Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

byzantin (Empire) (suite)

L’Orient est le théâtre de guerres incessantes contre les Perses : l’enjeu en est la possession de l’Arménie. Un conflit dynastique chez les Sassanides permet à Maurice d’en annexer la majeure partie (591). La situation de la péninsule balkanique est désespérée : elle est constamment et presque impunément ravagée par les Avars et leurs sujets slaves. À partir de 580, ceux-ci ne se contentent plus de pillages, mais commencent à prendre possession du sol jusqu’en Grèce, première étape de la future création de principautés slaves indépendantes. Les expéditions organisées contre eux par l’empereur Maurice ne sont, malgré des succès partiels, jamais décisives. La dernière tourne court.

En 602, l’armée du Danube refuse de franchir le fleuve et se révolte : un officier subalterne, Phokas, est proclamé empereur par les mutins. Leurs régiments investissent Constantinople, et une révolte intérieure leur en ouvre les portes. Tous les membres de la famille impériale sont mis à mort : le règne de Phokas (602-610) ne sera qu’un régime d’impuissance et de terreur.


La rénovation de l’Empire

Le salut vient d’Afrique. En 610, une flottille commandée par le fils de l’exarque de Carthage, Héraclius, défile sous les murailles maritimes de la capitale : Phokas est exécuté et Héraclius (610-641) proclamé empereur. Sous son règne (v. Héraclides), le visage de l’Empire est remodelé en profondeur : il cesse d’être romain pour devenir gréco-oriental, byzantin, dans ses frontières, sa composition ethnique, sa langue (le grec) et son administration.


Le règne d’Héraclius

Le règne d’Héraclius est une lutte incessante contre les Barbares, qui, sur tous les fronts, assaillent l’Empire. La domination byzantine dans les Balkans s’effondre : des masses d’Avars et de Slaves se déversent sur toute la péninsule balkanique, refoulant les populations indigènes vers le littoral et les îles de l’Égée et laissant à chaque reflux des tribus entières en Macédoine, en Thessalie et jusqu’au cœur de la Grèce. Toutes les provinces européennes se trouvent slavisées en même temps que repeuplées. L’Asie Mineure est en passe de tomber au pouvoir des Perses : ceux-ci occupent l’Arménie, la Syrie et même Jérusalem (614), d’où ils transfèrent la sainte croix à Ctésiphon. En 615, un détachement perse bivouaque sur les rives du Bosphore et, en 617, commence la conquête de l’Égypte, le grenier à blé de Byzance.

• Les réformes. Au moment où tout semble perdu, Héraclius s’emploie à refondre l’organisation militaire et administrative de l’Empire. Les régions asiatiques qui avaient échappé au déluge perse sont transformées en vastes circonscriptions administratives de caractère militaire, appelées thèmes et gouvernées par des « stratèges ». On y installe des « stratiôtês », ou soldats paysans, à qui l’on attribue à titre héréditaire des propriétés contre l’engagement d’un service militaire également héréditaire. Cette réforme aboutit à la création d’une armée nationale solide et permanente : l’Empire abandonne le système onéreux et dangereux du mercenariat, allégeant d’autant les charges du Trésor, du fait que les stratiôtês étaient tenus de pourvoir par eux-mêmes à leur subsistance et à leur équipement. À la refonte de l’administration provinciale s’ajoute celle de l’administration centrale, dont les attributions sont fragmentées et dont l’omnipotence est atténuée.

• Les guerres. La situation militaire chaotique ne dissuade pas l’empereur de passer à l’offensive. En 619, il conclut la paix avec les Avars ; en 622, la régence est confiée au patriarche Serge, et Héraclius rassemble en Asie Mineure une puissante armée qu’il dirige sur l’Arménie. Il remporte de brillantes victoires sur les Sassanides, mais le succès décisif se dérobe toujours.

Durant l’été 626, au moment où l’empereur guerroie dans les régions du Caucase (Lazique), les Perses et les Avars s’entendent pour investir Constantinople. Une armée perse commandée par le général Shahrbarâz († 629) traverse l’Asie Mineure et campe à Chalcédoine ; de leur côté, les Avars, secondés par des Slaves, des Bulgares et des Gépides, assiègent la ville par terre et par mer. Le moral de la population est soutenu, en l’absence de l’empereur, par l’énergique patriarche Serge. La flotte byzantine anéantit les bateaux des Slaves, et les assaillants sont contraints de se retirer.

Cette victoire retentissante allait marquer le début de la contre-offensive byzantine. Du Caucase, Héraclius descend jusqu’à Ninive et Dastagerd. Ses triomphes précipitent la décadence de la puissance perse : Khosrô II est renversé, et son fils conclut avec les Byzantins un traité de paix qui leur restitue tous les territoires qui leur avaient appartenu dans le passé : Arménie, Mésopotamie, Syrie, Palestine, Égypte. Pour mettre le comble à son triomphe, mais aussi pour redorer son crédit moral depuis longtemps terni par son mariage, jugé incestueux, avec sa nièce Martine, l’empereur fait en 630 le pèlerinage de Jérusalem, où il érige solennellement la sainte Croix reprise aux Perses.

Vers le même temps, il prend officiellement le titre de « basileus », qui désignait jusqu’alors communément le grand roi de Perse. À l’ouest, l’échec des Avars devant Constantinople, en 626, ébranle définitivement leur hégémonie : des tribus slaves secouent leur joug et, avec l’assentiment du gouvernement byzantin, émigrent en territoire d’Empire (Croates et Serbes).

• L’invasion arabe. Les reconquêtes d’Héraclius seront sans lendemain : les territoires recouvrés allaient passer en une décennie aux mains des Arabes, dont l’expansion fulgurante s’amorce quelques années après la mort de Mahomet. La Syrie est enlevée en 636, la Palestine et Jérusalem en 638, la Mésopotamie en 639-640 ; l’Arménie est envahie en 640, et l’Égypte en 642. Conquête facilitée par l’épuisement de Byzance, consécutif à la longue guerre gréco-perse, et surtout par les tendances séparatistes de toutes ces provinces acquises depuis un siècle au monophysisme, que répudiait et persécutait le gouvernement impérial.