Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Canterbury

V. de Grande-Bretagne, dans le nord-est du Kent ; 32 800 hab.


À l’époque romaine, la bourgade de Durovernum Cantiacorum, chef-lieu des habitants du Kent, était au carrefour routier, sur l’itinéraire de Londres à la mer. Après l’invasion saxonne, elle prit le nom de Cantwaraburh, ou Cantwarabyrig (bourg des hommes de Kent). Æthelberht, roi de Kent de 560 à 616, en fit sa capitale. Il avait épousé une princesse franque chrétienne, Berthe. C’est à cette époque que débarqua (597) le moine Augustin, envoyé par le pape Grégoire le Grand pour convertir l’Angleterre. Il baptisa le roi, fonda un monastère bénédictin, qui devait être le lieu de sépulture des rois et qui avoisinait la très vieille église Saint-Martin. Au viie s., les églises se multiplièrent dans la ville, devenue siège d’un archevêché ; celui-ci, création directe de l’Église romaine, tendait à l’imiter dans sa structure, et constituait une tête de pont de la catholicité en Grande-Bretagne. Deux conciles eurent lieu à Canterbury, en 605 et en 969. Après la conquête normande, l’épiscopat (1070-1089) de Lanfranc (v. 1005-1089) donna une nouvelle vigueur à la vie religieuse. À l’emplacement d’une ancienne église de bois, on entreprit la construction de la cathédrale.

La ville faisait alors partie du domaine royal et était gouvernée par un portreeve, puis, aux xiiie-xive s., par deux baillis et un burghmote. À partir d’Henri VI, elle eut un maire, élu. C’était, de temps immémorial, un lieu de foires. Ce devait être aussi un important lieu de pèlerinage, à la suite de l’assassinat, dans la cathédrale, de l’archevêque Thomas Becket (1170). Ce pèlerinage acquit, aux xive et xve s., une extraordinaire popularité ; il attirait les foules toute l’année, mais surtout en décembre et juillet, faisant de Canterbury une ville d’hôtellerie et de marchands de souvenirs. Au xive s., le poète Chaucer, dans ses Canterbury Tales, a décrit les pèlerins venant de Londres, promeneurs autant que pèlerins, racontant leurs histoires au long des quatre journées de marche.

Avec le xvie s. vinrent les désordres religieux et le déclin du siège épiscopal, quand l’archevêque fut ravalé au rang de simple sujet du roi. En 1538, Henri VIII ruina la chapelle funéraire de Thomas Becket. En 1643, les protestants pillèrent la cathédrale, qui fut quelque temps transformée en caserne.

La composition de la population avait changé : si la ville demeurait ecclésiastique, avec ses églises, ses collèges et ses hôpitaux, elle avait accueilli des protestants wallons, réfugiés des Pays-Bas espagnols, qui ne furent pas sans prendre part aux désordres civils et religieux du xviie s. Ils dotèrent Canterbury d’une activité commerciale et industrielle nouvelle, car ils tissaient la soie, la laine et le coton, et commerçaient avec le continent. Ils représentaient au xviie s. environ le quart de la population, soit quelque 2 500 personnes. En 1568, ils s’étaient fait attribuer un lieu de culte. En 1676, ils eurent une charte particulière. La révocation de l’édit de Nantes renforça la population d’un contingent de protestants français, et la prospérité économique s’en trouva accrue.

Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ont fait d’importants dégâts dans la partie est de la ville. Il reste cependant, outre les édifices religieux, bien des constructions du Moyen Âge : maisons, remparts, donjon (Dane John).

L’université date de 1965. Au Moyen Âge, les moines allaient faire leurs études à Oxford.

La cathédrale de Canterbury

La ville est célèbre par sa cathédrale, dont l’archevêque est primat de l’église anglicane. Le premier édifice, saxon, ayant été détruit en 1067 par un incendie, l’archevêque Lanfranc, ami de Guillaume le Conquérant, entreprit de le rebâtir sur un plan plus vaste. L’œuvre fut poursuivie sous son successeur saint Anselme, et achevée en 1130. De cette cathédrale normande subsiste une admirable crypte et les parties basses du transept occidental.

Le chœur ayant été victime en 1174 d’un nouvel incendie, un maître maçon français, Guillaume de Sens, fut aussitôt chargé de le rebâtir ; Guillaume l’Anglais lui succéda, et l’ouvrage fut achevé à la fin du xiie s. Ce nouveau chœur, de style gothique primitif, atteste par son plan l’importance du pèlerinage de Canterbury, à la suite de la canonisation de Thomas Becket en 1174 ; c’est ainsi qu’un déambulatoire en fer à cheval, exceptionnel en Angleterre, entoure l’abside où les reliques de l’archevêque reposaient dans une châsse splendide, qu’Henri VIII devait faire disparaître. Les voûtes principales sont sexpartites. Les arcades reposent sur des colonnes simples qui, dans les travées proches de l’abside, alternent avec des colonnes doubles, selon l’exemple de la cathédrale de Sens. Un triforium est ménagé sous les fenêtres hautes. À la même campagne appartiennent la chapelle d’axe, en rotonde, des chapelles latérales et les parties hautes du transept oriental. De beaux vitraux de cette époque illustrent l’histoire de Thomas Becket.

Vers la fin du xive s., la nef normande fut rebâtie, ainsi que le transept occidental, dans le style gothique dit « perpendiculaire », dont Canterbury marque le premier triomphe. L’élégant jubé fut ajouté vers 1400, et l’imposante tour centrale (Bell Harry Tower), rebâtie à la fin du xve s. Parmi les nombreux tombeaux qu’abrite la cathédrale, on remarque celui du Prince Noir, avec son admirable effigie de bronze du xive s. L’ancien monastère attenant, dissous par Henri VIII, comprend notamment un vaste cloître remontant au début du xiiie s., mais refait en style perpendiculaire vers 1400, et une salle capitulaire du xive s., couverte d’une superbe voûte de bois.

La cathédrale conserve en outre de notables vestiges de son décor peint du xiie s. : dans la crypte, peintures de l’abside de la chapelle Saint-Gabriel, de style roman à influence byzantine (Jérusalem céleste, Christ en gloire, v. 1140-1160) ; dans la chapelle Saint-Anselme du déambulatoire, scène plus tardive de saint Paul à Malte.

B. de M.

R. H.

➙ Angleterre / Grande-Bretagne / Thomas Becket.

 J. C. Cox, Canterbury, a Historical and Topographical Account of the City (Londres, 1905). / E. F. Lincoln, The Story of Canterbury (Londres, 1955).