Cambodge (suite)
Jusqu’au xve s., la tour sanctuaire (prasat) est l’édifice religieux par excellence, mais les architectes ont peu à peu élaboré des types plus complexes : au sanctuaire s’ajoutent un, puis des avant-corps d’importance croissante ; les pavillons d’accès aux diverses enceintes, où s’élèvent des salles longues, prennent un caractère de plus en plus monumental. À partir du xe s. (Koh Ker) apparaissent les galeries. D’abord couvertes en charpente, elles aboutiront, au xiie s., aux remarquables compositions, tout en grès, d’Angkor Vat et du Bàyon, qui, avec la conception même du « temple-montagne », sont l’une des grandes réussites de l’art khmer. Cette architecture éprise de pure géométrie n’en accorde pas moins une importance extrême au décor qui souligne les structures et anime les surfaces de thèmes empruntés à la légende des dieux et à l’épopée. Renonçant généralement à cet idéal de grandeur, la période postangkorienne ne fera guère appel qu’à la construction mixte, où bois sculptés et peintures fourniront le décor.
La sculpture
Les qualités de la sculpture décorative (bas-reliefs, linteaux) ont été très tôt célébrées, alors que celles de la statuaire, en dépit d’une originalité pleine de distinction, n’ont été reconnues que bien plus tard. Les plus belles images des viie-viiie s., encore que souvent tributaires d’un arc de soutien, témoignent d’une science du modelé et de qualités d’observation exceptionnelles ; et si, dès la première moitié du ixe s., les statues, libres de tout soutien, deviennent d’authentiques rondes-bosses, le progrès s’accompagne d’une tendance à l’hiératisme et à la froide stylisation, qu’interrompt le dynamisme monumental de Koh Ker (921-944). En 967, la réaction archaïsante de Banteay Srei sera le point de départ du style un peu maniéré du xie s., tandis que l’art d’Angkor Vat marquera un retour à l’hiératisme. Dernier grand style angkorien, l’art du Bàyon de Jayavarman VII, dans l’alliance de la spiritualité et du naturalisme, atteint l’un des sommets de l’art mondial. Mais davantage que les statues de pierre ou que les stucs, qui n’ont joué qu’un rôle modeste, les bronzes khmers, aussi bien avec le mobilier cultuel qu’avec des images quelquefois colossales, révèlent un art d’une surprenante et constante perfection.
J. B.