Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afghānistān (suite)

L’art islamique

L’Afghānistān, plus que tout autre pays musulman, a souffert des dévastations mongoles du xiiie s. Plusieurs grandes cités des premières civilisations islamiques ne sont plus que champs de ruines, ainsi Chahr-i Golgola, proche de Bāmiyān, détruite en 1222 et fouillée en 1930. Un peu partout, sur des hauteurs, demeurent des vestiges souvent émouvants de forteresses vastes ou modestes. La connaissance de cet immense patrimoine est encore rudimentaire, mais les découvertes récentes révèlent l’existence de grandes écoles médiévales et renouvellent profondément nos conceptions relatives à l’art de l’islām.

La première grande civilisation musulmane semble avoir été celle des Turcs Rhaznévides. Nous ne savons presque rien encore des fondations religieuses de cette époque, et seuls les textes célèbrent la splendeur de la Grande Mosquée de Rhaznī. Dans cette ancienne capitale, les deux minarets mutilés de Mas‘ūd III et de Bahrām chāh, construits en brique au xiie s., attestent encore la maîtrise des architectes. Leur partie supérieure a disparu, mais il subsiste, placés sur une base octogonale, de hauts corps prismatiques articulés par des pans de murs en biseau, qui ont reçu un décor en mosaïque de brique à la fois énergique et fin. Le tombeau du fondateur de la dynastie, Maḥmūd de Rhaznī († 1030), est aujourd’hui un monument ingrat contenant une pierre tombale admirablement épigraphiée. Nous connaissons bien mieux l’architecture palatiale des xie et xiie s., grâce aux fouilles françaises de Lachkari Bāzār et aux fouilles italiennes de Rhaznī. L’influence ‘abbāsside* y est perceptible sur l’architecture et sur le décor. Néanmoins, pour la première fois, nous voyons le plan cruciforme à quatre grandes voûtes béantes (iwān) s’ordonnant autour d’une cour, dispositif qui deviendra celui de nombreux édifices religieux, principalement en Iran*. Les peintures trouvées à Lachkari Bāzār dans la salle du trône (quarante-quatre figures fragmentaires dont le corps est de face et les pieds de profil), dont le caractère turc est très marqué dans la physionomie et dans l’équipement, sont des documents de premier ordre pour l’histoire de la peinture musulmane. Les plaques de marbre à reliefs du palais de Rhaznī, figurant mercenaires turcs, scènes de chasse, danseuses, fauves, et qu’on doit comparer aux pierres sculptées du Proche-Orient seldjoukide, ont autant d’intérêt et prouvent, une fois de plus, que l’interdiction de représenter, surtout en sculpture, des êtres animés fut mal respectée.

La domination rhūride du xiie s. n’est actuellement attestée que par un monument découvert en 1957, au reste capital, le minaret de Djām (à proximité du village de ce nom). Également « tour de victoire », c’est un grand fût de quelque 60 m de haut, décoré de petits fragments de brique mis en place sur lit de plâtre. On suppose qu’il marque le centre de la capitale des Rhūrides, Fīrūzkūh, détruite en 1222.

Sous la domination tīmūride, Harāt, déjà armée d’une citadelle des ixe-xe s., dont il reste des vestiges, devient le centre intellectuel de l’Asie centrale. L’université (madrasa) de Ḥusayn Bāyqarā (1469-1506), le tombeau d’al-Anṣārī (en banlieue, à Gāzurgāh ; 1425), entouré de nombreuses tombes mal étudiées mais dignes d’intérêt, la Grande Mosquée, fondée en 1200 puis restaurée si souvent qu’on ne trouve plus rien de sa physionomie primitive, le muṣallā sont les ensembles les plus remarquables de la cité. La Grande Mosquée mérite une mention particulière comme étant, avec celle de Mazār-i Charīf, l’œuvre la plus impressionnante de l’architecture afghane. Comme cette dernière construite sans doute à la fin du xve s. sur le prétendu tombeau du calife ‘Alī, elle présente un portail, des tours, des minarets, des dômes décorés de somptueuses céramiques vernissées, où cobalt et turquoise dominent. Ce qui fait la plus grande gloire de Harāt est toutefois l’école de peinture fondée par Bāysonrhor, petit-fils de Tīmūr Lang (Tamerlan). Ses premières œuvres se signalent par la composition claire, les contours nets, les coloris à dominante rouge et orange. Elle a bientôt comme maître, entre 1470 et 1507 environ, le plus grand miniaturiste musulman, Bihzād. L’œuvre authentifiée de Bihzād est peu abondante, mais son audace dans la composition, sa science de la mise en scène, son souci de personnaliser les sujets lui donnent une valeur insigne. Elle a un immense retentissement. La conquête de l’Inde* par Bābur fait de l’Afghānistān oriental une province de l’art moghol, au moment où l’Afghānistān occidental se tourne vers la Perse séfévide. À Kaboul et ailleurs sont aménagés des jardins, aujourd’hui abandonnés, jadis aussi beaux que ceux du Cachemire, dont ils sont les ancêtres. À Kaboul encore, une jolie petite mosquée de marbre blanc, construite près de la sépulture de Bābur, atteste la présence indienne, tandis que le mausolée de Tīmūr chah, en brique, mais assez délabré, prouve l’attrait permanent de la civilisation iranienne.

J.-P. R.

➙ Asie centrale / Hellénistique (art) / Inde / Iran / Islām.

 J. Barthoux, les Fouilles de Hadda (t. Ier, Stupas et sites. Texte et dessins [Éd. d’art et d’histoire, 1933] ; t. III, Figures et figurines. Album photographique [G. Van Oest, 1930]). / J. Meunié, Shotorak (Éd. d’art et d’histoire, 1942). / J. Hackin et coll., Nouvelles Recherches archéologiques à Bégram (1939-1940) [P. U. F., 1955 ; 2 vol.]. / A. Maricq et G. Wiet, le Minaret de Djam (Klincksieck, 1959). / J. M. Casal, Fouilles de Mundigak (Klincksieck, 1962 ; 2 vol.). / J. C. Gardin, Lashkari Bazar (Klincksieck, 1963). / J. Auboyer, l’Afghanistan et son art (Cercle d’art, 1968).

Afrique

Vaste étendue continentale entre la Méditerranée, l’océan Atlantique, l’océan Indien et la mer Rouge ; 30 200 000 km2 ; 380 millions d’hab. (Africains).