Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Canada (suite)

L’après-guerre et le Québec

Désormais, les problèmes de la province francophone vont dominer ceux que le Canada aura à résoudre (v. aussi Québec) : de nouveau au pouvoir, de 1944 à sa mort (1959), M. Duplessis établit un régime à la fois très conservateur et très ouvert aux capitaux américains. Mais un nationalisme pourtant sincère l’amène à développer les pouvoirs de sa province vis-à-vis d’Ottawa, notamment en matière d’impôts. Avec Jean Lesage, au pouvoir de 1960 à 1966, les libéraux s’efforcent de développer une « Révolution tranquille » qui cherche à replacer la « Belle Province » dans le monde moderne. Cependant, les problèmes « nationaux » du Québec sont loin d’être résolus, comme en témoignent le retour de l’Union nationale au pouvoir (1966-1970) avec Daniel Johnson et Jean-Jacques Bertrand (1916-1973), et surtout les progrès constants des « indépendantistes », qui ont profité sans nul doute du voyage du général de Gaulle en 1967 : le parti québécois, créé en 1968 par René Lévesque, obtient 23 p. 100 des voix aux élections de 1970. Si les libéraux reprennent alors la responsabilité du Québec, avec Robert Bourassa, ils n’en sont pas moins au cœur d’un très grave problème posé au Canada tout entier : l’assassinat d’un ministre québécois, Pierre Laporte (oct. 1970), par des membres du « Front de libération du Québec » (F. L. Q.) est le témoignage tragique de la violence à laquelle est parvenue une frange extrémiste des séparatistes.


Le Canada aujourd’hui

Les lendemains de la guerre avaient pourtant été paisibles pour l’ensemble du pays : un Canadien français, le très digne Louis Saint-Laurent, avait succédé à Mackenzie King en 1948. L’année suivante, le nouveau Premier avait la satisfaction de voir le Canada s’agrandir d’une nouvelle province, Terre-Neuve, enfin convaincue de l’intérêt qu’elle avait à rejoindre son grand voisin. Pourtant, une maladresse, un prêt gouvernemental à une société américaine chargée de construire un pipeline de l’Alberta au Saint-Laurent, avait mobilisé les rancœurs et valu un succès (1957) au conservateur John Diefenbaker, succès qui s’était transformé en triomphe en 1958. Des projets avortés à l’intérieur, une politique extérieure hésitante, marquée par une certaine indépendance vis-à-vis des États-Unis, alors que la défense canadienne était de plus en plus intégrée à celle du puissant voisin, amèneront une détérioration de la situation. En 1963, les libéraux reviennent au pouvoir avec Lester Pearson, puis, en 1968, avec Pierre Elliott Trudeau.

Cette victoire d’un libéral francophone, profondément fédéraliste, a sans doute marqué le désir de ses électeurs de trouver une solution à l’irritant problème du Québec.

La solution préconisée par Pierre Elliott Trudeau est celle de « la justice dans l’unité » ; elle est illustrée, notamment, par la création, envisagée en 1969, de districts authentiquement bilingues pour l’Enseignement, la Justice et l’Administration partout où la population francophone atteint ou dépasse 10 p. 100 de la population totale. Cette politique n’aurait des chances d’aboutir que si la province francophone se sentait véritablement semblable aux autres provinces du Canada. Malgré le succès des libéraux dans le Québec même, il ne semble pas que cela soit le cas : ainsi, le gouvernement du Québec rejette en juin 1971 un projet de « charte constitutionnelle ». Il trouve en effet insuffisante l’amorce de décentralisation proposée, notamment en matière d’aide sociale : d’ailleurs, aux élections de 1972, le parti de P. E. Trudeau ne conserve le pouvoir que de justesse et doit consentir à infléchir sa politique en tenant compte des conservateurs et des néo-démocrates. Trop fragile, incapable d’enrayer l’inflation et le chômage, le gouvernement Trudeau est renversé en mai 1974, et si les élections anticipées de juillet donnent la majorité absolue au parti libéral, celles de novembre 1976 marqueront la victoire du parti québecquois (indépendantiste).

S. L.

➙ Acadie / Cartier (J.) / Champlain (S. de) / Colonisation / Empire colonial français / France / Frontenac (L. de) / King (W. L. Mackenzie) / Laurier (W.) / Macdonald (J. A.) / Mackenzie (W. L.) / Montréal / Papineau (L. J.) / Québec / Riel (L.).

 M. Giraud, Histoire du Canada (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1946 ; 5e éd., 1971). / E. W. McInnis, Canada : a Political and Social History (New York, 1947 ; 3e éd., 1969). / C. de Bonnault, Histoire du Canada français (P. U. F., 1950). / R. Rumilly, Histoire du Canada (Montréal, 1951) ; Histoire de la province de Québec (Montréal, 1966). / G. Frégault, M. Trudel et M. Brunet, Histoire du Canada par les textes (Montréal, 1952-1960 ; 2 vol. ; nouv. éd., 1963). / G. Lanctot, Histoire du Canada (Montréal, 1959-1964 ; 3 vol.). / L. Groulx, Histoire du Canada (Ottawa, 1960). / G. W. Brown, Building the Canadian Nation (Toronto, 1964). / J. D. Casanova, la Vie quotidienne en Nouvelle-France (Hachette, 1964). / C. Fohlen, l’Amérique anglo-saxonne de 1875 à nos jours (P. U. F., coll. « Nouvelle Clio », 1965 ; 2e éd., 1969). / R. Lacour-Gayet, Histoire du Canada (Fayard, 1966). / Stanley-Bréhaut Ryerson, le Capitalisme et la Confédération. Aux sources du conflit Canada-Québec (1760-1873) [Les Éditions Parti Pris, Montréal, 1972].


Les institutions

Du fait des conditions historiques de la formation du Canada et de la structure linguistique et religieuse de sa population, les règles juridiques qui forment la Constitution de la confédération présentent une certaine complexité. Ces règles ont quatre origines différentes.

• Deux textes émanent du Parlement britannique.
a) L’Acte de l’Amérique du Nord britannique donna en 1867 une consécration légale au compromis intervenu en fait au milieu du xixe s. entre les Canadiens (c’est-à-dire entre les sujets britanniques d’origine française, qui portaient alors seuls le nom de Canadiens) et les sujets britanniques d’origine anglo-saxonne ; ce texte crée une Confédération groupant quatre provinces (Haut-Canada [Ontario], Bas-Canada [Québec], Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse), autorise cette Confédération à s’augmenter des autres territoires britanniques d’Amérique du Nord qui le désireront, prévoit la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, et accorde des garanties spéciales à la province du Québec, tant en ce qui concerne sa langue (d’usage légal non seulement sur le territoire du Québec, mais aussi devant le Parlement et les cours de justice de la Confédération) que sa religion. Tout amendement aux dispositions de cet Acte est encore soumis à une ratification du Parlement britannique : c’est la garantie de la minorité de langue française, qui représente 29 p. 100 de la population du Canada. Cependant, les autorités canadiennes (tant fédérales que provinciales) et britanniques s’efforcent de trouver au problème que pose la révision de l’Acte de 1867 une solution purement canadienne acceptable par les francophones ;
b) Par le Statut de Westminster (1931), le Parlement britannique a reconnu le principe posé en 1926 par une Conférence impériale, selon lequel les dominions, bien qu’unis par une commune allégeance à la Couronne britannique, sont librement associés dans le Commonwealth et restent entièrement maîtres de leur politique intérieure et extérieure.

• Des textes complémentaires ont été adoptés par le Parlement fédéral canadien (composition des assemblées, circonscriptions électorales, etc.).

• Les lois provinciales sont relatives aux gouvernements et aux assemblées des provinces.

• Les usages, comme dans tous les pays anglo-saxons, jouent toujours un rôle important en matière d’institutions.