Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

capital (suite)

La définition marxiste du capital

Pour les économistes marxistes, la définition classique du capital est fausse. « Les moyens de production ne deviennent du capital qu’à une phase déterminée du développement historique, lorsqu’ils sont propriété du capitaliste et servent de moyens d’exploitation du travail salarié [...]. Le capital social n’est pas une chose, mais un rapport social de production qui a un caractère historique transitoire [...]. Ne sont pas du capital les instruments et les matières premières de l’artisan, le matériel, les semences et les bêtes de trait du paysan qui exploite son terrain sur la base de son travail personnel » (Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’U. R. S. S.).

G. R.

capitalisme

Système économique et social dans lequel les moyens de production les plus importants n’appartiennent pas à ceux qui les mettent en œuvre, mais — soit directement, soit indirectement par l’intermédiaire de groupements financiers plus ou moins anonymes — à des personnes privées et dont les principales caractéristiques sont : 1o la nature essentiellement contractuelle des rapports unissant les entreprises productrices (personnelles, familiales ou sociétaires) avec leurs clients, leurs fournisseurs et les membres de leur personnel ; 2o le fait que le travail y soit considéré comme une marchandise soumise aux lois du marché au même titre que les produits et les services ; 3o l’intention affirmée des entrepreneurs de produire non pas en vue de la recherche directe du bien commun, mais pour le marché, afin d’obtenir le profit le plus élevé possible grâce à une innovation et une efficacité maximales.


En étudiant le régime dans lequel ils vivaient, les socialistes ont été frappés d’observer le rôle prédominant joué par le capital monétaire et les capitaux techniques dans l’activité économique. C’est pour cette raison que K. Marx a intitulé son principal ouvrage le Capital et qu’il a donné le nom de capitalisme au système économique qu’il définissait et critiquait (v. marxisme). Par la suite, l’usage du terme s’est répandu. Dans le langage courant, il est venu à désigner tout à la fois un système économique (à base de capital), un certain état d’esprit (fondé sur la recherche exclusive du profit), un certain genre de vie et une conception du monde (imprégnés de libéralisme). Quant à l’analyse économique, elle s’est efforcée de dégager un modèle abstrait où se trouvent rappelés les différents éléments caractéristiques du système économique qu’est le capitalisme : a) un esprit dominé par la recherche du plus grand profit ou du plus grand gain monétaire net ; b) une organisation juridique et sociale (caractérisée par quatre traits : l’appropriation privative des moyens de production ; la libre disposition par le travailleur de sa force de travail ; le rôle central de l’entrepreneur, combinant par l’entremise du marché les facteurs de production, capital et travail, séparés juridiquement et économiquement ; la non-participation directe de l’État à l’activité économique) ; c) une technique très évolutive dominée par le machinisme et la grande industrie.

Ce modèle abstrait sert surtout de référence dans les discussions relatives à l’origine, à l’évolution et aux variantes nationales du capitalisme, de telle sorte qu’on a pu parler de « capitalismes », au-delà des caractéristiques communes qui les rapprochent, comme l’existence d’une économie de marché et d’un mécanisme des prix plus ou moins libre.


L’apparition et le développement du capitalisme


Un développement linéaire depuis la Renaissance...

Selon la thèse traditionnelle, l’apparition du capitalisme résulterait d’un concours de circonstances favorables qui se seraient manifestées à partir du xvie s., mais qui auraient été préparées durant les trois siècles précédents par une série d’événements, parmi lesquels les croisades. Le capitalisme se développe à partir du xvie s. en raison de l’essor commercial de l’Europe marchande. C’est la thèse de la continuité : le capitalisme est issu de l’accumulation progressive de richesses par le commerce. Cette accumulation se produit d’abord dans les villes marchandes, où existe une classe d’artisans groupés en corporations ou en fabriques, sous la direction de marchands-fabricants qui assurent la vente des produits. C’est le cas, par exemple, des villes drapières des Flandres. La création d’industries nouvelles s’en trouve encouragée. Cette accumulation a eu lieu ensuite dans les ports, particulièrement à partir du xviie s. La grande source d’enrichissement sera alors le commerce des Iles (Indes orientales et occidentales ou Antilles), portant sur les épices, le sucre (le grand produit tropical) et surtout sur le bois d’ébène (traite des Noirs). Cet essor commercial se double d’une révolution opérée dans les esprits. Selon J. U. Neff, les individus, surtout en Occident, se convertissent à la recherche des objets quantitatifs dans la production et acquièrent une mentalité statistique. Jusque vers le milieu du xvie s., les entreprises économiques obéissent presque exclusivement à des préoccupations religieuses et artistiques : elles produisent des objets dignes d’être contemplés pour leur beauté et pour le témoignage qu’ils portent. La recherche de la qualité guide l’effort humain. Entre 1540 et 1640 se déroule en Angleterre, puis dans les pays de l’Europe du Nord une « première révolution industrielle », dont le caractère novateur consiste à faire prévaloir sur l’esprit qualitatif l’esprit quantitatif ; à un esprit contemplatif succède un esprit de curiosité et de spéculation. On produit alors quantité d’objets ordinaires qui permettent aux individus de satisfaire des besoins ou des usages courants, ce qui contribue au développement de ressources jusque-là inexploitées : ainsi, la houille, anciennement connue, mais tenue jusqu’alors pour un combustible vil, servira à la fabrication massive de marchandises à bon marché. Dans le même temps, les individus, contrairement aux habitudes de leurs ancêtres, s’éprennent de mesures et d’expériences, se mettent à tout chiffrer, à chercher la formation quantitative de tous les phénomènes. Une révolution scientifique double la révolution économique et lui donne les moyens de se développer en lui permettant de résoudre les problèmes techniques de la production. Elle aboutit à la mise en œuvre d’innovations industrielles provoquant un accroissement de la production de quantités toujours plus élevées d’énergie (houille, puis électricité) et de matières premières en vue de leur incorporation aux produits industriels. À partir du xviiie s., à l’essor commercial et au changement dans les mentalités s’ajoute l’essor industriel. Une nouvelle forme de capitalisme naît : le capitalisme industriel, qui se répand d’abord en Grande-Bretagne. La révolution industrielle marque dans ce pays le début du capitalisme moderne. Cette transformation a été rendue possible en raison de multiples inventions qui se sont produites dans les textiles, dans la métallurgie et dans l’énergie. Ces inventions s’expliquent par l’extension des débouchés et la pression de la demande sur l’industrie, puis par l’action réciproque des inventions les unes sur les autres, qui tendent à maintenir au même rythme les différentes phases de la production. Cette forme nouvelle du capitalisme se répand en Angleterre, puis en France, d’ailleurs beaucoup plus lentement et moins profondément. Dans les autres pays (Allemagne, États-Unis, par exemple), l’avènement du capitalisme industriel est encore plus tardif.