Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

byzantin (Empire) (suite)

Certes, dans certains cas, les plans sont restés strictement centralisés. Deux des monuments les plus célèbres de cette période, Saints-Serge-et-Bacchus à Constantinople, San Vitale à Ravenne*, sont des octogones à collatéraux. Grâce à des absidioles portées par deux étages de colonnes et d’arcades, les piliers peuvent être allégés sans que l’équilibre soit compromis ; et l’édifice, complexe, élancé, offre des perspectives imprévues et charmantes.

Ailleurs, au contraire, l’église reste d’abord une basilique : ainsi à Sainte-Irène de Constantinople ou dans la seconde cathédrale de Philippes, en Macédoine. La nef occidentale a gardé son aspect, avec ses collatéraux à colonnades, mais ils comportent des tribunes et des voûtes qui viennent soutenir, au-dessus du vaisseau central, une vaste coupole surbaissée. Au-dessus du chœur, un carré couvert d’une haute coupole ronde précède l’abside. Des voûtes en berceau, perpendiculaires à l’axe, assurent l’équilibre au nord et au sud. Ces formules, qui modifient peu les plans, apportent au contraire une transformation profonde dans l’aspect intérieur de l’édifice, qui se développe en hauteur et reçoit des fenêtres percées à la base des coupoles une lumière plus riche. À l’extérieur, de même, il y a peu de rapports entre la rigidité des anciennes basiliques, avec leurs horizontales rigoureuses, et les étagements complexes des voûtes et des coupoles qui donnent aux monuments un schéma pyramidal.


Sainte-Sophie

Le chef-d’œuvre de cette architecture est Sainte-Sophie de Constantinople. Justinien, pour la cathédrale de sa capitale, a évidemment ouvert à ses architectes un crédit illimité. Anthémios de Tralles et Isidore de Milet étaient d’abord des ingénieurs, et leur église est le résultat d’un savant calcul. Il s’agissait de porter jusqu’à 55 m de hauteur une coupole de 32 m de diamètre — à l’image de celle du Panthéon de Rome — en la posant sur quatre piliers et quatre arcs.

À l’est comme à l’ouest, on soutint ce baldaquin en appuyant aux arcs deux demi-coupoles de même diamètre. La longueur de base du monument se trouvait donc égale à deux diamètres, soit 64 m, plus une abside saillante et un porche. Par un procédé renouvelé de San Vitale et des Saints-Serge-et-Bacchus, des absidioles à colonnes, s’ouvrant sous les deux demi-coupoles, accroissaient la surface utile de la nef. Au nord et au sud, au contraire, les arcs étaient supportés directement par un mur, avec deux étages de colonnes. On retrouvait ainsi l’aspect d’une nef basilicale, avec tribunes, infiniment plus large, plus ouverte, plus haute que toutes les autres. Plus variée aussi, dans sa structure et dans sa couverture ; plus unie surtout, malgré tous les procédés complexes d’équilibre que cachaient ses parois ajourées. C’est que les murs latéraux ne suffisaient pas à porter les arcs et les coupoles — même avec le secours des deux étages de voûtes d’arêtes les contrebutant. Il avait fallu introduire, de part et d’autre, deux énormes contreforts, qui n’ont pas empêché la coupole de s’écrouler avant la fin du vie s. On la reconstruisit en prenant moins de risques ; et, au long des siècles, on continua de renforcer les contreforts, qui nuisent quelque peu à l’harmonie des façades latérales. À l’est, par contre, la superposition des toits qui se succèdent dans l’axe, jusqu’à la coupole, exprime toute la puissance d’un effort calculé. Enfin la richesse du décor, le granit des colonnes, le marbre ajouré des chapiteaux, le marbre bigarré des murs et des pavements, les mosaïques des tympans et des voûtes viennent splendidement colorer la lumière qui jaillit des fenêtres à toute heure du jour.

L’architecture de Constantinople est une architecture de brique, autorisant une souplesse, une liberté particulières. C’est dire que dans les provinces de l’Empire, la leçon donnée par les architectes de Justinien devra être adaptée aux matériaux locaux. Les transcriptions en murs à double face que pratiquaient les constructeurs arméniens ne permettront pas de mettre au point des plans d’une même ampleur. En Syrie, les architectes, fidèles aux formules hellénistiques, continueront à superposer des blocs réguliers et à couvrir en charpente leurs édifices, même de plan centré. En Asie Mineure et en Grèce, on ne retrouvera pas des commandes aussi somptueuses ; les églises seront souvent très petites et l’usage de la coupole ne posera plus les mêmes difficultés.


Ravenne

À Constantinople, la crise iconoclaste a fait disparaître le décor figuré des monuments de Justinien. Si nous voulons nous rendre compte de ce qu’ils étaient, il faut avoir recours aux ensembles conservés dans d’autres villes qui n’ont pas été atteintes par les destructions.

C’est à Ravenne qu’il est le plus facile de découvrir ce que pouvait être l’« ambiance » des monuments du vie s. Cette ville refuge, située au milieu des marais, au nord de l’Adriatique, est devenue dès 402 la résidence impériale avec les successeurs de Théodose, puis avec Théodoric, le chef ostrogoth client de Byzance envoyé par l’empereur Zénon en 488 pour reconquérir en son nom l’Italie perdue ; elle est restée la capitale de l’exarchat qui maintint jusqu’en 751 la présence de Byzance en Italie du Nord. De cette période impériale, de son histoire, la ville a gardé toute une série de monuments dont les principaux se succèdent sur un siècle à peu près, de 450 jusque vers 560. On peut y suivre l’évolution que créa l’arrivée des formes proprement byzantines dans l’art italien du ve s., dont la version milanaise s’était affirmée.

Ces monuments sont de plusieurs formes : il y a de nombreuses basiliques, dont deux, Sant’ Apollinare Nuovo et Sant’ Apollinare in Classe, ont conservé leur décor. Il y a une chapelle cruciforme, le mausolée de Galla Placidia, dont les mosaïques sont intactes ; deux baptistères circulaires, celui des orthodoxes et celui des ariens ; l’église de San Vitale enfin, octogonale.

À l’extérieur, tous ces édifices sont simples, et même austères. Ils sont construits en brique, avec ou sans enduits, couverts de tuile, avec seulement le marbre des portiques. À l’intérieur, au contraire, ils sont extraordinairement luxueux.