Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

byzantin (Empire) (suite)

Il est à remarquer que, sur le plan structurel, ces deux séries d’édifices sont très différentes. La basilique paléo-chrétienne est couverte en charpente, avec un toit à double pente sur la nef centrale, à simple pente sur les collatéraux. L’abside est voûtée en cul de four. L’introduction, vite généralisée, de l’arc sur colonnes accroît la légèreté de la structure. Les monuments à plan centré, au contraire, sont généralement voûtés : une coupole au centre, une voûte en plein cintre sur l’anneau du collatéral.

Et ces schémas se retrouvent, à peu près identiques, tout autour de la Méditerranée. Il y a partout suffisamment de liberté entre les variantes possibles pour que les caractères locaux apparaissent seulement comme des préférences. Il faut ajouter toutefois le maintien des méthodes de construction traditionnelles, l’emploi des matériaux locaux, l’adaptation de telle ou telle forme de la liturgie. La voûte et la coupole apparaîtront d’abord dans des régions où le bois est rare : en Mésopotamie, les voûtes de brique ; en Asie Mineure ou en Arménie*, les voûtes de pierre. Et le caractère comme la qualité du décor sculpté dépendront eux aussi, malgré l’échange constant des formes, des matériaux et des styles locaux.

Au-delà des monuments constantiniens, l’édifice chrétien le plus grandiose de cette période est le sanctuaire élevé, à Qal‘at Sim‘ān, en Syrie du Nord, autour de la colonne en haut de laquelle saint Siméon Stylite avait vécu trente et un ans. Autour d’un octogone, quatre basiliques à trois nefs dessinent une grande croix orientée. L’ensemble, construit de 476 à 490, a un caractère local très net.

La sculpture, pendant cette période, n’a guère été favorisée ; dans l’art religieux, elle a été limitée à la production de sarcophages à figures semblables à ceux qui avaient précédé la paix (la liberté du christianisme), quoique plus complexes. Le plus célèbre est celui de Junius Bassus dans les grottes vaticanes (359), avec ses scènes de la vie du Christ et des apôtres, présentées dans deux étages d’arcatures. La sculpture impériale évolue rapidement : les bustes sont traités avec une volonté intense de stylisation qui a produit des œuvres impressionnantes, comme la statue de Barletta, sans doute l’empereur Valentinien Ier. Les reliefs sont marqués de caractères nouveaux. Déjà sur l’arc de Constantin on trouve de longues scènes frontales, dont les personnages sont alignés face au spectateur. C’est plus net encore sur la base de la colonne de Théodose, à Constantinople : art triomphal qui figure l’empereur en majesté, au milieu de sa cour, dominant les Barbares vaincus et prosternés. Ce sont des schémas que retrouvera bientôt l’art chrétien : ainsi dans l’abside de Santa Pudenziana à Rome (vers 390).

Dans la peinture et la mosaïque*, on voit apparaître, à côté des scènes isolées qui décorent encore, selon la tradition, la catacombe de la Via Latina (v. 350), les premiers grands cycles narratifs continus. Avant le milieu du ve s., une illustration de la vie de plusieurs prophètes, en petits tableaux successifs, fait partie de la décoration de Sainte-Marie-Majeure à Rome, dont l’arc triomphal évoque, selon des formules empruntées à l’art impérial, plusieurs épisodes de l’enfance du Christ.

Les monuments de la Constantinople du ive et du ve s. ont disparu. Nous ne pouvons donc pas saisir sur place l’évolution dont nous cherchons les traces : on les trouvera à Thessalonique*, dans les mosaïques de Saint-Georges, où une série de saints s’alignent dans la coupole devant d’amples architectures imaginaires.


L’époque de Justinien

C’est le règne de l’empereur Justinien qui devait apporter, en architecture comme en mosaïque, l’affirmation décisive d’un art renouvelé. Justinien, animé par l’ambition de restaurer l’Empire dans toute son étendue et dans toute sa puissance, a fait servir l’art à son prestige. Obligé dès le début de son règne, par les destructions de la sédition Nika, à reconstruire les grands monuments de sa capitale, il a su faire confiance à des architectes novateurs ; ceux-ci, en généralisant l’emploi de la coupole, en jouant avec audace et liberté des différentes formules qui permettent de faire porter un dôme par quatre supports isolés, ont créé des monuments incomparables, et aussi mis à la disposition de leurs successeurs des formules qui, simplifiées, forment le vocabulaire propre de l’architecture byzantine.

Les grandes coupoles romaines étaient posées sur de puissants cylindres qui en supportaient aisément le poids et en résorbaient les poussées (Panthéon de Rome). Le problème que vont traiter systématiquement les architectes byzantins est autrement délicat. La coupole repose sur quatre piliers, isolés ou non, et sur quatre arcs. Ainsi posée, elle a tendance à s’écraser et à chasser vers l’extérieur arcs et piliers. Il faut donc maintenir les arcs debout en opposant aux poussées de la coupole des forces équivalentes. Ainsi pourra-t-on prolonger les arcs vers l’extérieur par des voûtes en berceau de même diamètre, et on obtiendra un plan en croix. Ainsi pourra-t-on ouvrir derrière chaque arc une demi-coupole de même diamètre, posée sur un mur rond continu, qui assurera l’équilibre du baldaquin central et donnera un monument en quatre-feuilles. À la rigueur, on peut se contenter de placer en arrière des piliers des contreforts, nécessairement massifs et encombrants. On peut encore disposer derrière les arcs quatre autres coupoles, dont les forces se neutraliseront pour une part avec celles de la coupole centrale et pourront ensuite être équilibrées par des artifices secondaires : contreforts et voûtes sur les collatéraux.

Tous ces plans ont été réalisés au cours de la longue histoire de l’art byzantin — tantôt libres, tantôt enveloppés dans un rectangle. Mais la basilique avait gardé son prestige. Il en résulte, dès le départ, une tendance à marquer dans l’édifice un axe préférentiel. Autour de la coupole, des résistances égales, symétriques, aboutissent à un carré. Si on veut allonger l’axe est-ouest, il faut varier les supports : avoir, par exemple, une abside à l’est, deux voûtes en berceau au nord et au sud, sur les bras du transept. Pour la nef occidentale, il faudra improviser des solutions si on veut lui maintenir une certaine largeur et des collatéraux. On aboutit dans beaucoup de cas à une simple dissymétrie du plan central de base, mais aussi, à la limite, à créer de véritables basiliques à coupole. Plusieurs édifices construits sous Justinien ont ce caractère mixte et représentent des recherches et des solutions presque individuelles.