Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique noire (suite)

En Afrique, ce changement d’orientation de l’opinion européenne provoqua tout le long des côtes un affaiblissement des États axés sur la traite. Les régions les plus surveillées, où la contrebande était difficile, manquèrent de produits d’échange jusqu’au jour où la demande d’huile de palme ranima leur commerce. Celles, qui, au sud de l’équateur, avaient été moins exploitées, connurent un plus grand essor, fondé sur la contrebande. La carte des factoreries européennes, désormais liées à d’autres commerces, s’en trouva modifiée.


L’Afrique du Sud

Sur un point, en Afrique du Sud, le mouvement philanthropique dressa les colons contre la métropole. La Compagnie hollandaise des Indes orientales avait, en effet, expédié en 1652 quelques colons, sous la direction du capitaine Jan Van Riebeeck, pour créer, sous ce climat méditerranéen, une escale propre à ravitailler ses bateaux. Progressivement, aux dépens des Hottentots, ces paysans « boers », hollandais ou frisons, renforcés à la fin du xviie s. par quelques huguenots français, avaient développé une colonie agricole et pastorale. En 1806, les Anglais occupèrent Le Cap, que les traités de 1815 leur cédèrent. Entre ces Boers, dont l’attitude vis-à-vis des Noirs fut adoptée par la plupart des émigrants britanniques, et la métropole, des conflits éclatèrent à propos du traitement des Noirs et de la lutte menée contre les tribus de pasteurs xhosas puis zoulous à l’est de la colonie. Après l’abolition de l’esclavage, une partie des Boers fit sécession et alla s’établir plus au nord, sur les rives du Transvaal et de l’Orange.

L’Afrique* du Sud suivit dès lors une évolution particulière, orientée vers la domination du Blanc sur le Noir. Celle-ci fut puissamment favorisée par la découverte des mines de diamant du Kimberley, puis d’or du Transvaal et de cuivre de Rhodésie.


Commerce et exploration européens au xixe s.

La fin de la traite ne modifia pas le système des tribus courtières. Celles-ci s’employèrent progressivement à remplacer l’esclave par l’huile de palme, de plus en plus convoitée en Europe à partir de 1820. Cette huile servit de lubrifiant aux machines, de matière première aux savonneries et, vers la fin du siècle, aux fabriques de margarine. L’arachide devint aussi, après 1865, la principale ressource de la Sénégambie.

Les États européens ne cherchèrent guère, cependant, à étendre leur domination sur ces côtes malsaines. Les progrès du libre-échange ne les incitaient pas à se créer des monopoles. L’Angleterre développa son influence sur le littoral de la Gold Coast, d’où les Hollandais se retirèrent peu avant l’annexion britannique de 1874. La police du commerce et la répression de la traite des Noirs conduisirent le gouvernement à s’emparer de Lagos en 1861. La France occupa Assinie et Grand-Bassam en Côte-d’Ivoire, et l’estuaire du Gabon en 1844. Elle y étendit son influence jusqu’à l’Ogooué en 1862. Les Portugais ne pénétrèrent pas profondément dans l’arrière-pays de Luanda et de Benguela sur l’Atlantique, de Quelimane et de Mozambique sur l’océan Indien.

La curiosité scientifique des naturalistes et des géographes de l’African Association (1787), qui fusionna en 1830 avec la Société royale de géographie de Londres, incita ceux-ci à entreprendre l’exploration systématique de l’intérieur. Du premier voyage de Mungo Park (1795) à l’arrivée de Richard Lander dans le delta en 1830, il fallut trente-cinq ans pour dessiner le cours du Niger. L’exploration, à partir de Tripoli et selon l’itinéraire des caravanes transsahariennes, révéla l’importance de la civilisation et du commerce des États musulmans, en pleine effervescence, ainsi que de la traite des esclaves vers l’Afrique du Nord et l’Empire turc. La découverte du cours du Niger offrit une autre voie de pénétration vers le Soudan occidental et tchadien. Un commerçant de Liverpool, MacGregor Laird, désireux d’accéder aux sources de l’huile de palme sans recourir aux tribus courtières, tenta de faire remonter le fleuve à ses bateaux en 1832. Il participa également à la grande expédition de 1841, subventionnée par les antiesclavagistes. Les fièvres eurent raison de ces efforts. Mais une troisième tentative réussit en 1854 sous la conduite du docteur William Baikie, qui fit absorber de la quinine — couramment utilisée à Saint-Louis du Sénégal — à son équipage. Laird, alors, aidé par le gouvernement, organisa à partir de 1857 des expéditions annuelles, dans le dessein d’atteindre le Soudan et de détourner vers la côte une partie du commerce transsaharien. Baikie s’y employa jusqu’à sa mort en 1864. Le centre de Lokoja se développa au confluent du Niger et de la Bénoué (1860). Des consuls britanniques succédèrent à Baikie de 1865 à 1869. Ils s’entendirent avec le sultan du Noupé, Massaba, vassal de l’Empire foulani de Sokoto. Ce dernier, cependant, n’autorisa pas d’établissement étranger.


La deuxième poussée musulmane

L’islām avait marqué le pas après la conversion des chefs noirs des États soudanais au xie s. À l’exception des Haoussas du Bornou, les masses étaient d’ailleurs restées ou redevenues païennes. Mais ces populations d’agriculteurs avaient vu s’infiltrer parmi elles des pasteurs nomades qui physiquement ne leur ressemblaient pas et qui semblent être venus de l’est au Macina, puis dans les pays haoussas entre Niger et Tchad. En partie animistes aussi, ces groupes, appelés Peuls (ou Foula, Foulbé, Foulani), furent regroupés par des chefs musulmans fanatiques, qui proclamèrent la guerre sainte contre les infidèles. Au cours du xviiie s., les Toucouleurs du Fouta-Djalon et du Fouta-Toro sénégalais s’emparèrent également du pouvoir et imposèrent l’islām. L’un des plus brillants de ces puritains, Ousmane dan Fodio, avait vingt ans quand il commença d’enseigner vers 1775, et ses tournées de prédication au Gober, au cours desquelles il dénonça les abus (corruption, débauche, arbitraire, perception de taxes non coraniques, etc.), finirent par inquiéter le sultan, qui tenta de le faire assassiner. Avec son frère Abdullahi et son fils Mohammed Bello, qui se partagèrent sa succession après sa mort vers 1817, il proclama la guerre sainte. Vainqueur en 1804, il créa un empire autour de sa capitale de Sokoto. Il n’eut pas grand-peine à soumettre les petits princes voisins, mais ne put abattre le roi du Kanem-Bornou, al-Kānami. La paix de 1812 lui laissa l’ouest du pays haoussa, avec Kano et Gando, que Bello agrandit encore. L’Empire foulani s’étendit sur l’Adamaoua, la rive nord de la Bénoué, l’Ilorin et le nord de l’empire d’Oyo. Le Bornou, plus petit, subsista avec le Kanem, au nord-est du lac Tchad, Kouka et Zinder.

Un disciple d’Ousmane dan Fodio, Cheikhou Ahmadou, originaire du Macina, rentra chez lui vers 1810 pour y prêcher contre les chefs animistes bambaras. Groupant autour de lui les Peuls convertis, il installa sa capitale à Hamdallahi et organisa un État, qui s’affaiblit après sa mort en 1848 et tomba en 1862 sous les coups d’El-Hadj Omar.