Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Caen (suite)

Aucune ville n’a cependant autant souffert que Caen de la Seconde Guerre mondiale. Le centre, entre le château des ducs et les ponts sur l’Orne, fut entièrement détruit au cours de la bataille qui suivit le débarquement de 1944. Autour de l’avenue du 6-Juin, tracée au cordeau sur les ruines, et de l’ancienne rue Saint-Jean, les architectes ont reconstruit un centre neuf, où la masse de quelques édifices médiévaux, sauvegardés et restaurés, s’harmonise avec des immeubles d’une facture sans audace, mais non sans grâce. Du vieux Caen il ne reste que les quartiers Saint-Sauveur et Saint-Étienne, dont les maisons anciennes, tassées sur des cours, bordent des rues étroites. Le Caen nouveau des dernières décennies entoure ce centre historique d’une large enveloppe composite où se distinguent trois types principaux de quartiers : quartiers des grandes industries et des cités prolétariennes de la rive droite de l’Orne (Mondeville, Colombelles) ; prolifération de pavillons aux abords immédiats du centre comme dans des communes de la banlieue, agglomérée ou non à la masse urbaine principale (Venoix, Bretteville-sur-Odon, Verson à l’ouest ; Ifs et Fleury-sur-Orne au sud ; etc.) ; grands ensembles d’immeubles collectifs, manifestations de la dernière poussée urbaine (cités de la Guérinière, de la Grâce-de-Dieu, du Calvaire-Saint-Pierre, du Chemin-Vert) et Hérouville-Saint-Clair, ville nouvelle qui doit compter plus de 30 000 habitants, surgie dans la plaine au nord de l’agglomération, face à la zone industrielle principale, dont la séparent l’Orne et le canal.

Le centre, où sont concentrés les services, les administrations et le commerce de détail, supporte avec peine l’accroissement de la circulation automobile, dû au développement de l’agglomération. Les quartiers périphériques sont mal reliés entre eux. Des réalisations nouvelles doivent remédier à ces difficultés.

A. F.

➙ Calvados / Normandie.

 H. Prentout, Caen et Bayeux (Laurens, 1909). / G. Menegoz et G. Vanel, Musée de Caen et collection Mancel (Jouan et Bigot, Caen, 1928). / E. Lambert, Caen roman et gothique (Jouan et Bigot, Caen, 1935). / J. Cazin, Caen et son agglomération (Université de Caen, 1957). / J. de La Varende, Caen (Publica, Caen, 1959). / J.-C. Perrot, Genèse d’une ville moderne : Caen au xviiie s. (Mouton, 1975).


Caen, ville d’art

L’église Saint-Étienne (l’abbaye aux Hommes) fut élevée entre 1062 et 1066 sur l’ordre de Guillaume le Conquérant, en rachat de son mariage avec la reine Mathilde, sa proche parente, épousée sans la dispense papale ; dans le même temps et pour la même cause, Mathilde faisait bâtir la Trinité (abbaye aux Dames), consacrée en 1077. Ces deux édifices grandioses rassemblent les caractères typiques de l’architecture romane en Normandie : la nef couverte de charpente (dans les deux édifices, elle sera voûtée d’ogives au xiie s.) est flanquée de collatéraux voûtés d’arêtes ; au-dessus des grandes arcades, l’étage intermédiaire est occupé par les tribunes (Saint-Étienne) ou par un faux triforium (Trinité) ; la partie supérieure est percée de fenêtres à la base desquelles court une galerie de circulation, prise dans l’épaisseur du mur goutterot. Une tour-lanterne s’élève sur la croisée. Tours et flèches tiennent d’ailleurs dans l’élévation extérieure une place remarquable. Le décor est pauvre, mais l’abside de la Trinité présente cependant des chapiteaux zoomorphes d’un modelé très nuancé. Saint-Nicolas n’a subi aucun remaniement depuis sa construction en 1083 ; les bénédictins de Saint-Étienne destinaient ce petit sanctuaire à leurs vassaux.

À l’intérieur de la vaste enceinte du château fondé par le Conquérant subsistent d’intéressantes constructions allant de l’époque romane au xviiie s., à côté desquelles a été inauguré en 1970 le nouveau musée des beaux-arts.

Trois églises sont de style flamboyant : Saint-Michel de Vaucelles, sans transept, terminée par un chevet plat ; Saint-Jean, reconstruite après le siège de 1417 ; Saint-Sauveur, dont les deux nefs accolées se terminent par deux absides polygonales ; une de celles-ci est sans doute d’Hector Sohier, auteur du brillant chevet de Saint-Pierre, élevé de 1518 à 1545 et couvert de bas-reliefs inspirés du Songe de Polyphile de Francesco Colonna. La Renaissance se manifeste encore dans le très bel hôtel d’Escoville (1535-1540). De 1684 à 1689, le père André élevait la chapelle des Jésuites, Notre-Dame-de-la-Gloriette, tandis qu’entre 1704 et 1724 frère Guillaume de La Tremblaye reconstruisait les bâtiments de l’abbaye aux Hommes (aujourd’hui hôtel de ville).

En béton, sur plan elliptique, Saint-Julien s’harmonise avec la nouvelle université, que symbolise, sur l’esplanade, le Phénix de Louis Leygues.

M. B.

café-concert

Établissement servant aux clients les consommations habituelles et présentant un spectacle (chanteurs, musiciens, attractions foraines).


Tout d’abord appelés musicos, puis cafés chantants pour les distinguer des cafés ordinaires, ces établissements prirent, dans la seconde moitié du xixe s., le nom de cafés-concerts, que le public populaire abrégea en caf’ conc’.

Dès 1759, un Impromptu de Favart nous montre des chanteurs, des danseurs, des acrobates qui se produisent sur le boulevard du Temple, devant les tables des cafés. Et c’est précisément le propriétaire du café d’Apollon, situé boulevard du Temple, qui, vers 1770, fait entrer ces attractions dans son établissement. Quelques années plus tard s’ouvrent le café des Muses, quai Voltaire, et le Cadran-Bleu, où Fanchon chante en s’accompagnant à la vielle à roue.

La vogue du Palais-Royal y attira les premiers musicos, dont certains étaient établis dans les sous-sols. Le premier en date, et le plus célèbre, le café des Aveugles, était situé vers 1771 à la foire Saint-Ovide. Il s’installa sous le péristyle nord-est du Palais-Royal, à l’extrémité de la galerie du Beaujolais. Il s’appela tout d’abord café Mécanique, parce que les consommations étaient servies par un dispositif ingénieux qui passait par les colonnes creuses des tables, puis le tenancier reçut l’autorisation d’employer quelques aveugles des Quinze-Vingts et changea le nom de son établissement. Ces aveugles menaient un tapage assourdissant de 5 heures du soir à 1 heure du matin. En intermède apparaissait un « sauvage » qui jouait du tambour. Le café des Aveugles dura jusqu’en 1872.

Un autre « sauvage » se produisait au caveau du même nom, situé sous le café de la Rotonde, et les Variétés amusantes étendaient leurs vastes salles sous la galerie vitrée du Palais-Royal.