Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

byzantin (Empire) (suite)

La tentative avortée de restauration

À la mort de l’empereur Anastase Ier (518), un excellent financier qui avait copieusement garni les caisses de l’État, mais dont la politique religieuse franchement favorable aux monophysites avait provoqué émeutes et révoltes, l’Empire, débarrassé des Barbares, s’estime en mesure d’entre-

prendre le sauvetage des territoires perdus d’Occident.


Le règne de Justinien

Le sénat et l’armée placent à la tête de l’Empire un officier illyrien, Justin (518-527). Cet empereur a l’aubaine de trouver en son neveu Justinien un conseiller de grande envergure, à qui il s’en remet dès le début du soin du gouvernement. L’action amorcée par Justinien* avant même qu’il ne devienne empereur (527-565) vise essentiellement deux objectifs, dont l’avenir devait montrer le caractère chimérique : rétablir l’Empire romain dans ses anciennes frontières et imposer à tous ses sujets l’orthodoxie élaborée par les grands conciles œcuméniques.

• Les guerres. Afrique. L’entreprise de reconquête s’attaque d’abord au royaume vandale de Geiséric. En 533, Bélisaire, le meilleur général du règne, débarque quelques régiments en Afrique du Nord, et Gélimer ne tarde pas à faire sa soumission. Les insurgés berbères seront définitivement matés en 548.

Italie. L’expédition africaine est suivie, en 535, de la campagne contre les Ostrogoths d’Italie. Les débuts sont prometteurs : la Sicile, Naples, Rome et Ravenne succombent, et le roi Vitigès est emmené en captivité à Constantinople. Mais, à l’appel du roi Totila, les Ostrogoths se soulèvent, et les armées romaines, aux effectifs trop réduits, sont contraintes à la défensive et à la retraite : l’habile général Narsès ne parvient à rétablir la situation qu’au prix d’une guerre pénible et onéreuse de dix ans (552).

Espagne. Enfin, de 550 à 554, un faible contingent byzantin conquiert une large bande de terre au sud-est de l’Espagne. La reconquête en Occident n’ira pas plus avant : la Méditerranée est redevenue une mer romaine, mais l’ancien empire n’est pas, et de loin, reconstitué.

Les Perses. Ces succès incontestables s’accompagnent sur d’autres fronts de graves revers. La paix « éternelle » achetée aux Perses en 532 est violée en 540 par Khosrô Ier, qui envahit la Syrie, l’Arménie et l’Ibérie. Faute de puissants moyens militaires, Justinien est contraint de relever périodiquement le tribut et n’obtient une paix ferme qu’en 562.

Les Slaves. Un danger autrement plus aigu pèse sur les provinces européennes, celui des Slaves, qui prennent l’habitude de franchir presque annuellement le Danube pour faire des razzias dans la péninsule balkanique et même jusqu’en Grèce. Pour se prémunir contre cette calamité, l’Empire avait à grands frais créé une puissante ligne de fortifications, mais les masses fluides des Slaves se glissent entre les mailles de ce réseau insuffisamment protégé par des troupes mobiles. On tente d’obtenir quelque répit en remplaçant les armes défaillantes par de l’argent, mais les subsides et les tributs ne font qu’exciter la convoitise des Barbares, qui voient Byzance toujours disposée à satisfaire leurs exigences. Cette ponction financière énorme n’engendra au bout du compte qu’un résultat illusoire.

• L’œuvre intérieure. L’œuvre de restauration dont rêvait Justinien faillit avorter à ses débuts : en janvier 532, la capitale passe, une semaine durant, aux mains d’émeutiers, et l’empereur découragé s’apprête à fuir ; il en est empêché par son énergique épouse Théodora, et la sédition dite « Nika » est noyée dans un bain de sang.

La paix civile rétablie, Justinien s’emploie à assurer l’ordre et la prospérité de l’Empire. Son œuvre législative se résume dans ce qu’on appellera plus tard le Corpus juris civilis, une codification du droit romain en quatre parties : le Code Justinien, ou recueil de toutes les constitutions impériales depuis Hadrien, paru en 529 et 534 ; les Pandectes, ou synthèse logique de toute la jurisprudence romaine (533) ; les Institutes, ou manuel pratique de droit à l’usage des étudiants ; enfin les Novelles, ou ordonnances impériales, la plupart en grec, postérieures à 534. Redécouverte par l’Occident au xiie s., cette somme législative conditionnera l’évolution juridique européenne.

Par des réformes administratives généreuses, l’empereur se propose d’améliorer les conditions de vie de ses sujets. En matière religieuse, Justinien se montre un chrétien zélé mais l’Église doit se plier aux volontés du maître, qui n’admet que des serviteurs dociles : l’empereur fait et défait patriarches et évêques, le pape Silvère est déposé et exilé (537), le pape Vigile enlevé et sommé de ratifier les décisions conciliaires de 553.

• Bilan. Pour avoir surestimé les capacités de son empire, Justinien le ruina, mais son règne n’en reste pas moins l’un des plus brillants de l’histoire byzantine. Son œuvre législative a revigoré l’Occident ; l’activité économique, surtout au début, fut très vive ; de grands travaux furent réalisés dans tout l’Empire, et de splendides églises, tant à Byzance (Sainte-Sophie) qu’à Ravenne, attestent l’éclat de la civilisation justinienne.


Les successeurs de Justinien

La mort de Justinien en 565 est accueillie partout avec soulagement. Le délabrement de l’Empire s’accentue sous ses successeurs, Justin II, son neveu (565-578), Tibère II (578-582) et Maurice (582-602). Sous Justin II, les Lombards envahissent l’Italie et occupent en peu de temps une grande partie du pays. En Espagne, les Wisigoths passent à l’offensive : Cordoue, reprise en 572 par les Byzantins, est définitivement perdue en 584. L’empereur Maurice tente d’arrêter cette décomposition en transformant les territoires de Ravenne et de Cartilage en « exarchats », dont les gouverneurs concentrent entre leurs mains tous les pouvoirs civils et militaires.