Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Byrd (William)

Compositeur anglais (probablement dans le Lincolnshire 1543 - Stondon Massey, Essex, 1623).


Contemporain de William Shakespeare, il fut sans conteste le plus grand musicien de l’époque élisabéthaine et du début du règne de Charles Ier, et connut de son vivant une grande renommée. Fidèle à sa foi catholique, il ne fut jamais sérieusement inquiété au cours de sa carrière grâce à la protection de la reine, pour laquelle les dissensions religieuses n’avaient plus guère qu’un intérêt politique, et servit les Églises catholique et anglicane. D’abord organiste à la cathédrale de Lincoln de 1563 à 1572, il succéda en 1570 à Robert Parsons comme gentilhomme de la Chambre. En 1572, il partagea avec Thomas Tallis, son maître, la charge d’organiste à la Chapelle royale, puis, en 1575, un privilège d’édition qu’il conserva seul après la mort de son collègue (1585) et transmit ensuite à Thomas East (v. 1540 - 1609). Avec Tallis, il publia (17 motets chacun) des Cantiones sacrae (1575), première impression de musique anglaise avec textes latins, puis, seul, les Psalms, Sonets and Songs (1588), The Songs of Sundry Natures (1589), deux autres recueils de Cantiones sacrae (1589, 1591), et, après une période où son activité nous est inconnue, deux livres de Gradualia (1605, 1607) et un dernier recueil de Psalms, Sonets and Songs (1611). On a aussi de lui trois messes non datées et de nombreuses pièces manuscrites. Sauf la musique pour luth, Byrd aborda tous les genres. Une piété profonde s’exprime dans sa musique sacrée. Ses messes à 3, 4 et 5 voix, polyphoniquement riches et brillantes, sont traitées sans cantus firmus. Dans ses trois livres de Cantiones, la technique est toujours liée à l’expression avec une rare diversité. À côté de Emendemus in melius, motet empreint d’un sentiment de contrition si caractéristique de l’art de Byrd, citons le Libera me, qui adopte le style du cantus firmus, le Diliges Dominum, construit sur un canon strict, le puissant Exsurge Domine, orné de madrigalismes, le beau Tristitia et anxietas et le joyeux Haec dies. Les Gradualia, de 3 à 6 voix, qui fournissaient les propres pour les fêtes, des hymnes à la Vierge et des chants spirituels, sont en général plus courts et plus simples que les motets, mais aussi variés, tantôt brillants (Gaudeamus omnes), tantôt sombres (Plorans ploravit), saisissants (Terra tremuit) ou simplement émouvants (Victimae Paschali et O magnum misterium). Les œuvres sacrées sur textes anglais, éparses dans les recueils de 1588, 1589 et 1591, sont écrites dans un style encore plus simple, note contre note, et font intervenir parfois les instruments. Byrd composa pour le culte anglican quatre « Services » — dont deux complets, le Short Service, conçu dans la forme simple du cantique anglais, et le Great Service, d’un style plus élaboré — ainsi que des anthems, psaumes et carols. Les full anthems, de structure polyphonique (3 à 6 voix), se chantaient a cappella ; on peut les considérer comme des madrigaux spirituels. Plus remarquables sont les verse anthems. Byrd y fait figure de pionnier du style concertant, en inaugurant un genre nouveau pour voix solo et chœur accompagnés par l’orgue ou les violes. Dans Have mercy upon me, o God (1611), un soprano solo et le chœur alternent, soutenus par les violes. Certains songs ont un caractère profane. Il n’y a cependant pas de séparation très nette entre ces divers chants, que l’on peut exécuter soit sous leur forme polyphonique, soit à une voix accompagnée par des violes. C’est le cas du Come tread the Path, chant de mort probablement écrit pour la tragédie Gismond of Salerne, de la tendre et émouvante berceuse My Little Sweet Darling et de l’élégie sur la mort de Tallis, Ye Sacred Muses. L’œuvre instrumentale de Byrd n’est pas moins remarquable. Il a laissé pour les violes 10 fantaisies de 3 à 6 voix, 7 in nomine à 4 et 5 voix et une Pavane et gaillarde à 6 voix. Les fantaisies, auxquelles il faut donner la primauté, adoptent souvent la technique de la variation et empruntent quelquefois leurs thèmes à des mélodies populaires comme Walsingham et Greensleeves. Dans la fantaisie Browning, qui a vingt variations, le thème est confié alternativement à l’un des cinq instruments. Parmi les 150 pièces pour le virginal, on compte des transcriptions libres de chansons, des danses (pavanes et gaillardes), des préludes, des fantaisies, des variations sur des airs populaires (The Carman’s Whistle) ou à danser (Sellinger’s Rownde), des pièces descriptives (The Bells).

Sacrée ou profane, la musique de Byrd frappe par sa simplicité et sa pureté harmonique. Elle est intelligente, sensible, véhémente ou tendre, et touche par sa ferveur, sa force et aussi sa grâce. C’est la musique d’un croyant, mais aussi celle d’un poète doux et rêveur.

A. V.

 F. Howes, William Byrd (Londres, 1928). / E. H. Fellowes, William Byrd (Londres, 1936 ; 2e éd., 1948). / H. K. Andrews, The Technique of Byrd’s Vocal Polyphony (Londres, 1966).

Byron (George Gordon, lord)

Poète anglais (Londres 1788 - Missolonghi 1824).


« ... je suis comme une algue,
Arrachée du rocher, pour naviguer sur l’écume de l’océan
Partout où déferle la houle, et souffle la tempête... »
(Childe Harold’s Pilgrimage.)


Prédestination et péché : Manfred

Si Shelley* représente chez les romantiques anglais l’émanation de l’idéalisme, Byron en a été, et volontairement, celle d’un certain satanisme, qu’on a d’ailleurs coutume d’appeler, aujourd’hui, byronisme. Il pourrait sembler étrange à propos d’une personnalité aussi peu conformiste d’évoquer Bunyan* et le puritanisme. Il rejoint pourtant l’un et l’autre en profondeur par le sentiment instinctif qu’il a de la prédestination et par la hantise du péché, dont Manfred (1817) nous apparaît comme le symbole. Chez Byron, la prédestination prend le sens de destin hors du commun ; le péché, de provocation. Débauche, prodigalité du côté paternel, instabilité, violence de caractère chez sa mère constituent l’essentiel de son héritage atavique. Il se plaît, dans Hours of Idleness (Heures de loisir, 1807), à chanter à la manière ossianique la gloire de ses prestigieux ancêtres écossais qui, par la branche maternelle, l’apparentent aux Stuarts et feront de lui un lord et pair d’Angleterre dès l’âge de dix ans. Toutes les données sont en place pour que se forge le mythe entretenu par l’auteur en personne qui compose sa vie comme un poème. De bonne heure, il multiplie les frasques, le paradoxe, le faste baroque. Boiteux des suites d’un accident de naissance, il fait de sa claudication un pied bot, ce qui donne plus de panache tout au long de sa vie à ses excentricités sportives : folles chevauchées, traversée à la nage de l’Hellespont, du Tage ou des canaux de Venise. Tel Childe Harold, riche, saturé de plaisirs et blasé, il se lance dans de longs voyages. Tour à tour le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’Albanie, la Grèce et la Turquie le parent du prestige de l’exotisme auprès de ses contemporains longtemps confinés dans les brumes anglaises par le Blocus continental. Le péché, pour lui, doit être à la hauteur de son personnage. Grand, éclatant, défiant le monde et Dieu, horrible. Il ne saurait être routinier, il lui faut du rare. Son amour incestueux pour sa demi-sœur Augusta, sa conduite pleine de cynisme à l’égard de sa femme ressortissent à cette attitude théâtrale et au goût de la démesure qu’on va retrouver chez ses héros.