Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique noire (suite)

Il en fut de même sur l’Atlantique. Les premiers chrétiens qui découvrirent les côtes du golfe de Guinée dans la seconde moitié du xve s. furent les Portugais. Ils cherchaient une route vers l’Inde et vers les États du Prêtre Jean, dont le concours leur aurait permis de prendre à revers leurs ennemis musulmans. (V. Éthiopie.) Leur premier fort fut édifié en 1448 dans une île de la baie d’Arguin. En 1456, le Vénitien Ca’ da Mósto, naviguant pour le compte du roi de Portugal, découvrit les îles du Cap-Vert, puis remonta le cours de la Gambie. Il y rencontra un chef noir qui lui parla de « l’empereur du Mali, le puissant empereur des Noirs ». Santiago fut colonisée en 1460, le climat des îles du Cap-Vert offrant des escales toniques. De là, les côtes de la Sénégambie et de la Guinée furent activement prospectées, car les Portugais y avaient découvert une variété d’épice la plus recherchée à l’époque, le poivre de Maniguette, ainsi que de la poudre d’or. Ils crurent atteindre la source de l’or quand Fernão Gomes en rapporta de grosses quantités de Gold Coast et reçut d’Alphonse V, en 1469, un contrat lui assurant pour cinq ans le monopole du commerce en Guinée, à condition d’explorer cent lieues de côte par an. À l’échéance du contrat, l’État décida d’exploiter lui-même ce monopole, et le premier grand fort, qui existe toujours, fut construit à Elmina en 1482. Les pierres de taille et les charpentes furent expédiées avec tout le matériel nécessaire et accompagnées de dix caravelles où s’embarquèrent 500 soldats et marins et 100 charpentiers et ouvriers. Le chef local finit par concéder l’emplacement choisi, sur la petite rivière Benga, à deux pas de la mer.


Le Congo

Au Congo* et au Bénin*, les Portugais trouvèrent de grands États solidement organisés, qui semblent s’apparenter au type soudanien. Leurs chefs, qui contrôlaient la vie économique, accueillirent bien les étrangers au Congo, alors qu’au Bénin ils refusèrent les relations commerciales avec le Portugal. Le Congo fut l’objet d’une tentative de pénétration et d’acculturation, à laquelle son roi, baptisé sous le nom d’Afonzo, se prêta. Mais le pays était pauvre et ne pouvait payer en or ou en ivoire les produits ou les cadres importés d’Europe. Les marchands et les aventuriers installés dans l’île de São Tomé, où ils créèrent des plantations de canne à sucre, contrecarrèrent l’action diplomatique de la cour de Lisbonne et, ne pouvant pas tirer du Congo, qui contrôlait ce commerce, les esclaves nécessaires à leurs cultures, se tournèrent vers l’Angola*. Cette ancienne dépendance du Congo fut fréquemment razziée. Les Portugais s’y installèrent à partir de 1576 (fondation de Luanda). Après la mort d’Afonzo, vers 1540, le Congo fut délaissé par le Portugal. Les missionnaires, qui le parcoururent à différentes reprises aux xviie et xviiie s., ont laissé des documents qui permettent d’esquisser l’évolution du royaume, fréquemment déchiré par des rivalités et des guerres.

Quand le gouverneur portugais du Brésil Martin Afonso de Sousa installa dans ce pays des plantations de canne à sucre, les Indiens recrutés sur place le déçurent ; aussi importa-t-il de São Tomé, à partir du milieu du xvie s., la main-d’œuvre, à laquelle recouraient également les colons des Antilles. La grande traite des Noirs d’Afrique vers l’Amérique se développa aux xviie et xviiie s. Hollandais, Anglais, Français et autres y participèrent. Ils établirent des forts et des factoreries sur la côte africaine, y échangèrent des armes, des tissus, de la dinanderie, des perles, de l’alcool, du tabac contre les esclaves, qui, aux Antilles, étaient revendus pour faire place à des cargaisons de sucre. Les principaux centres furent, pour les Hollandais, Elmina, enlevé aux Portugais en 1637, pour les Anglais Accra à partir de 1664, pour les Français Ouidah au xviie s. et Saint-Louis du Sénégal (1659). Ils en exportèrent aussi de la poudre d’or et, au xviiie s., la gomme, très recherchée pour fixer les couleurs des toiles peintes, et traitée également sur les côtes de Mauritanie* et à l’escale de Bakel sur le fleuve Sénégal*.


Portugais et Arabes en Afrique orientale

Poursuivant leur route vers l’Inde, les Portugais se heurtèrent, au début du xvie s., aux Arabes. Ils soumirent entre 1502 et 1508 leurs colonies de Zanzibar, de Mombasa, de Kilwa et de Sofala, mais, dès la fin du siècle, leur domination fut ébranlée par une révolte générale. Quand les insurgés trouvèrent un chef en la personne du sultan d’Oman, les Portugais durent abandonner progressivement le nord de cette côte. À partir de 1700, le partage fut accompli et dura jusqu’à la période impérialiste. Toute la côte, jusqu’à Kilwa, releva de l’empire d’Oman (Mascate). Les Portugais restèrent au Mozambique. Ils n’établirent pas de relations directes avec le Monomotapa et, à l’exception des postes de Sena et de Tete, sur le Zambèze, se bornèrent à la côte, d’où les rapports intermittents avec l’intérieur furent assurés par les tribus locales.


La traite des Noirs et les États esclavagistes

L’esclavage et la traite lointaine ont existé en Afrique avant l’arrivée des Européens. Les États soudanais ont participé à la traite transsaharienne, et l’exportation des esclaves par la côte orientale a toujours existé. Mais il est impossible d’apprécier l’importance de ce commerce faute de documents.

L’esclavage existait d’ailleurs aussi en Europe. La France, pendant tout l’Ancien Régime, recourut aux esclaves barbaresques ou turcs pour former les équipages des galères royales. Vers 1552, les esclaves, noirs surtout, formaient un dixième de la population de Lisbonne. Ils étaient utilisés comme ouvriers agricoles, porteurs d’eau, dockers, domestiques, etc.

En Afrique, les Portugais acquirent des esclaves à défaut d’or ou de poivre. Le navigateur Duarte Pacheco Pereira raconte, dans son livre Esmeraldo « de situ orbis », que, tout au début du xvie s., ils payèrent avec des bracelets de cuivre, au Bénin, des esclaves qu’ils revendirent pour de l’or en Gold Coast. L’esclave était une richesse aussi recherchée par les Noirs que par les Blancs. Mais, avec le développement de l’économie sucrière, il devint aux yeux de ces derniers le principal objet du commerce africain.