Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Caillaux (Joseph) (suite)

En 1906, Caillaux est de nouveau ministre des Finances dans un ministère de composition radicale présidé par Clemenceau. Ce dernier réprime l’agitation sociale et fait intervenir la troupe contre les grévistes, mais, en même temps, il autorise son ministre des Finances à déposer à la Chambre un projet modéré d’impôt sur le revenu. Ce projet est adopté par les députés, mais rejeté par les sénateurs. Après la chute du ministère Clemenceau (1909), Caillaux se consacre aux affaires ; vice-président de la commission des finances, il entre à la commission des affaires étrangères. En 1911, il est ministre des Finances dans le cabinet Monis, lorsqu’un accident survenu au président du Conseil le porte à la tête du gouvernement (27 juin 1911).


Président du Conseil (1911-1912)

Au lendemain de la formation de son ministère éclate la crise d’Agadir, qui, à propos du Maroc*, fait craindre une guerre entre la France et l’Allemagne : Caillaux, qui est alors le seul chef du parti radical, aborde les problèmes de politique étrangère. Les relations internationales sont marquées par l’opposition entre la France et l’Allemagne depuis la défaite française de 1870 et l’annexion de l’Alsace-Lorraine.

D’autre part, les rivalités économiques des grandes puissances européennes, principalement de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Allemagne, sont particulièrement fortes dans les pays coloniaux, que celles-ci se disputent pour obtenir des débouchés économiques. Par l’envoi d’une canonnière à Agadir en juillet 1911, l’Allemagne repose le problème du Maroc, objet de convoitises entre les puissances depuis que sa mise en valeur offre des perspectives intéressantes.

Caillaux, qui avait critiqué la politique moins souple de Delcassé, s’oriente vers une politique de négociations et de compensations avec l’Allemagne (convention franco-allemande du 4 novembre 1911), tout en réservant l’Alsace-Lorraine : la France cède à l’Allemagne une partie de son territoire africain au Congo ; en échange, elle obtient les mains libres au Maroc, prélude à l’établissement de son protectorat (Delcassé avait obtenu le désintéressement de la Grande-Bretagne au Maroc en renonçant à toute influence française en Égypte).

Ainsi, Caillaux, en 1911, retarde l’éclatement de la guerre franco-allemande de quelques années. Mais il s’attire l’hostilité des nationalistes. Des négociations secrètes, que Caillaux a menées sans en informer son ministre des Affaires étrangères, sont révélées et entraînent la chute de son gouvernement (11 janv. 1912).


L’opposant, l’accusé

Raymond Poincaré forme un nouveau ministère nationaliste. Caillaux passe alors dans l’opposition ; adversaire de la loi des trois ans, il recueille, en raison de son hostilité à l’allongement de la durée du service militaire, l’appui des socialistes pacifistes.

En janvier 1913, Poincaré est élu président de la République. Autour de Caillaux se rassemblent ceux qui craignent que la politique nationaliste provoque la guerre entre la France et l’Allemagne. Après son élection, en 1912, à la présidence du parti radical et radical-socialiste, où il succède à E. Combes, J. Caillaux apparaît comme le chef des républicains de gauche. Il recherche l’alliance de Jaurès, dirigeant du parti socialiste, qui s’est prononcé, avec la IIe Internationale, pour le refus de mobilisation des socialistes allemands et français en cas d’éclatement de la guerre. C’est avec l’appui des socialistes que Caillaux renverse le ministère Barthou ; dans le ministère Gaston Doumergue, qui lui succède, J. Caillaux reprend le portefeuille des Finances (déc. 1913).

Gaston Calmette, directeur du Figaro, entreprend contre Caillaux une campagne d’attaques personnelles et menace de publier la correspondance de Caillaux et de sa première femme. Mme Caillaux tue Calmette d’un coup de revolver le 16 mars 1914 (elle sera acquittée par la cour d’assises le 31 juillet). J. Caillaux démissionne le 17 mars 1914. Pendant la Première Guerre mondiale, il est accusé par ses adversaires, Clemenceau, Poincaré, Maurras et Léon Daudet, d’intelligences avec l’ennemi. De la prison de la Santé à la résidence surveillée de Neuilly, il attend 1920 pour comparaître devant la Haute Cour, qui le condamne à trois ans de prison, ne retenant pas l’accusation d’intelligences avec l’ennemi, mais celle d’aide involontaire par ses propos, ses contacts, son opposition politique. Il sera amnistié le 1er janvier 1925.


Le retour à la vie politique

Aux élections législatives de 1924, la majorité de droite, dite « du bloc national », est battue, et Poincaré (président du Conseil depuis janvier 1922) démissionne. Le « cartel des gauches » est le vainqueur des élections, et Édouard Herriot forme le gouvernement. Après la chute d’Herriot (avr. 1925), J. Caillaux reprend le portefeuille des Finances dans le ministère Painlevé (avr.-oct. 1925) et dans le ministère Briand (juin-juill. 1926) pour lutter contre la crise financière. La période de son retour à la vie politique coïncide, sur le plan international, avec la politique de conciliation vis-à-vis de l’Allemagne vaincue préconisée par Briand, ministre des Affaires étrangères. Pour résoudre les difficultés financières, J. Caillaux préconise une augmentation des impôts, alors que les socialistes se font les défenseurs d’un impôt sur le capital. Il perd l’appui des socialistes, alors que la droite n’a pas cessé de l’attaquer : il est écarté du pouvoir en juillet 1926, après avoir demandé au Parlement les pleins pouvoirs, qu’il jugeait nécessaires à son action.

En 1935, sa présence dans le cabinet Buisson en motivera le renversement le jour même où il se présentera devant la Chambre, mais J. Caillaux restera président de la commission des finances du Sénat jusqu’en 1940.

Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et en particulier de Mémoires.

M. G.

➙ République (IIIe).