Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afghānistān (suite)

Les secteurs occidentaux de l’arc montagneux médian et son piémont occidental, jusqu’à Harāt et autour de cette ville, sont occupés par le groupe des Tchahār Aymaq (« les quatre tribus » : Fīrūz-Kūhis, Taymānis, Taymūris, Djamchīdis), également de langue persane, mais de genre de vie semi-nomade bien différent de celui des agriculteurs tadjiks. Une certaine frontière culturelle sépare d’ailleurs les groupes du Nord (Fīrūz-Kūhis et Djamchīdis), qui vivent dans des yourtes, de ceux du Sud, qui utilisent la tente noire. Les groupements tribaux se sont sans doute constitués au xve s., dans le cadre de l’empire tīmūride.

Au total, les groupes parlant des dialectes persans, Tadjiks, Hazāras, Tchahār Aymaq, doivent constituer approximativement le tiers de la population du pays.

Au nord de l’Hindū Kūch dominent des populations turques. Les plus nombreux sont les Ouzbeks (10 p. 100 de la population du pays environ), cultivateurs sédentaires, installés dans les oasis irriguées du piémont, qui sont en grande partie les restes de populations tadjiks « turquifiées » depuis les xive-xve s. dans le cadre des khānats de Transoxiane. Il faut y ajouter des Turkmènes (200 000 ?) dans le nord-ouest du pays, descendants directs des envahisseurs turcs du Moyen Âge, et encore partiellement semi-nomades, ainsi que quelques dizaines de milliers de Kirghiz de montagne qui nomadisent sur les hauteurs du Pamir afghan, autour du Wākhān, à l’extrême nord-est du pays.

Cette distribution est en fait beaucoup plus compliquée dans le détail. On trouve ainsi des groupes turkmènes et ouzbeks jusqu’au sud de l’Hindū Kūch, isolés en pays pachto. Ces groupes se mélangent de façon très complexe avec les Tadjiks et les Hazāras dans les régions de contact. On doit encore ajouter de nombreux groupes d’importance minime, curiosités ethniques, tels que des Mongols ayant conservé leur langue dans la région de Harāt, ou des Arabes dans le Turkestan entre Balkh et Maymana, vestiges des invasions médiévales, ainsi que quelques dizaines de milliers de Baloutches au sud-ouest du pays.


La politique d’unification et la colonisation afghane

L’élaboration d’un État cohérent à partir de bases aussi hétérogènes n’était pas chose facile. Tout l’effort de la monarchie afghane depuis trois quarts de siècle a tendu à cet objectif. L’instrument en a été cherché dans une politique d’expansion systématique de l’ethnie afghane proprement dite, facteur principal d’unification et gage de fidélité à l’autorité centrale. Des colonies de langue pachto ont été installées en diverses régions du pays, particulièrement sur le piémont nord de l’Hindū Kūch, dans le Turkestan afghan. D’autre part le pouvoir a favorisé la pénétration des grands nomades afghans dans le pays hazāra, depuis sa soumission à la fin du xixe s. Ces nomades vont désormais estiver en grand nombre sur les hauteurs de l’Afghānistān central et leur infiltration a eu déjà de sérieuses conséquences économiques. Entrepreneurs de transports et commerçants, tenant en été de grands camps bazars temporaires en altitude, les nomades ont ouvert le pays hazāra à l’économie commerciale. Ils en ont profité pour acquérir des terres aux dépens des paysans autochtones endettés à leur égard ; ils étendent ainsi une emprise foncière qui progresse sans cesse.

La vie urbaine exprime également dans sa répartition le rôle politique dominateur des tribus afghanes. Les villes du nord de l’Hindū Kūch furent ravagées par les invasions turco-mongoles, auxquelles elles étaient exposées en premier lieu, et ne purent s’en relever, telle Bactres (aujourd’hui Balkh), capitale de l’antique Bactriane, qui n’est plus qu’un médiocre village. C’est au sud de la montagne qu’ont pu subsister de grosses oasis, qui servirent de base à l’essor des tribus pachto (Harāt, Kandahar, Kaboul), ou prospérer des capitales d’États orientés vers la conquête du nord-ouest de l’Inde (Rhaznī [ou Ghaznī]). Le réseau urbain reflète la dissymétrie humaine du pays.


L’économie et les problèmes de développement

L’Afghānistān reste un État essentiellement agricole, et cette agriculture est d’abord vivrière : 2,5 Mt de blé, 0,5 Mt d’orge, 0,7 Mt de maïs, 0,3 Mt de riz. Les seuls éléments notables de diversification sont apportés par des cultures légumières et fruitières (dattes, pistaches et amandes, abricots). La seule culture industrielle notable est le coton (environ 0,1 Mt récoltée), surtout dans les périmètres irrigués du Kunduz au nord, de l’Hindū Kūch et du Hilmand au sud, et dont 90 p. 100 sont exportés. Les produits de l’élevage tiennent une place capitale dans l’économie du pays, avec environ 25 millions de têtes de petit bétail, dont 10 p. 100 de chèvres et 25 p. 100 de moutons karakul (astrakan).


Expansion agricole et grands projets d’irrigation ; l’aménagement du Hilmand

Cette production agricole est assurée par la culture d’environ 8 Mha, dont 5,5 millions en culture irriguée (les deux tiers à partir des rivières par barrages de dérivation, 15 p. 100 par puits, 20 p. 100 environ par galeries drainantes souterraines [kārēz ou qanāt]) et 2,5 millions en culture pluviale (essentiellement dans les montagnes de l’arc médian et accessoirement dans le Turkestan afghan autour des noyaux irrigués). La marge d’expansion de l’agriculture reste considérable, le total de la superficie cultivable étant évalué à 14 Mha. Le problème des ressources alimentaires n’inspire pas d’inquiétude, en face d’une conjoncture de croissance démographique qui doit rester d’ailleurs relativement modérée, étant donné les conditions sanitaires encore très primitives.

Les possibilités d’extension des terres cultivées en culture pluviale semblent cependant avoir déjà atteint leurs limites dans une grande partie des montagnes centrales. Les rendements de l’agriculture pluviale sont d’ailleurs trop aléatoires pour assurer une base satisfaisante d’existence, qui ne peut être apportée que par l’irrigation.