Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique (suite)

L’antiquité

Dès le IIe millénaire, les dynasties égyptiennes étendent leur influence loin au sud, en Nubie, dans le pays de Couch. Le Nouvel Empire, à partir de 1580 av. J.-C., s’étendra en amont de la quatrième cataracte. Mais au-delà, le Nil reste plein de mystère et l’emplacement de ses sources sera très tôt l’un des problèmes majeurs posés aux géographes. Pour Hérodote, « on connaît le cours du Nil jusqu’à une distance de quatre mois de navigation [...]. Le Nil vient du Couchant et des contrées occidentales mais, au-delà, nul ne possède de renseignements certains, car le pays, en raison de son climat brûlant, est un véritable désert ». L’historien grec rapporte pourtant des bruits qui courent sur des aventuriers originaires de la région de la Grande Syrte : après avoir traversé les déserts, ils auraient atteint un grand fleuve qui, « coulant du Couchant vers le Levant », serait peut-être le Niger mais passait pour constituer la branche mère du Nil. En revanche, toujours d’après Hérodote, un point capital de la connaissance de l’Afrique est acquis depuis longtemps : « La Libye [l’Afrique] est limitée de tous côtés par la mer, sauf dans la partie où elle se rattache à l’Asie. » Cette certitude serait à porter au crédit du pharaon Néchao II, qui aurait envoyé les Phéniciens entreprendre le périple du continent en partant du golfe Arabique (la mer Rouge) : le voyage aurait demandé trois années. Il est peu vraisemblable que cette expédition ait réellement eu lieu. Si le monde noir est à peine soupçonné, Hérodote donne des renseignements précis sur les peuples de l’Afrique septentrionale, depuis ceux qui habitent l’oasis d’Amon (sans doute l’oasis de Siouah) jusqu’aux habitants des rivages de l’actuelle Tunisie. Au-delà, vers l’ouest, Hérodote est très discret : « Je ne sais absolument rien sur les peuples qui vivent au-delà [du pays des Atlantes]. » À peine une allusion, d’après des témoignages de Carthaginois, à un trafic d’or qui se faisait sur les côtes occidentales de l’Afrique avec des peuplades habitant l’actuel Rio de Oro. Pourtant les rivages du continent auraient déjà été reconnus par de hardis voyageurs, des Carthaginois commandés par Hannon, qui, vers le début du ve s. av. J.-C., se seraient avancés jusqu’au fond du golfe de Guinée. Mais cette expédition, connue par un court texte grec du ive s., reste très hypothétique quant aux rivages effectivement visités. Après Hérodote, la connaissance de la configuration générale de l’Afrique ne s’améliore pas : pour Ératosthène, le littoral au-delà du cap Guardafui est totalement inconnu et la mappemonde de cet auteur ne montre pas de communication entre l’« océan éthiopien », à l’ouest, et la « mer Érythrée ». De même Strabon puis Ptolémée supposent que l’Afrique s’étend démesurément vers l’est, dans les basses latitudes qui limitent la mer Érythrée. Le dernier, cependant, a une idée assez précise des côtes orientales du continent jusqu’aux alentours de Zanzibar. Les connaissances de l’intérieur vont progresser à l’initiative des Romains : en 19 av. J.-C., Cornelius Balbus Minor atteint le Fezzan. En 42 apr. J.-C., Paulinius, à la poursuite de rebelles, explore les régions correspondant au Maroc méridional. Néron envoie une expédition à la recherche des sources du Nil : elle s’avance très loin vers le sud. Utilisant en outre des renseignements fournis par des marins grecs, Ptolémée peut décrire l’origine du grand fleuve, né dans deux lacs situés au sud de l’équateur, eux-mêmes alimentés par les « monts de la Lune ». Ces derniers seront jusqu’au xixe s. un élément essentiel de la carte de l’Afrique. Si cette chaîne n’existe pas, du moins l’origine lacustre du Nil sera-t-elle confirmée. Enfin, à la fin du ier s., un certain Julius Maternus aurait traversé le Sahara et atteint les régions correspondant au Nigeria.


Les Arabes

Après la chute de l’Empire romain, c’est aux Arabes qu’il revient de faire progresser la connaissance de l’Afrique. Pour Mas‘ūdī (mort v. 956), le problème de l’origine des sources du Nil en reste aux données de Ptolémée. Si Idrīsī (né v. 1099) apporte beaucoup de renseignements sur l’Eurasie, sa connaissance de l’Afrique reste approximative, et s’il fait état d’un pays de l’or, vers le haut Nil, son planisphère, gravé sur une plaque d’argent pour Roger II de Sicile, reproduit l’erreur qui étend vers l’Extrême-Orient le continent noir. Et, au-delà du détroit de Gibraltar, des côtes inconnues bordent une « mer des Ténèbres », où la navigation est infiniment périlleuse en raison « de la hauteur des vagues, de la fréquence des tempêtes, de la multiplicité des animaux monstrueux et de la violence des vents ». Il faut attendre le xiiie s. pour que les géographes arabes précisent les connaissances sur l’Afrique du Nord, décrite jusqu’aux confins sahariens par al-Muqaddasī (ou Maqdisī). Mais c’est au dernier et au plus grand des grands voyageurs arabes du Moyen Âge que l’on devra un bond dans la connaissance de l’intérieur de l’Afrique. Ibn Baṭṭūṭa* (1304-1377) parcourt toute l’Afrique occidentale en 1352 et en 1353. Traversant le Maroc, il gagne Sidjilmāsa, le grand centre du commerce de l’or, aux confins du Sahara. Avec une caravane, il entreprend une pénible traversée du désert : il faut deux mois pour atteindre le Niger. Il se plaindra des Noirs, de leur accueil et « du peu d’égards qu’ils ont pour les hommes blancs ». L’empire du Mali lui apparaîtra bien rustique, comparé aux splendeurs de l’Orient qu’il a admirées auparavant. Après avoir visité Tombouctou, Ibn Baṭṭūṭa gagnera Gao en pirogue et, probablement, Agadès. De là, il reviendra au Maroc après avoir traversé les massifs de l’Aïr et du Hoggar. On lui doit la première description d’ensemble du grand désert africain et de la zone soudanaise.


Les chrétiens, les Portugais

Mais, désormais, c’est aux chrétiens que l’on devra des données nouvelles sur l’Afrique, et d’abord sur les îles qui l’annoncent : Madère a peut-être été vue par un Anglais dès la fin du xiiie s. Connues des Génois au début du xive s., les îles Canaries sont véritablement découvertes après 1340 par les marins de la Méditerranée, mais aussi par des Anglais et des Français. Les Açores, enfin, les plus lointaines, furent sans doute aperçues au retour des expéditions envoyées aux Canaries. En 1415, les Portugais prennent pied à Ceuta : pendant un siècle, ils vont être à la pointe de la découverte. Des expéditions sont envoyées sur la côte d’Afrique à l’initiative du prince Henrique, Henri le Navigateur. Ces voyages ne dépassent guère la latitude des Canaries. Les progrès sont d’abord lents : le cap Bojador n’est franchi qu’en 1434, par Gil Eanes. L’apparition d’un nouveau navire, la caravelle, va jouer un rôle capital. Grâce à elle, le cap Blanc est franchi en 1441. Les premiers Noirs sont capturés et le trafic d’esclaves va bientôt constituer un nouvel et puissant attrait pour les découvreurs : il précédera un peu celui de l’or, dont l’Europe commerçante est de plus en plus avide. En 1445, les Portugais doublent le cap Vert et pénètrent dans l’estuaire du Sénégal. En 1456, le Vénitien Ca’ da Mosto, au service des Portugais, donne des renseignements précis sur la région comprise entre le Sénégal et la Gambie. Dès lors, l’orientation du rivage au sud-est, puis à l’est, va renforcer l’espoir de trouver une voie rapide vers les Indes et les terres des épices. Mais les trafics locaux eux-mêmes deviennent très fructueux en arrivant dans le golfe de Guinée, qui est exploré très vite à partir de 1469. L’équateur est franchi en 1471 et Diego Cam atteint l’estuaire du Congo en 1483, sur les rives duquel il érige un « padrão », une colonne de pierre commémorative aux armes portugaises. Cam poursuit sa découverte en 1484 et 1485, atteignant 22° de latitude sud, mais démontre que le détour pour atteindre les Indes s’allonge sans cesse. Enfin, en 1487, Bartolomeu Dias franchit le « cap des Tempêtes », qui sera rebaptisé cap de Bonne-Espérance par le roi de Portugal : la route des Indes était ouverte et les Portugais avaient reconnu tout le littoral occidental du continent.