Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Californie (suite)

Il s’ensuit une période d’intrigues politiques, tandis que l’esprit autonomiste de la province progresse. Les terres sont concédées selon les caprices des gouverneurs ; les biens des missions sont sécularisés pour le plus grand profit des administrateurs et des spéculateurs. Dominée par l’élevage extensif des ranches et quelques cultures spécialisées, disposant de vastes superficies à exploiter, la Californie attire les voisins entreprenants de l’est.


La Californie devient américaine (1846-1869)

La pénétration américaine est progressive. Des commerçants en route vers l’Orient, des trappeurs, des colons attirés par la terre font parvenir dans la vallée du Mississippi et sur la côte atlantique des récits exagérés sur les richesses de la Californie. Ainsi poussés à l’aventure, de nouveaux pionniers se décident à affronter, sur leurs chariots bâchés, les distances, le froid, la faim, les Indiens et l’hostilité des Mexicains. Le Suisse John Augustus Sutter (1803-1880) donne l’exemple de la réussite. Pour les politiques comme Andrew Jackson, John Tyler, James K. Polk, l’expansion vers l’ouest correspond à la « destinée manifeste » des États-Unis et réconciliera abolitionnistes et esclavagistes. John Charles Frémont (1813-1890), explorateur, aventurier, soldat, est à la pointe du combat pour l’annexion à l’Union. La république américaine qu’il proclame en Californie en 1846 (un ours figure sur son drapeau) est sauvée par la guerre entre les États-Unis et le Mexique : en 1848, l’ancienne province espagnole ainsi que les territoires des montagnes Rocheuses entrent dans l’Union (traité de Guadalupe Hidalgo, 2 févr. 1848).

C’est alors seulement que l’or est découvert chez Sutter. La ruée qui s’ensuit a été racontée par Bret Harte et Mark Twain. Elle dépeuple, provisoirement, San Francisco, les navires à quai, les fermes. Limitée à la côte pacifique, elle devient en 1849 nationale et internationale. Tandis que le sud de la Californie ne connaît aucun changement, on compte bientôt dans le nord 100 000 mineurs qui, en neuf ans, extraient pour 41 millions de dollars.

Aussi, en 1850, après un compromis entre partisans et adversaires de l’esclavage, le Congrès vote-t-il l’accession de la Californie au statut d’État libre. Il faut alors établir l’ordre et la sécurité : des groupes d’autodéfense s’en chargent (les « Vigilantes ») ; assurer le passage vers des activités plus régulières que l’extraction individuelle de l’or ; régler le délicat problème des titres de propriété ; enfin relier San Francisco à l’Est : commencé en 1863, construit à l’ouest par des Chinois, le premier chemin de fer transcontinental est terminé en 1869.


Les originalités de la Californie (1870-1960)

• Sur le plan économique. La tradition mexicaine, les surfaces concédées aux compagnies de chemins de fer, les investissements des banques et autres puissances financières ont fait de l’agriculture californienne « un agribusiness ». Les grandes exploitations sont de règle ; la rentabilité est l’objectif primordial, le machinisme et le recours aux procédés scientifiques jouent un rôle grandissant.

Après 1870, l’élevage cède la première place au blé, dont les producteurs utilisent les transcontinentaux et les machines à vapeur. La concurrence internationale et la dépression des années 1890 font passer la primauté agricole à la vigne, aux agrumes, aux autres fruits, aux légumes, dont la variété n’a d’égale que la valeur commerciale. L’élevage reparaît sous une forme plus scientifique ; après 1945, le coton connaîtra un brillant essor.

Ces activités ne sont possibles que par l’irrigation ; de là l’importance accordée aux travaux sur les fleuves et les rivières de la région.

L’industrialisation s’est faite autour des moyens de transport. Au xixe s., ce sont les chemins de fer : les transcontinentaux, les liaisons à l’intérieur de la Californie (dominées par le Southern Pacific) et les réseaux suburbains (vers 1910, Los Angeles est reliée à 42 villes dans un rayon de 55 km). Après 1920, l’automobile, dont les centres de production sont loin du Pacifique, crée des activités industrielles, donne à l’extraction et au raffinage du pétrole un rôle primordial, transforme paysages et genres de vie. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie aéronautique, puis aérospatiale, à Los Angeles et à San Diego, bénéficie des investissements et des commandes du gouvernement fédéral.

À côté de ces activités, l’industrie du bois et l’extraction de l’or passent au second plan. Grâce à son climat, la Californie devient au xxe s. le paradis des touristes, des retraités, du cinéma et de la télévision. Les constructeurs de maisons, les commerçants, les compagnies de transport, les banques (notamment la Bank of America) tirent parti de cet épanouissement économique.

• Sur le plan politique. Jusqu’à 1910, la vie politique est marquée par l’influence toute-puissante du Southern Pacific. Dirigée, entre autres, par Leland Stanford (1824-1893) et Collis Potter Huntington (1821-1900), la compagnie pratique des tarifs discriminatoires, corrompt les politiciens, entretient un « bureau politique » dont le chef est plus influent que le gouverneur de l’État. Les réformateurs (partisans d’Edward Bellamy et de Henry George) sont réduits au silence. À San Francisco, la corruption atteint son sommet avec le « boss » Abraham Ruef (1864-1936), qui est condamné au bagne en 1908.

Au début du xxe s., le vent des réformes progressistes souffle sur la Californie. À Los Angeles, les partisans du « bon gouvernement » obtiennent en 1903 une nouvelle charte avec référendum, initiative et rappel. Dans l’État, la ligue Lincoln-Roosevelt unit les républicains et les progressistes. En 1910, elle porte Hiram Warren Johnson (1866-1945) au poste de gouverneur ; en 1917, il devient sénateur et le reste jusqu’à sa mort. Les chemins de fer sont alors contrôlés, de même que les compagnies assurant des services publics ; des lois améliorent le sort des ouvriers, d’autres réduisent le rôle des « machines » des partis. Pourtant, le progressisme est menacé : sur sa droite, par les républicains orthodoxes (après 1920), par l’indépendance brouillonne et l’ambition du magnat de la presse William Randolph Hearst ; sur sa gauche, par le syndicat anarcho-révolutionnaire des Industrial Workers of the World (jusqu’à 1917-1919), par les mouvements socialisants (comme End Poverty in California d’Upton Sinclair en 1934) ou démagogiques (le mouvement du Dr Francis Everett Townsend) pendant le New Deal.

Après 1945, les républicains se maintiennent au pouvoir avec Earl Warren. Mais, conséquence de l’enrichissement et de la « guerre froide », l’aile droite, représentée par Richard Nixon, accroît son influence. Après un intermède démocrate de huit ans, elle prend le pouvoir en 1967 avec Ronald Reagan.