Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Canton (suite)

L’arrivée des Européens (achetant thé, porcelaines et soieries contre argent, puis opium) ne tarda pas à créer de nouvelles conditions. Les Cantonais seront les premiers à subir leur influence ; ils seront aussi parmi les premiers à réagir. À partir du milieu du xixe s., la ville est un foyer d’idées réformistes. Dès 1839, un fonctionnaire local, Lin Zexu (Lin Tsö-siu), donne l’ordre de jeter à la mer une cargaison d’opium, et, en 1841, la population des environs s’arme pour résister aux troupes anglaises, qui débarquent pour protester (guerre de l’Opium). C’est à Canton que Sun Yat-sen (lui-même originaire du Guangdong) réorganise le Guomindang (Kouo-min-tang). En 1925 et 1926, Mao Zedong (Mao Tsö-tong), installé dans l’ancien temple de Confucius de la ville, forme avec quelques amis les responsables chargés d’encadrer le mouvement paysan. Mais, en 1927, Jiang Jieshi (Tchang* Kaï-chek) y écrase une insurrection ouvrière.

Parallèlement, la ville se développait et se modernisait. À côté de la concession franco-britannique de l’île de Shamian (Cha-mien) et le Quai, où les établissements de commerce étaient alignés, on perça des rues spacieuses dotées d’égouts et bordées d’arcades (bienvenues en période de mousson), et desservies par un réseau d’autobus et de tramways. Le jeu fut interdit, et les fameux sampans de la rivière des Perles furent en grande partie détruits par un incendie ; la municipalité fit enfin un effort dans le domaine de l’éducation, ouvrant des écoles susceptibles d’accueillir 40 000 enfants.

Le régime né de la révolution de 1949 a poursuivi les travaux d’urbanisme et doté la ville d’une industrie moderne (sidérurgie, mécanique [fabrication de matériel pour le raffinage du sucre], tissages, papeteries, conserveries), sans supprimer pour autant les artisanats traditionnels (travail de l’ivoire, céramiques, éventails). Un port moderne a été aménagé à Huangpu (usuellement Whampoa), à 15 km en aval (mais, en fait, le véritable avant-port de Canton est Hongkong). Canton est aussi un centre culturel important ; on y trouve l’université Sun Yat-sen, quelques autres écoles supérieures, des bibliothèques et des musées. Fidèle à sa tradition commerciale, la ville organise deux fois par an une foire internationale, à l’occasion de laquelle sont signés un grand nombre de contrats avec les pays étrangers.

Elle a un plan général simple ; installée dans un coude de la rivière des Perles, elle est tournée vers le sud. Elle s’étend de la colline Yuexui, au nord, sur le flanc sud de laquelle a été aménagé un admirable stade, à la rivière des Perles. Les principales artères, toutes parallèles, dont la plus grande est l’avenue de la Libération, descendent en pente douce vers le fleuve. Les temples anciens sont nombreux et bien conservés ; le minaret de l’antique mosquée subsiste (très fortement restauré) ; un musée historique de la ville a été aménagé dans un grand « pavillon dominant la mer » (Zhenhai lou [Tchen-hai leou]), édifice à cinq étages, reconstruit au xviie s. sur la colline Yuexui. Parmi les édifices récents, signalons le palais des expositions (siège de la foire, 20 000 m2 de superficie), deux grands hôtels, le mausolée des martyrs de la Commune de Canton. Une des manifestations les plus animées de la ville est la foire aux fleurs, qui a lieu au printemps (nouvel an chinois).

C. L. S. et J. D.

➙ Chine.

Cantor (Georg)

Mathématicien allemand d’origine russe (Saint-Pétersbourg 1845 - Halle 1918).


Issu d’une famille israélite originaire du Portugal, il naît en Russie, où son père, de religion luthérienne, était venu tout enfant de Copenhague. Sa mère, née à Saint-Pétersbourg, appartenait à une famille catholique originaire d’Autriche, qui comprenait de nombreux musiciens. En 1856, ses parents se fixent en Allemagne, et il fréquente alors diverses écoles à Wiesbaden, à Francfort-sur-le-Main et à Darmstadt. En 1862, à Zurich, il s’oriente vers une carrière d’ingénieur, lorsque le goût des sciences abstraites le conduit, en 1863, à l’université de Berlin. En 1867, il soutient sa thèse de doctorat en philosophie, qui, consacrée aux équations indéterminées du second ordre, ne fait nullement pressentir la direction ultérieure de ses travaux. Privatdocent en 1869 à l’université de Halle, à la suite d’une thèse sur les transformations des formes ternaires quadratiques, il est nommé professeur extraordinaire en 1872. C’est alors qu’il est poussé par l’un de ses collègues de l’université, Eduard Heine (1821-1881), à étudier les séries trigonométriques. La même année, au cours d’un voyage en Suisse, il fait la connaissance de Richard Dedekind (1831-1916), avec lequel il se lie d’une solide amitié et entretient une très remarquable correspondance mathématique, où s’éprouvent à peu près toutes les idées fondamentales de la théorie des ensembles*. Ses œuvres originales dans ce domaine débutent par un article en 1873, suivi d’écrits parus de 1878 à 1883, puis de 1895 à 1897. En particulier, la découverte des nombres transfinis est de 1879, date à laquelle Cantor est nommé professeur ordinaire à l’université de Halle. En quelques années, ce sont des découvertes étonnantes, qui parfois déconcertent leur auteur lui-même : notion de la puissance des ensembles abstraits, distinction entre la puissance du dénombrable et celle du continu, début de la topologie, arithmétique des nombres transfinis, etc. Plus tard, David Hilbert (1862-1943) déclarera que l’édifice ainsi élevé par Cantor « représente une des plus belles créations de l’esprit mathématique ». Cependant, ces travaux, par leur nouveauté même, suscitent dès le début la défiance de Karl Weierstrass (1815-1897) et l’hostilité de Leopold Kronecker (1823-1891), qui avaient été à Berlin les maîtres de Cantor. Celui-ci éprouve ainsi des difficultés pour la publication de ses divers articles. Néanmoins, lorsque Magnus Gösta Mittag-Leffler (1846-1927) fonde en 1882 les Acta mathematica, il ouvre ses colonnes à Cantor, et, dès le second tome de la nouvelle revue, paraît une traduction française d’un de ses mémoires, faite par des élèves de Charles Hermite (1822-1901). Un mémoire aurait même eu pour traducteur Henri Poincaré (1854-1912). En 1884, l’excès de travail, l’incompréhension des mathématiciens sur la valeur de ses découvertes, les attaques de ses adversaires provoquent chez Cantor une dépression nerveuse qui l’oblige à se réfugier quelque temps dans une clinique. Un peu plus tard, il demande la transformation de sa chaire de mathématiques en chaire de philosophie. Des périodes de santé lui permettent cependant de poursuivre ses travaux, et, à sa mort, tant leur valeur que leur importance sont universellement reconnues.