Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique noire (suite)

Les Allemands, sous l’égide du banquier Bernhard Dernburg, devenu secrétaire d’État (1907), firent porter leur effort surtout sur l’Afrique orientale et sur les plantations du Cameroun. Leurs rapports, souvent très tendus, avec les indigènes, leur brutalité, la violation de leurs promesses aux tribus courtières du Cameroun n’ont pas, cependant, laissé dans l’opinion africaine les rancunes auxquelles on aurait pu s’attendre.

Les Anglais pratiquèrent largement l’administration indirecte, qui respectait et renforçait l’autorité des chefs traditionnels. Ils instruisirent par ailleurs des élites noires, qui s’opposèrent à ces chefs et développèrent des doctrines nationalistes nourries d’idées venues des Antilles et des États-Unis. Sierra Leone, Gold Coast et Nigeria s’orientèrent ainsi vers l’autonomie, tandis que Frederick J. Lugard, en Afrique orientale, préconisait un avenir pluriracial. Invoquant le « double mandat » qui obligeait la métropole aussi bien à promouvoir le Noir qu’à favoriser l’établissement du Blanc dans les régions saines et peu peuplées qu’il coloniserait, il souhaitait fédérer des pays complémentaires où la civilisation britannique se développerait.

Quant aux Français, bien que séduits par l’administration indirecte, ils tendirent vers une intégration des colonies à la métropole, ouvrirent leurs universités aux étudiants noirs, admirent députés et sénateurs noirs dans leur Parlement et parmi les ministres. Ils ne purent, cependant, suivre logiquement jusqu’au bout une politique qui aurait finalement fait dépendre leur avenir d’électeurs africains. Les discussions sur l’assimilation, l’association, la fédération, l’Union française se poursuivirent pendant toute cette période, qui permit cependant la formation d’élites, trop peu nombreuses, mais aptes à doter la plupart des colonies de cadres africains.


La décolonisation

La décolonisation n’a pas, comme la colonisation, substitué une évolution à une autre, imposé aux populations de l’intérieur des modes de vie et de pensée que celles des côtes commençaient seulement à adopter. Elle n’a pas fait craquer le corset des frontières plus ou moins artificielles tracées lors du partage. Elle n’a pas été un retour à l’état précolonial, mais plutôt le relais des cadres européens par les élites africaines occidentalisées. Ce relais, envisagé de longue date par les Anglais, fut pris d’abord par Nkrumah* au Gold Coast, devenu Ghāna* en 1957.

L’exemple ghanéen brusqua l’évolution des Français, qui avaient passé de l’idéal assimilateur, encore exprimé par la conférence de Brazzaville (1944), à des tentatives d’organiser l’autonomie interne des colonies dans le cadre d’une « Communauté française » (1958), puis à l’indépendance (1960).

Selon l’importance des cadres noirs et de l’infrastructure technique disponibles au moment de la décolonisation, l’évolution des nouveaux États fut plus ou moins paisible. La coopération internationale et celle des anciennes métropoles permirent, dans bien des domaines — prospection minière, instruction publique, hygiène —, des progrès plus rapides qu’au temps de la colonisation. Le processus de dissociation des anciennes structures sociales, de détribalisation, d’urbanisation se poursuivit sous la direction des élites occidentalisées, opposées aux chefs coutumiers, que le colonisateur avait souvent protégés. Les régimes politiques calqués sur ceux des métropoles libérales ne purent, en général, pas fonctionner dans des pays où les masses, illettrées, ne partagent pas les conceptions intellectuelles et morales des élites. Des systèmes autoritaires ont presque partout triomphé. Orientés soit vers le capitalisme occidental, soit vers le socialisme soviétique ou chinois, ils cherchent à renforcer l’unité nationale, souvent menacée par le sentiment tribal, tout en invoquant l’idéal panafricain.

Toute l’Afrique noire n’est pas décolonisée. L’Afrique du Sud et la Rhodésie sont encore dominées par des minorités blanches, qui, dans ces deux derniers pays, organisent et contrôlent la promotion des Noirs de façon à rendre incertaine leur accession à l’indépendance.

H. B.

➙ Afrique / Colonisation / Empire colonial britannique / Empire colonial français / Empire colonial portugais / Esclavage / Islām.

 J. D. Fage, Atlas of African History (Londres, 1958). / R. Mauny, Tableau géographique de l’Afrique de l’Ouest au Moyen Âge (Dakar, 1961). / R. Oliver et J. D. Fage, A Short History of Africa (Harmondsworth, 1962). / H. Brunschwig, l’Avènement de l’Afrique noire du xixe siècle à nos jours (A. Colin, 1963). / Sous la direction de R. Oliver et G. Mathew (t. I) et de V. Harlow et E. M. Chilver (t. II), History of East Africa (Londres, 1963-1963 ; 2 vol.). / D. F. Mc Call, Africa in Time Perspective (Boston, 1964). / R. von Albertini, Dekolonisation (Cologne, 1966). / J. Ganiage, H. Deschamps et O. Guitard, l’Afrique au xxe siècle (Sirey, 1966). / M. Crowder, West Africa under Colonial Rule (Londres, 1968). / P. J. M. Mc Ewan (sous la dir. de), Africa from Early Times to 1800. Nineteenth Century Africa. Twentieth Century Africa (Londres, 1968 ; 3 vol.). / A. S. Kanya-Forstner, The Conquest of the Western Sudan (Cambridge, 1969). / M. Wilson et L. Thompson (sous la dir. de), The Oxford History of South Africa, t. I : Soufh Africa to 1870 (Londres, 1969). / Y. Person, Samory (Dakar, 1969-70 ; 3 vol.). / H. Deschamps (sous la dir. de), Histoire générale de l’Afrique noire (P.U.F., 1970-71 ; 2 vol.). / R. Mauny, les Siècles obscurs de l’Afrique noire (Fayard, 1971). / J. Ki-Zerbo, Histoire de l’Afrique noire (Hatier, 1973). / R. Cornevin (sous la dir. de), les Mémoires de l’Afrique (Laffont, 1975).


Littérature de style oral