Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cachemire ou Kāśmīr (suite)

Dès 1931 d’ailleurs, sous l’impulsion du cheikh Muhammad Abdullah (né en 1905), le mécontentement musulman se traduit par une agitation sérieuse — durement réprimée — et par la création en 1932 d’un parti : la Conférence musulmane, qui perd d’ailleurs progressivement son caractère confessionnel ; d’où scission et création de deux nouveaux mouvements : une nouvelle Conférence musulmane, groupant les musulmans les plus « intégristes » ; les partisans du cheikh Abdullah, eux, se retrouvant au sein de la Conférence nationale, qui, à partir de 1941, noue des liens assez étroits avec le Congrès national indien.

En 1946, la Conférence nationale se retrouve à la pointe du combat nationaliste, tandis que 1947 voit les mécontentements latents éclater dans le district de Punch, pour des motifs fiscaux qui prennent très vite une tout autre envergure avec la répression souvent maladroite du mahārāja Hārī Singh, la visite de Gāndhī au Cachemire et celle de Muḥammad ‘Alī Jinnah (gouverneur général du Pākistān), cela étant aggravé par l’indécision du mahārāja quant au destin politique du Cachemire.

L’incursion dans le pays de tribus musulmanes en octobre 1947 déclenche le processus. Débordé, le mahārāja fait appel à l’Inde, qui accepte de l’aider à deux conditions : que le mahārāja demande l’adhésion du Cachemire à l’Inde ; que cette intégration soit validée par un plébiscite.

Ces conditions ayant été acceptées, le 27 octobre 1947 des unités aéroportées de l’armée indienne interviennent au Cachemire, tandis que, dans la partie orientale du pays, se constitue le gouvernement du Cachemire libre (Āzād Kāśmīr), auquel le Pākistān ne tarde pas à accorder une aide militaire qui devient quasi officielle en février-mars 1948.

Les efforts britanniques et la médiation de l’O. N. U. permettent néanmoins la conclusion d’un cessez-le-feu qui entre en vigueur le 1er janvier 1949. Cette suspension des hostilités ne règle pas pour autant le problème de fond, et ce d’autant moins que la question d’un éventuel plébiscite va rapidement envenimer les relations indo-pakistanaises.

En fait, bien qu’ayant accepté le principe d’une telle consultation populaire, l’Union indienne semble surtout avoir temporisé en arguant de l’impossibilité matérielle d’organiser une consultation électorale valable, allant même, en 1953, jusqu’à arrêter et à emprisonner d’une façon arbitraire le cheikh Abdullah. Surtout, le gouvernement indien semble s’être attaché à réaliser un fait accompli juridique, la proclamation, le 17 novembre 1956, du rattachement à l’Inde par l’assemblée constituante du Cachemire. Il convient de noter également que, par les prises de position américaine, britannique, soviétique ou chinoise, le contentieux indo-pakistanais devient l’un des problèmes majeurs de la politique internationale.


Les positions antagonistes

L’argumentation pakistanaise peut se résumer en trois points : il est logique qu’un peuple à large majorité musulmane veuille être rattaché à un État musulman ; l’« acte d’adhésion » (à l’Inde) n’a été obtenu que par un véritable coup de force du souverain, dont l’audience populaire était nulle ; l’intégration à l’Inde doit être considérée comme nulle et non avenue, ayant été validée par une assemblée non représentative, élue par une fraction de la population.

Pour les Indiens, au contraire : le rattachement s’est fait de façon parfaitement légale et la non-organisation du plébiscite résulte de l’occupation illégale d’une partie du Cachemire par le Pākistān. Ce rattachement a été approuvé par une assemblée légalement élue. Par ailleurs, la violence est le fait du Pākistān, qui l’a encouragée par son soutien aux tribus en 1947 et par sa politique de « l’huile sur le feu » en matière communaliste. Enfin, l’Inde considère qu’admettre maintenant le principe même du plébiscite risquerait de conduire à une désintégration de l’Union indienne : argument difficile à soutenir en droit international, mais assez judicieux au niveau de la réalité indienne.

Sur de telles bases, la solution du problème semble ardue : le soutien accordé à la thèse indienne par N. Khrouchtchev en 1960 n’y change rien ; pis, la situation se dégrade de plus en plus, aggravée par la Chine, qui adopte une politique propakistanaise. Les négociations indo-pakistanaises de 1963 échouent rapidement, et la mort de Nehru, en mai 1964, complique encore le problème.

En 1965 commencent — selon les observateurs de l’O. N. U. — des infiltrations d’agitateurs pakistanais au Cachemire. Dès lors, le stade de la guerre froide est dépassé et, du 5 août au 22 septembre 1965, se déroule une véritable guerre indo-pakistanaise, l’ultimatum chinois à l’Inde lui enjoignant, le 16 septembre, de démanteler certaines fortifications frontalières achevant de donner au conflit une dimension internationale.

Les efforts conjugués des grandes puissances permettent néanmoins la conclusion d’un cessez-le-feu accepté par l’Inde le 21 septembre, par le Pākistān le 22.

La diplomatie soviétique, soucieuse de maintenir ses bonnes relations avec l’Inde et de contrer la politique chinoise, réussit à organiser, sous la présidence d’A. Kossyguine, une conférence indo-pakistanaise à Tachkent, du 4 au 9 janvier 1966, qui aboutit à la mise au point d’une sorte de charte de la coexistence pacifique (10 janv. 1966), les représentants indiens et pakistanais s’engageant à exclure tout recours à la force, à renoncer aux ingérences réciproques et à promouvoir une véritable négociation.

Succès réel, cette conférence ne règle néanmoins rien. Elle n’aboutit, dans le meilleur des cas, qu’à un accord de modus vivendi. Depuis, si le conflit n’a pas « déborde » de nouveau, il n’en reste pas moins une pierre d’achoppement des relations indo-pakistanaises, fournissant par ailleurs un argument polémique de choix aux extrémistes tant indiens que pakistanais. En 1975, le cheikh Abdullah, renonçant à ses idées autonomistes, accepte de devenir chef du gouvernement de l’État de Jammu-et-Cachemire, entraînant ainsi l’intégration à l’Inde de cette partie du Cachemire.