats (l’école bolonaise de la génération suivante), mais Poussin*, l’Académie* royale de peinture et de sculpture et, par conséquent, une bonne partie de la peinture européenne des xviie et xviiie s.

E. P.

➙ Académisme.

 G. Rouchès, la Peinture bolonaise à la fin du xvie s., les Carrache (Alcan, 1913). / D. Mahon, Studies in Seicento Art and Theory (Londres, 1947). / Mostra dei Carracci, catalogue d’exposition (Bologne, 1956). / J. R. Martin, The Farnese Gallery (Princeton, 1965).

Carré de Malberg (Raymond)

Juriste français (Strasbourg 1861 - id. 1935).


Professeur de droit public à Caen, à Nancy et à Strasbourg, il a étudié les problèmes des fondements juridiques du droit, de l’État et de la loi, dans le contexte historique précis qui vit naître les fascismes en Europe et se multiplier en France les velléités de réformes constitutionnelles.