Čapek (Karel) (suite)
La montée du péril nazi lui inspira, à la fin de sa vie, les pièces Bílá nemoc (la Lèpre, 1937) et L’époque où nous vivons (1938), où l’on voit le pacifisme naturel de Čapek s’effacer devant son civisme. De la même époque et de la même inspiration relève encore První parta (la Première Équipe, 1937), qui fut très en honneur durant le bref « printemps de Prague ».
Karel Čapek écrivit une partie de son théâtre en collaboration avec son frère aîné, peintre et littérateur, Josef : Loupežník (le Brigand, 1920), comédie lyrique, Ze života hmyzu (1921) et Adam stvořitel (Adam créateur, 1927), revue philosophique. Le refus d’une certaine forme de progrès technique débouche toujours chez Čapek sur un vitalisme confiant et humanitaire, témoin ses romans utopiques la Fabrique d’absolu (1922), Krakatit (1924), la Guerre des salamandres (1936).
Les problèmes que posent à la conscience du monde la désintégration de la matière (la Fabrique d’absolu, Krakatit), l’automatisation (R. U. R.), la manipulation de la vie (R. U. R., Věc Makropoulos), la transformation de la planète (Adam stvořitel) avaient été plus qu’entrevus par Čapek, dont l’œuvre acquiert ainsi, de nos jours, un regain d’intérêt.
Les nouvelles policières de Čapek (Povídky z jedné kapsy [Contes d’une poche], 1929 ; Povídky druhé kapsy [Contes de l’autre poche]) sont autant de croquis charmants et désabusés où le monde de la justice, des malfaiteurs et de leurs victimes est finement et sympathiquement analysé. Les mêmes dons d’observation, les mêmes qualités du psychologue et du styliste se retrouvent dans la trilogie romanesque à trame plus ou moins policière de Hordubal (1933), Povětroň (le Météore) et Obyčejný život (la Vie ordinaire, 1934). Čapek s’est également acquis une juste notoriété par ses récits de voyages : Italské listy (Lettres italiennes, 1923), Lettres d’Angleterre (1924), Výlet do Španěl (Excursion en Espagne, 1930), Obrázky z Holandska (Images de Hollande, 1931). Citons enfin l’admirable pochade l’Année du jardinier (1929), ses contes pour enfants, comme Dachenka (À l’enfant poète, 1931), et pour adultes, comme les Récits apocryphes.
Čapek ne survécut que quelques mois au drame de Munich. On peut relever dans son œuvre les multiples influences de Bergson (vitalisme, relativisme, intuitionnisme), des pragmatistes américains Peirce et James (il écrivit un traité de philosophie pragmatiste), du réalisme scientifique de Masaryk, dont il était l’ami (Entretiens avec Masaryk, 1928-1935), vraisemblablement de Wells (littérature d’anticipation), des humoristes américains (Bret Harte) et du cubisme dans sa première période (goût des tableaux schématiques). Mais son style, ramassé, exempt de toute fioriture, proche de la langue parlée, a marqué un tournant décisif dans l’histoire de la langue littéraire tchèque.
Y. M.
H. Jelinek, Histoire de la littérature tchèque de 1890 à nos jours (Sagittaire, 1935). / W. E. Harkins, Karel Čapek (New York, 1962). / H. Janaszek-Ivaničková, Karel Čapek (en polonais, Varsovie, 1962). / A. Matuška, Karel Čapek, Man against Destruction (trad. du slovaque, Londres, 1964).