Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bulgarie (suite)

Au cours de la seconde moitié du viie s. s’établirent dans la péninsule balkanique les Protobulgares, un peuple d’origine turcomane et dont la patrie primitive était une région située au nord des montagnes du Caucase. Un groupe de Protobulgares, ayant à leur tête le khān Asparuh, s’installa dans l’actuelle Bulgarie du Nord-Est (Mésie). En coopération avec les tribus slaves locales et dans la lutte contre Byzance, il posa les bases de l’État slavo-bulgare (681). Son centre fut la ville de Pliska et son premier souverain, le khān Asparuh. À la même époque, un autre groupe de Protobulgares, venant de la province de Pannonie (l’actuelle Hongrie) et mené par Kuber, s’établit en Macédoine méridionale, où il se mêla aux tribus slaves des alentours.


Le premier Empire bulgare

Du viie au ixe s., l’État slavo-bulgare, qui englobait au début un territoire relativement limité — entre le Danube, la mer Noire, le massif de la Stara Planina et la rivière Iskăr —, s’élargit, et ses frontières inclurent de nombreuses tribus slaves du « groupe bulgare » de Thrace et de Macédoine. Les premières acquisitions territoriales furent obtenues sous le khān Tervel (702-718), et les plus grands succès sous le règne des souverains Krum (803-814), Malamir (831-836), Presijan (836-852) et Boris Ier (852-889). Ainsi, les tribus slaves furent libérées du danger d’être progressivement assimilées par Byzance.

Le processus de la réunion des Slaves du « groupe bulgare » dans les limites de l’État slavo-bulgare fut accompagné d’un processus consistant à mettre fin à leur dissémination tribale et à réaliser leur fusion. En même temps se développait le processus d’une autre fusion : celle des Slaves et des Protobulgares. À la fin du ixe s. et au début du xe, ce processus était pratiquement achevé. Ainsi fut créée la nationalité bulgare, amalgame de Thraces, de Slaves et de Protobulgares. Lors de cette fusion, l’élément slave, le plus nombreux, absorba les autres ; sa langue s’imposa dans tout le pays. Des Protobulgares demeura le nom de Bulgarie pour désigner l’État et celui de Bulgares pour distinguer tous ceux qui appartenaient à la nouvelle nationalité. Du point de vue territorial, la nationalité bulgare se constitua au ixe s. en trois régions principales : la Mésie, la Thrace et la Macédoine.

En 865, le christianisme devint la religion officielle, ce qui exigeait que fût instauré dans le pays un culte religieux slave, et que fussent créés des livres en langue slavonne. Cette tâche fut résolue par les disciples de Cyrille et de Méthode, Clément, Naoum et autres, qui s’étaient établis vers 885 dans l’État bulgare après avoir été expulsés de la Grande-Moravie. Activement aidés par Boris Ier (khān de 852 à 889), Clément et Naoum organisèrent deux écoles d’enseignement (à Preslav et à Ohrid). La Bulgarie devint alors un centre culturel slave ; un cercle d’écrivains de talent et d’érudits s’y forma. Avec l’instauration de l’écriture slave et la création d’une couche intellectuelle se cimenta la nationalité bulgare, formée à la fin du ixe s. et au début du xe.

Au cours du règne de Siméon (893-927), la Bulgarie devint même l’un des États les plus puissants de la péninsule balkanique ; la paix de 927, signée par Pierre (927-969), peu après la mort de Siméon, consacra l’existence du vaste premier Empire bulgare.

Aux ixe et xe s., les rapports féodaux se développèrent. Deux classes se dessinèrent : l’aristocratie des boyards et la paysannerie dépendante. L’Église orthodoxe officielle, organisée après l’adoption du christianisme, joua un grand rôle dans la consolidation du régime féodal. En Bulgarie apparut et se propagea l’enseignement bogomilien, appelé ainsi du nom de son fondateur, le pope Bogomil (xe s.). Les bogomiles étaient dualistes (manichéens) et enseignaient que le monde céleste était l’œuvre de Dieu et que le monde visible était celle de Satan. Ils niaient la Trinité, la naissance divine du Christ et la réalité de sa forme humaine ; ils rejetaient l’Église officielle, ses rites et ses symboles (le baptême, la communion, le mariage religieux, le respect envers la croix, les reliques des saints). En tant que porte-parole du mécontentement des couches paysannes opprimées, les bogomiles s’élevaient contre les représentants du pouvoir féodal (le tsar et les boyards), s’opposaient à la richesse, se déclaraient contre les guerres et les massacres, prêchaient en faveur de la paix et de la justice sociale. Dans leurs conceptions se manifestaient des éléments de rationalisme et d’humanisme, inhabituels au Moyen Âge. Le bogomilisme non seulement se propagea en Bulgarie, mais également pénétra du xie au xiiie s. dans d’autres pays : l’Empire byzantin, la Serbie, la Bosnie. Il trouva un terrain favorable à sa diffusion en Italie septentrionale et en France méridionale, où il influença vaudois et albigeois. Aux xiie et xiiie s., en Europe occidentale, le nom de Bulgares devint synonyme de « dualistes hérétiques », ce qui témoigne de la forte influence exercée par l’idéologie bogomilienne hors des limites de la Bulgarie.

Au cours de la seconde moitié du xe s., en particulier sous le règne du tsar Boris II (969-972), qui ne put résister à l’invasion des Russes de Kiev, l’Empire bulgare commença à décliner, ce qui offrit la possibilité à l’Empire byzantin de passer à l’offensive. Les luttes les plus acharnées entre Byzance et la Bulgarie se déroulèrent sous le règne du tsar Samuel (997-1014) et de l’empereur byzantin Basile II* (976-1025). Malgré l’héroïsme manifesté par les Bulgares, leurs adversaires prirent le dessus, et, en 1018, leur dernière capitale, Ohrid, tomba entre leurs mains.

Cette défaite fut suivie d’une longue occupation byzantine (1018-1185). À plusieurs reprises (1040, 1072, 1074), les Bulgares se soulevèrent, mais sans succès. Une nouvelle et importante insurrection eut lieu en 1185 en Bulgarie du Nord-Est et sous la direction de deux boyards locaux, Pierre et Asen ; en 1187, une partie du territoire bulgare situé entre le Danube, la mer Noire, la Stara Planina et la rivière Iskăr fut libérée. Furent alors posés les fondements du second Empire bulgare, dont le centre devint Tărnovo. Asen Ier monta sur le trône ; après sa mort, Pierre II lui succéda.