Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique (suite)

Les Chinois

Quant au littoral oriental, les Chinois y pratiquaient des échanges commerciaux, sans doute indirects, depuis le xe s. : des monnaies de la dynastie des Song (960-1280) ont été retrouvées à Zanzibar ; des esclaves noirs sont utilisés comme domestiques par de riches Chinois. Mais c’est sous le règne de l’empereur Ming Yong-le (Yong-lo) [1403-1424] que la découverte proprement dite commence : elle est favorisée par la recherche de nouvelles voies commerciales. Après que la dislocation de l’Empire mongol eut rendu les voies terrestres vers l’ouest incertaines, sept expéditions sont envoyées pour explorer les rives de l’océan Indien et de ses dépendances ; l’une d’elles comportera jusqu’à soixante-deux navires, porteurs de trente-sept mille hommes. « Nous avons, diront les Chinois, jeté les yeux sur des régions barbares très lointaines, cachées dans la transparence bleue de vapeurs luminescentes. » La cinquième expédition (1417-1419) longe une partie de la côte orientale d’Afrique, de même que la sixième (1421-1422). Des descriptions détaillées sont faites sur les pays visités et leurs populations. Un être fabuleux, une girafe, est ramené à la Cour, où les poètes chantent cet animal « qui, dans toute l’Antiquité, n’avait été vu qu’une seule fois ». Mais ces voyages ne se prolongent guère et la Chine se retourne vite vers les routes de terre. Dans le secteur qu’elle a exploré, elle est remplacée par les Portugais, qui, au début du xvie s., auront reconnu la totalité du littoral du continent. L’un d’eux, Pêro de Covilhã, participe aux recherches sur le mystérieux royaume chrétien du « Prêtre Jean », ce qui le conduira en Éthiopie, où le retiendra le négus.


Les premières recherches scientifiques. De nouveaux venus

Au cours des xvie et xviie s., la puissance commerciale du Portugal sur les côtes africaines décline. Les initiatives des Hollandais, des Anglais et des Français sur les côtes occidentales multiplient les compagnies de commerce mais ne font guère progresser la connaissance de l’intérieur du continent. Des missionnaires, pourtant, visitent à plusieurs reprises l’Éthiopie, et un médecin français, Charles Poncet, va soigner le négus en 1698. Des métis portugais s’enfoncent profondément dans les terres depuis l’Angola et le Mozambique. Le négociant marseillais André Brüe remonte le Sénégal à partir de 1697. Les Hollandais envoient quelques expéditions vers l’intérieur en utilisant pour base leur établissement du Cap. Au total, peu de chose, et la découverte est bien moins avancée que pour les autres continents à l’orée du Siècle des lumières.

Mais, désormais, si la découverte prend un aspect systématique et scientifique, avec les recherches botaniques de Michel Adanson en Afrique occidentale (1749-1753) et les expéditions des Hollandais chez les Bantous, elle reste bien lente. À partir de 1769, l’Écossais James Bruce parcourt l’Abyssinie en tous sens et décrit le cours du Nil Bleu, qu’il considère comme la principale source du Nil. Il faut pourtant attendre la fin du siècle pour que d’autres Britanniques, soutenus par l’African Society, soient responsables des progrès sensibles en ce qui concerne la géographie de l’Afrique. Le major Houghton remonte la Gambie en 1791-1792 et gagne le haut Niger ; mais il sera assassiné. Un Écossais, Mungo Park, reprend la tâche : il remonte la Gambie en 1795, étudie les pays des Mandings et des Ouolofs et atteint le Sénégal. En 1796, il arrive sur les rives du Niger, près de Ségou, où il constate que le fleuve coule vers l’est, contrairement à ce que l’on pensait à l’époque. Au cours d’une seconde expédition (1805-1806), il visitera Tombouctou mais périra sur le Niger, son embarcation ayant été vraisemblablement engloutie par les rapides de Boussa. En Afrique australe, après leur conquête du Cap sur les Hollandais, les Anglais font également de notables progrès dans la découverte avec les recherches de John Barrow. Au nord-est, W. G. Browne visite l’Égypte (1792) et remonte jusqu’au Darfour. Enfin, en 1821, la première traversée du Sahara par les Européens est effectuée par Dixon Denham, le docteur Oudney et Hugh Clapperton, qui, partis de Tripoli, atteignent le Tchad et démontrent que cette grande lagune n’est pas le réceptacle du Niger.

L’expédition d’Égypte amène chez les Français un regain d’intérêt vis-à-vis de l’Afrique, dernière région du monde habité avec l’Australie à être très mal connue : une carte très exacte de la vallée du Nil est dressée jusqu’à Assouan. Puis c’est à René Caillié*, un isolé, un humble, que l’on doit l’exploit peut-être le plus extraordinaire du siècle : la visite de Tombouctou, en 1828, et la traversée du Sahara. Cependant, il a été précédé de deux années dans la ville mystérieuse par l’Écossais Alexander Gordon Laing, qui sera assassiné dans le désert.


La découverte systématique

Le raid « visionnaire » de Caillié s’oppose fondamentalement à celui de l’Allemand Heinrich Barth, dominé par la rigueur scientifique : parti de Tripolitaine avec un compatriote, Overweg, et l’Anglais James Richardson, il effectue seul un immense périple dans la région du Tchad et le bassin du Niger (1850-1855), mettant enfin au clair les relations entre les deux systèmes hydrographiques. Un séjour de six mois à Tombouctou lui permet d’écrire la première histoire de l’Empire songhaï. Son voyage, écrira le général Meynier, « démontrait la présence, dans le centre africain, de vastes contrées fertiles où la pénétration européenne avait intérêt à se fixer ». De fait, les expéditions vont encore présenter un grand intérêt scientifique, mais elles seront désormais le fait de militaires et d’administrateurs, qui précéderont de peu la conquête du continent tout entier. En effet, le déclin et l’interdiction de la traite des Noirs amènent le dépérissement de bien des comptoirs côtiers. L’Europe, qui a de plus en plus de marchandises à vendre, recherche avidement de nouveaux débouchés : il faut pousser vers l’intérieur de l’immense continent et la découverte porte désormais en elle les grandes lignes du partage de l’Afrique par les impérialismes européens. Ainsi, les voyages de l’Allemand Gustav Nachtigal (1869-1875) complètent ceux de Barth, mais permettent cette fois à son pays de prendre rang dans des régions où il se taillera ses possessions du Togo et du Cameroun. Ceux de Gerhard Rohlfs, en revanche, effectués à travers tout le Sahara de 1862 à 1878, n’auront guère de conséquences sur le plan politique, comme sur le plan scientifique, en raison du peu de rigueur des relations qui en seront faites.