Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cambodge (suite)

Jusqu’au xve s., la tour sanctuaire (prasat) est l’édifice religieux par excellence, mais les architectes ont peu à peu élaboré des types plus complexes : au sanctuaire s’ajoutent un, puis des avant-corps d’importance croissante ; les pavillons d’accès aux diverses enceintes, où s’élèvent des salles longues, prennent un caractère de plus en plus monumental. À partir du xe s. (Koh Ker) apparaissent les galeries. D’abord couvertes en charpente, elles aboutiront, au xiie s., aux remarquables compositions, tout en grès, d’Angkor Vat et du Bàyon, qui, avec la conception même du « temple-montagne », sont l’une des grandes réussites de l’art khmer. Cette architecture éprise de pure géométrie n’en accorde pas moins une importance extrême au décor qui souligne les structures et anime les surfaces de thèmes empruntés à la légende des dieux et à l’épopée. Renonçant généralement à cet idéal de grandeur, la période postangkorienne ne fera guère appel qu’à la construction mixte, où bois sculptés et peintures fourniront le décor.


La sculpture

Les qualités de la sculpture décorative (bas-reliefs, linteaux) ont été très tôt célébrées, alors que celles de la statuaire, en dépit d’une originalité pleine de distinction, n’ont été reconnues que bien plus tard. Les plus belles images des viie-viiie s., encore que souvent tributaires d’un arc de soutien, témoignent d’une science du modelé et de qualités d’observation exceptionnelles ; et si, dès la première moitié du ixe s., les statues, libres de tout soutien, deviennent d’authentiques rondes-bosses, le progrès s’accompagne d’une tendance à l’hiératisme et à la froide stylisation, qu’interrompt le dynamisme monumental de Koh Ker (921-944). En 967, la réaction archaïsante de Banteay Srei sera le point de départ du style un peu maniéré du xie s., tandis que l’art d’Angkor Vat marquera un retour à l’hiératisme. Dernier grand style angkorien, l’art du Bàyon de Jayavarman VII, dans l’alliance de la spiritualité et du naturalisme, atteint l’un des sommets de l’art mondial. Mais davantage que les statues de pierre ou que les stucs, qui n’ont joué qu’un rôle modeste, les bronzes khmers, aussi bien avec le mobilier cultuel qu’avec des images quelquefois colossales, révèlent un art d’une surprenante et constante perfection.

J. B.

Cambrai

Ch.-l. d’arrond. du départ. du Nord, sur l’Escaut ; 41 109 hab. (Cambraisiens). L’agglomération de Cambrai compte plus de 50 000 habitants.



La géographie

À une quinzaine de kilomètres seulement au sud du bassin houiller et sur un nœud de voies de circulation, la ville est restée de taille moyenne, relativement peu industrialisée et au milieu d’une région rurale.

Et, cependant, le carrefour est remarquable. Dans le sens nord-sud, c’est le grand seuil entre la Flandre et le Bassin parisien. Dans le sens ouest-est, c’est une des grandes routes de la mer à Cologne. Depuis 1960, l’attention se reporte sur la valorisation de ce site de carrefour. Le canal de Saint-Quentin y met en contact Paris et la Région du Nord ; désuet, concurrencé par le nouveau canal du Nord (déjà insuffisant), on demande sa mise au gabarit de 1 350 t. L’autoroute Paris-Bruxelles longe aujourd’hui la ville.

C’est là un fait récent et nouveau. La population avait peu augmenté au xxe s., et l’industrie n’occupait, en 1960, guère plus de 40 p. 100 des actifs (des industries traditionnelles [le textile, avec le tissage du lin, le linge de table, le tricot] et des industries alimentaires [la bière, la chicorée et la célèbre bêtise de Cambrai]). Cambrai était restée une ville très « tertiarisée », et un développement industriel n’était guère souhaité.

Or, les problèmes d’emploi sont devenus préoccupants : récession du textile et influence aussi de la récession des mines, où allait travailler une partie de la main-d’œuvre. La ville s’est dotée d’une zone industrielle (Cambrai-Cantimpré), à l’ouest, bien placée entre le canal de Saint-Quentin et la future autoroute. Il y a de la main-d’œuvre potentielle, mais dont la formation nécessite aussi une reconversion de l’enseignement. Les logements ont fait l’objet de soins particulièrement attentifs. En 1969, six entreprises occupent 40 ha de la nouvelle zone industrielle. D’autre part, Cambrai va sans doute aussi bénéficier de la proximité de la nouvelle usine Simca, située entre Cambrai et Valenciennes, à Bouchain. Il y a là l’amorce d’une transformation importante.

A. G.


L’histoire

L’antique Cameracum des Nerviens est la capitale d’un petit royaume franc détruit par Clovis dans les premières années du vie s. La ville est peut-être siège d’un évêché dès le ive s., mais la vague germanique oblige à une nouvelle évangélisation, le premier missionnaire connu étant saint Vaast (v. 540) ; les sièges épiscopaux de Cambrai et d’Arras sont alors unis. À la fin du vie s. se place l’épiscopat de saint Géry ; au viie s., saint Amand parcourt le pays en évangélisateur. Le premier mouvement de fondations monastiques se place entre 625 et 730.

Les Normands ravagent le Cambrésis et la ville, notamment en 880. Le territoire du diocèse se trouve disputé entre les rois de Lotharingie, ceux de la Francia occidentalis et de la Francia orientalis. C’est au xe s. que les évêques fondent, au détriment des grands féodaux, leur puissance temporelle. Cambrai est alors une marche frontière de la Francia orientalis. En 814, l’évêque reçoit de Louis le Pieux un diplôme d’immunité ; en 941, Otton Ier renforce ses privilèges ; en 1007, Henri II lui accorde les droits comtaux. À la fin du xie s., l’évêché d’Arras — d’obédience française — se sépare de Cambrai.

Bientôt, les évêques se trouvent aux prises avec la commune de leur ville : une première charte est accordée par l’empereur en 1184 ; elle est complétée en 1227. À partir du xive s., l’influence française s’exercera à Cambrai, dont tous les évêques seront des Français. Charles Quint fortifie puissamment la cité, qui est âprement convoitée par la France, comme en témoignent la ligue de Cambrai et la paix des Dames (1529). L’empereur obtient l’érection du siège en archevêché (1559).

Louis XIV s’empare de Cambrai et du Cambrésis en 1677 ; le traité de Nimègue (1678) en confirme la cession à la France ; de 1709 à 1713, la ville est siège du parlement régional. Le siège archiépiscopal est occupé par Fénelon de 1695 à 1715.