Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

carnivores (plantes)

Végétaux capables de se nourrir de substances azotées animales, prélevées sur le vivant.


Contrairement à de nombreuses légendes, les plantes capables de capturer et d’absorber des animaux sont de taille très réduite, ainsi que leurs proies. On en connaît des exemples dans le groupe des Angiospermes et dans celui des Champignons.


Capture des proies


De manière passive

Les procédés employés par la nature peuvent être extrêmement divers. La Grassette, ou Pinguicule, a des feuilles en rosette enduites d’une substance gluante qui retient les Insectes ayant l’imprudence de s’y poser. Les Népenthès de Madagascar et des Indes néerlandaises possèdent à l’extrémité de leurs feuilles des urnes emplies au tiers de liquide ; ces organes sont fermés pendant leur croissance par un opercule. Ils s’ouvrent au stade adulte, et l’odeur du liquide attire des Insectes, qui pénètrent facilement mais ne peuvent ressortir, empêchés par les poils qui garnissent l’intérieur et fonctionnent comme le goulet d’une nasse. Les Insectes se noient assez rapidement. Les Sarracenias, que l’on trouve au bord de certains marais d’Amérique du Nord, sont pourvus du même type de piège. À maturité, ils s’ouvrent par deux lèvres, et les Insectes qui s’y engouffrent sont également retenus par des poils obliques. Les proies sont attirées par une odeur qui semble irrésistible, car elles se précipitent au-devant du danger et seront, là aussi, noyées dans le liquide qui stagne au fond des feuilles. Plusieurs Champignons retiennent également des petits animaux, Vers, Rotifères, par l’intermédiaire d’une substance collante. Chez certains, le mycélium entier sécrète la glu, et, dès qu’un animal touche le filament mycélien, le produit s’épaissit et ses propriétés adhésives augmentent considérablement. D’autres possèdent des zones spécialisées qui seules sont capables de retenir la proie : des diverticules visqueux garnissent le mycélium aquatique de Zoophagus insidiens, pour la plus grande tentation des Rotifères, qui cherchent à s’en nourrir.


De manière active

Certains végétaux combinent avec ces diverses méthodes de capture des proies des mouvements qui achèvent de maintenir les animaux dans les pièges. Si le Népenthès, contrairement à ce qu’on avait cru un certain temps, ne ferme pas son couvercle à chaque capture, par contre, la Drosera, commune dans les tourbières et les marécages de la zone tempérée, enserre ses proies et les maintient jusqu’à la fin de leur digestion par le mouvement des « tentacules » portés sur ses feuilles. Celles-ci (6 à 7 mm de large) portent environ une centaine de tentacules, déjà observés et décrits par Darwin. Chacun d’entre eux est terminé par une glande qui sécrète une substance sucrée, rouge, capable d’attirer certains Insectes. Cette substance visqueuse, qui tombe sur le limbe, retient le gourmand qui s’y pose, et immédiatement se déclenchent divers mouvements des tentacules voisins, qui se recourbent sur la proie et la maintiennent. La moindre excitation de ces tentacules provoque la réaction ; Darwin l’a obtenue en utilisant une plume, un grain de sable ou même un cheveu... ; mais les gouttes d’eau de la pluie lui sont indifférentes.

Il semble que ce soit au niveau des glandes que l’excitation est le plus efficace ; elle se transmet de là aux autres tentacules, qui s’incurvent ; si ces derniers ont perdu leur extrémité, ils réagissent cependant. Le mécanisme exact de ce mouvement n’est pas encore bien connu. Selon certains auteurs, une hormone serait sécrétée par les parties traumatisées de la plante, même si ce traumatisme est aussi léger que le choc d’un Insecte sur l’épiderme de la feuille ; cette hormone se diffuserait dans les vaisseaux et provoquerait une forte déperdition d’eau entraînant la plasmolyse des tissus et leur affaissement. Pour d’autres, ce serait une hormone de croissance, car le jeu des tentacules n’est possible que sur les feuilles jeunes, et un petit nombre de fois seulement. La croissance irrégulière des tentacules expliquerait alors leur courbure. On a aussi observé qu’un morceau de viande placé à quelque distance des feuilles, mais sans les toucher, peut provoquer une réaction ; la nature chimique et même l’odeur de la proie éventuelle doivent donc jouer un rôle.

La Dionée Gobe-Mouches possède des feuilles dont le limbe est composé de deux parties symétriques par rapport à la nervure principale et bordé de soies marginales. Six poils sensitifs sont dressés à l’intérieur de la feuille, dont les lobes forment un angle de 45°. Lorsque ces poils sont irrités par le contact d’un animal (il faut au moins deux excitations), les lobes se referment, les soies se croisent et l’Insecte reste prisonnier entre les deux lames. Cette fermeture s’accompagne de l’établissement d’une différence de potentiel de quelques millivolts entre la face supérieure et la face inférieure du limbe. Ce phénomène rend compte d’une variation temporaire de la perméabilité cellulaire aux anions et aux cations, et s’apparente au fonctionnement des cellules nerveuses animales.

Dans le groupe des Champignons, on trouve aussi des organes de capture doués de possibilités de mouvements. Ceux-ci, une fois la proie collée, envoient rapidement des filaments qui la perforent et pénètrent dans son corps ; certains forment des anneaux qui se resserrent brusquement si un Ver s’engage dedans, et ces mouvements complètent souvent le classique piège à la glu que presque tous utilisent.


Digestion

Comment les plantes carnivores utilisent-elles leurs proies ? Il semble qu’elles les digèrent comme le tube digestif des Carnivores digère la viande.

Si la Drosera a retenu une proie non digestible (grain de sable par exemple), le piège s’ouvre et elle la lâche. Par contre, les substances azotées, et elles seules, sont attaquées par de véritables sucs digestifs (assez voisins du suc gastrique). Cette sécrétion de la Drosera est fortement acide et contient une enzyme attaquant les matières azotées (protéase) ; elle empêche en outre la putréfaction des substances en cours de digestion.

L’urne des Népenthès, comme celle des Sarracenias, contient un liquide qui n’est autre, lui aussi, qu’un suc digestif puissant, capable d’attaquer immédiatement les Insectes qui y sont tombés ; seule, comme dans le cas précédent, subsiste la carapace chitineuse.