Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

caractériel (enfant) (suite)

Le nombre des enfants qui à un moment ou à un autre présentent des troubles caractériels les amenant à consulter un spécialiste est très variable suivant les travaux auxquels on se réfère ; néanmoins, le chiffre le plus fréquemment cité est de 5 à 10 p. 100 de la population scolaire, les garçons étant trois fois plus souvent touchés que les filles. Il est vrai que plus le milieu socio-culturel est élevé, plus il est sensible à ces troubles et plus précoce en est le dépistage.

La notion d’enfant caractériel ne renvoie pas à une entité nosologique précise ; elle recouvre en fait des troubles d’expression et de fonction extrêmement diverses et signifie seulement que l’enfant est inadapté à son milieu familial ou social et que celui-ci lui est devenu intolérant.

A. D.

➙ Délinquance juvénile / Inadaptée (enfance) / Psychose.

 M. Klein, Die Psychoanalyse des Kindes (Vienne, 1932 ; trad. tr. la Psychanalyse des enfants, P. U. F., 1959). / J.-L. Lang, l’Enfance inadaptée (P. U. F., 1962 ; 2e éd., 1968).

Caragiale (Ion Luca)

Écrivain roumain (Haimanale, près de Tîrgovişte, 1852 - Berlin 1912).


Issu d’une famille de gens de théâtre, il fut copiste dans un tribunal, souffleur au Théâtre national de Bucarest, inspecteur d’écoles, employé à la Régie des monopoles d’État, patron de brasserie, directeur du Théâtre national de Bucarest. Enfin, à partir de 1904, il s’établit à Berlin, gardant toutefois d’étroites liaisons avec les milieux culturels roumains.

Il avait débuté en 1873 en donnant des nouvelles et des vers à la revue humoristique Ghimpele (l’Épine), puis, de 1877 à 1901, il édita les revues humoristiques Claponul (le Chapon) et Calendarul claponului (le Calendrier du chapon), la revue Vatra (le Foyer), la revue satirique Moftul romîn (la Bagatelle roumaine). Parallèlement à cette intense activité journalistique paraissaient ses créations dramatiques, qui l’imposèrent vite comme une valeur sûre de la dramaturgie roumaine et du théâtre universel. Les comédies O noapte furtunoasă (Une nuit orageuse, 1873), Conu Leonida faţă cu reacţiunea (Monsieur Léonidas face à la réaction, 1879), D-ale carnavalului (Pendant le carnaval, 1885) et surtout O scrisoare pierdută (Une lettre perdue, 1884) traduisent son art parfait de la construction dramatique, la finesse de son observation, sa maîtrise des ressources comiques, du comique de caractère au comique de mœurs et de langage. Avec le drame Năpasta (la Malédiction, 1890) et des nouvelles comme Păcat (Péché), O făclie de Paşti (Un cierge de Pâques, 1892 ; publiée en 1908) — cette dernière considérée comme la première grande nouvelle psychologique de la littérature roumaine — et În vreme de război (Par temps de guerre, 1899 ; publiée en 1908), Caragiale révèle d’exceptionnels dons d’analyste. Dans les contes fantastiques (Kir Ianulea, Abu-Hassan, Calul dracului [le Cheval du diable]), il utilise d’une manière savoureuse l’anecdote orientale qui caractérisait le milieu roumain phanariote du commencement du siècle passé ; le vrai penchant de son art reste pourtant le réalisme, greffé sur une sensibilité esthétique de nuance classique. Les personnages de Caragiale concrétisent, en une diversité de types sociaux, la caractérologie humaine. Les volumes Schiţe uşoare (Esquisses légère, 1896), Momente (Moments, 1901) et Schiţe noua (Nouvelles Esquisses, 1910) prolongent et développent l’humour des comédies, faisant appel aux moyens spécifiques du genre : croquis rapides, fixant le personnage en une attitude révélatrice et dont l’ensemble donne une image kaléidoscopique de la petite bourgeoisie roumaine. D’autres fois, comme dans le pamphlet politique 1907 din primăvară pînă în toamnă (l’Année 1907, du printemps jusqu’à l’automne), la satire devient virulente, lorsque Caragiale dénonce les responsabilités dans la grande révolte paysanne de Roumanie. C’est cette acuité du trait et cette variété de registre qui, aujourd’hui encore, font de l’œuvre de Caragiale un modèle de style et d’analyse psychologique.

T. B.

 T. Vianu, la Vie de I. L. Caragiale (en roumain, Bucarest, 1940). / S. Iosifescu, le Moment Caragiale (en roumain, Bucarest, 1963). / S. Cazimir, Caragiale, l’univers comique (en roumain, Bucarest, 1967). / G. Călinescu, « Domina bona » dans Principes d’esthétique (en roumain, Bucarest, 1968).

Caravage (le)

Peintre italien (Caravaggio 1573 - Porto Ercole 1610).


Parmi les peintres qui ont provoqué un choc, une rupture dans le déroulement historique de leur art, Michelangelo Merisi (ou Merighi, ou Amerighi), dit il Caravaggio (en fr. le Caravage), occupe une place de choix. Son destin de « peintre maudit » — une gloire précoce, une fin prématurée, solitaire et misérable — oppose aussi violemment les ombres et les lumières que ses grandes toiles pathétiques ; et la « vulgarité » de son réalisme dans les sujets religieux comme la « brutalité » de son ténébrisme ont suscité, de son vivant même, autant de colères que d’enthousiasmes. De là une image légendaire et simplifiée qui s’est fixée pour trois siècles. De nos jours seulement, avec le retour de faveur du baroque, les recherches des historiens italiens et étrangers — au premier rang desquels Hermann Voss, Lionello Venturi, Roberto Longhi, René Jullian — ont sensiblement nuancé le portrait de l’artiste. Mais, dans sa biographie, si elles ont rectifié ou précisé beaucoup de points essentiels, elles n’ont pas « réhabilité » le personnage, qui semble vraiment s’être efforcé de gâcher tous ses atouts. Violent, impulsif, persuadé — sans doute à bon droit — de sa supériorité et ne souffrant ni contradiction ni critique, bohème impénitent, pilier de taverne et fauteur de rixes, toujours prêt à tirer l’épée : les documents d’archives ne nous laissent aucun doute. Il est vrai qu’on ne découvre chez lui nulle bassesse, qu’il eut des protecteurs et des amis fidèles, et que ses malheurs des dernières années, sa vie fugitive et errante préservent de toute vulgarité le destin de ce mauvais garçon, en lui conférant une sorte de tragique.