Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

canonique (droit) ou droit canon (suite)

Mais les multiples sources du droit : conciles généraux ou particuliers, Décret de Gratien, décrétales, actes des papes (contenus dans les bullaires), jurisprudence romaine amenèrent finalement une grande confusion. Le premier concile du Vatican (1869-70) ne put, faute de temps, procéder à l’examen des nombreuses questions juridiques qui lui étaient posées. Du moins, des matériaux avaient été fournis par les évêques du monde entier et les universités : ils serviront de base à la réforme du droit, dans le sens de l’unification et de la simplification, que devait entreprendre le pape Pie X.


Le Code de droit canonique (1917)

Quelques mois après son élection, Pie X, par la lettre Arduum sane munus du 19 mars 1904, décidait de mettre fin à la confusion et de codifier le droit en vigueur dans l’Église : les lois promulguées jusqu’à cette époque devaient être tout d’abord « réparties dans un ordre net et précis, en excluant celles qui ont été abrogées ou qui sont tombées en désuétude ». Dans un second temps, la législation serait adaptée aux besoins nouveaux de l’époque contemporaine.

Le maître d’œuvre de ce travail gigantesque fut un prélat italien, Mgr Pietro Gasparri (1852-1934, créé cardinal en 1907), entouré de nombreux consulteurs et collaborateurs. Les évêques du monde entier purent envoyer à Rome leurs desiderata, puis leurs remarques sur les travaux des diverses commissions préparatoires.

Le 27 mai 1917, le Code de droit canonique (Codex juris canonici) était promulgué par le pape Benoît XV. Il entra en vigueur le 19 mai 1918. La nouvelle législation fut bien accueillie. Le Code était clair, concis, remarquablement homogène et simplifiait et adaptait beaucoup de normes antérieures. Il faudra attendre l’époque de libéralisation ouverte par le pontificat de Jean XXIII et le concile de Vatican II pour qu’on lui reproche ouvertement d’être trop juridique, de ne pas plonger suffisamment ses racines dans la théologie, de refléter une conception de l’Église trop romaine, l’accent étant mis de fait sur le rôle des clercs, la centralisation, l’autorité de la loi aux dépens des personnes et surtout des simples fidèles.

Le Code de droit canonique, rédigé entièrement en latin, comprend 2 414 canons et est divisé en cinq livres : normes générales (canons 1 à 86) ; droit des personnes : clercs, religieux, laïcs (canons 87 à 725) ; « choses » : sacrements, culte divin, magistère, institutions et biens ecclésiastiques (canons 726 à 1551) ; procès, causes de béatification et de canonisation (canons 1552 à 2194) ; délits et peines (canons 2195 à 2414).

Cette législation est précédée d’une importante préface historique due au cardinal Gasparri, de deux documents de Benoît XV promulguant le Code et instituant une commission de cardinaux pour l’interpréter authentiquement en cas de difficultés, enfin de la profession de foi catholique. En annexe du Code, neuf documents anciens sont reproduits, la nouvelle législation faisant expressément appel à leur autorité, spécialement en matière de mariage : ils vont d’une constitution de Paul III en 1537 aux règles établies par Pie X pour l’élection du pape. Un index analytique détaillé complète l’ouvrage.

Le Code de droit canonique connut de très nombreuses rééditions. Son texte est demeuré inchangé, sauf deux rectifications de détail opérées par Pie XII. Pourtant, les congrégations romaines ayant continué leur activité, un certain nombre de lois nouvelles ne se trouvent pas dans le Code de droit canonique, mais doivent être cherchées dans les Acta apostolicae sedis (journal officiel du Saint-Siège) ou différents recueils de décisions et précisions canoniques.


L’ère nouvelle de Vatican II

Le pape Jean XXIII, le 25 janvier 1959, avait annoncé simultanément aux cardinaux la convocation d’un concile œcuménique et la révision du droit canonique. Ces deux événements devaient, ensemble et non l’un sans l’autre, aboutir à la mutation souhaitée de l’Église. De fait, le concile de Vatican II (1962-1965) a ouvert la voie, selon les mots de Paul VI, à « une nouvelle et grande période législative de l’Église ».

Les constitutions, décrets ou déclarations issus de Vatican II ont modifié et parfois abrogé nombre de lois en vigueur. Des lois nouvelles ont été promulguées, tels le rétablissement du diaconat permanent ou l’instauration par le pape du synode ou conseil permanent d’évêques pour l’Église universelle. Mais, au-delà des changements législatifs matériels, c’est la fonction même du droit dans l’Église qui a été infléchie dans le sens d’un service pastoral et missionnaire.

Les décisions conciliaires qui ont entraîné de profondes modifications dans le droit en vigueur sont la constitution sur la liturgie, le décret sur la charge pastorale des évêques, celui sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse, les décrets sur la vie et le ministère des prêtres, celui sur l’activité missionnaire de l’Église. Des normes d’application ont été promulguées à leur propos en 1964 et en 1966.

En dehors des textes conciliaires proprement dits, de nombreuses dispositions législatives sont allées dans le double sens de l’adaptation des normes anciennes aux réalités nouvelles et de la décentralisation souhaitée par les évêques. Ainsi, pour ne signaler que l’essentiel, la curie romaine — y compris le Saint-Office — a été réformée et modernisée, des pouvoirs de dispense assez étendus ont été concédés aux évêques et aux supérieurs généraux des congrégations religieuses, la législation concernant les mariages entre chrétiens dont l’un n’est pas catholique a été assouplie, la discipline de la pénitence a été révisée, des institutions nouvelles ont été créées : un conseil des laïcs, une commission justice et paix, des conseils d’évêques auprès des différents dicastères de la curie romaine.

Mais l’essentiel de la réforme du droit canonique reste à faire. Une commission de cardinaux, assistée de nombreux experts et consulteurs choisis dans le monde entier, a été instituée dans ce sens par le pape Paul VI. Ses travaux — qui sont secrets — ne semblent avoir jusqu’ici rencontré que des critiques assez sévères de la part des évêques. La commission a pourtant mené à bien la première partie de la tâche qui lui était confiée : la rédaction d’une constitution, ou loi fondamentale de l’Église. Celle-ci — dont le principe même a été très contesté par certains théologiens ennemis d’un juridisme trop contraignant — a été envoyée à tous les évêques en 1971. En trois chapitres, elle traite de l’Église, peuple de Dieu (nature, fin et structure de l’Église ; droits et devoirs des fidèles ; la hiérarchie : le pape, le collège des évêques, les prêtres et les diacres), des fonctions dans l’Église (enseignement, sanctification et gouvernement) et des rapports de l’Église et du monde.

En attendant que la réforme du droit soit achevée, de nombreux canons (environ 400) du Code de droit canonique ont officiellement été modifiés.