Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Buffon (Georges Louis Leclerc, comte de) (suite)

La vie familiale de Buffon se résume à un court et lumineux bonheur : en 1752, il épouse Marie-Françoise de Saint-Belin ; en 1764, il a un fils, Georges Louis Marie ; en 1769, sa femme le laisse veuf. Il donne à son fils une bonne éducation scientifique, le faisant participer à un voyage de botanistes à travers l’Europe sous la direction de Lamarck (1781-82). Ce fils unique mourra d’ailleurs cinq ans après son père, sur l’échafaud de la Terreur, en s’écriant en vain : « Citoyens, souvenez-vous que je m’appelle Buffon. » Sur la fin de sa vie, Buffon sera entouré de la tendre affection de deux humbles : sa « gouvernante », Mlle Blesseau, et son « confesseur », le capucin Ignace Bougot, curé du village de Buffon. Hérault de Séchelles a raillé ces deux personnages plus cruellement encore qu’il n’a égratigné leur maître. Buffon est mort après une année de souffrances le 16 avril 1788.


Le bilan d’une « longue patience »

Tandis que grondaient les premières rumeurs de la révolution politique, Buffon avait, par son œuvre gigantesque, ouvert la voie à la révolution scientifique qui, avec Lamarck, Étienne et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, les Jussieu, puis Cuvier, fera d’un temps dramatique la période peut-être la plus glorieuse de toutes pour la science française. Et pourtant, jusqu’à sa mort, Buffon a souffert d’une situation paradoxale : l’intérêt qu’il n’a cessé de porter à la physique, aux mathématiques, à l’astronomie, à la littérature aussi bien qu’aux entreprises industrielles et aux arts militaires empêchera toujours les naturalistes de le considérer comme l’un des leurs, tandis que son sens aiguisé de la publicité personnelle, la noblesse et la vivacité de son style, l’efficacité de sa gestion, au Jardin du roi et ailleurs, lui vaudront la faveur des rois et l’idolâtrie du public. Quant aux philosophes, ils se partageront à son sujet : d’Alembert appellera Buffon « le roi des phraseurs », et Voltaire dira que son Histoire naturelle n’est « pas si naturelle », mais Diderot le tiendra en grande estime, et Jean-Jacques Rousseau viendra baiser le seuil de sa maison. Bref, Buffon fut un vulgarisateur hors de pair, ce qui revient à dire qu’il ne fut pas lui-même un savant, mais qu’en faisant connaître et aimer la science il lui a rendu plus de services que beaucoup de savants.

Buffon maître de forges

En avril 1767, Buffon commença à faire bâtir, non loin du confluent de l’Armançon et de la Braine, un haut fourneau, deux raffineries et deux chaufferies. Plusieurs innovations heureuses marquent cette construction : la forge est ronde et non carrée, ce qui permet une meilleure utilisation de la chaleur ; la cheminée mêle à la terre cuite des scories de fonte qui augmentent sa résistance aux écarts de température ; une petite forge uniquement expérimentale est annexée à la forge principale ; enfin le soufflet est remplacé par un ventilateur permanent, ce qui fournit un fer d’une qualité beaucoup plus homogène.

Buffon a investi 300 000 livres dans l’opération. En 1780, il donne sa forge à ferme pour 6 500 livres par an, soit un placement à 2,16 p. 100. Il ne cache pas son amertume d’une si faible rentabilité, mais se félicite des connaissances scientifiques qu’il a ainsi acquises sur les propriétés du fer.

Buffon géologue

Buffon [...] a le premier tiré de l’observation de ce qui se passe autour de nous l’explication de la structure du Globe, séparé l’œuvre du feu de celle des eaux, expliqué la formation de la houille, signalé la disparition d’antiques espèces animales, réclamé que l’on fît de leurs restes une étude méthodique, prévu l’importance de cette science évocatrice du passé qu’on appelle la paléontologie, restitué au temps son importance dans l’œuvre de la Création...

Edmond Perrier

H. F.

 Buffon (Muséum national d’histoire naturelle, 1953). / E. Genet-Varcin et J. Roger, Bibliographie de Buffon (P. U. F., 1954). / L. Hanks, Buffon avant l’« Histoire naturelle » (P. U. F., 1966).

Bugeaud (Thomas Robert)

Marquis de La Piconnerie, duc d’Isly, maréchal de France (Limoges 1784 - Paris 1849).


De petite noblesse périgourdine, Bugeaud ne fait que de médiocres études, et entre sans enthousiasme dans l’armée par la petite porte : le 29 juin 1804, il devient « vélite », soldat d’une sorte d’école des cadres. À l’époque, l’avancement va vite : caporal en décembre 1805, sous-lieutenant au 64e de ligne en avril 1806, il est fait lieutenant par Napoléon le 21 décembre de la même année. En 1808, il passe au 116e régiment et prend part, en Espagne, au siège de Saragosse, où l’acharnement de la défense espagnole sera pour lui un enseignement précieux. Capitaine en mars 1809, il obtient son quatrième galon le 2 mars 1811, après les sièges de Lérida et de Tarragone. Major du 14e régiment en janvier 1814, il tient garnison à Orléans pendant la première Restauration, puis se rallie à l’Empereur avec réticence. Il remporte un beau succès contre 10 000 Autrichiens le 15 juin 1815, à Saint-Pierre-d’Albigny (Savoie), mais, malgré ses explications pour tenter d’excuser son retournement des Cent-Jours, il est licencié. Il se retire dans sa terre du Périgord, près d’Excideuil, et se marie (1818). La dot de sa jeune femme, Élisabeth Jouffre de Lafaye, lui permet d’arrondir son domaine et de préparer sa réputation de « soldat laboureur ». Ses laborieuses activités sont interrompues par les journées de juillet 1830. Il entre peu après dans la politique, et est élu député d’Excideuil, en 1831, passant sur le mépris qu’il professe à l’égard du « gouvernement représentatif ».

Ses vœux sont comblés lorsqu’il peut reprendre du service à la tête du 56e de ligne. Son nouvel emploi lui vaut pourtant bientôt une tâche délicate, la garde de la duchesse de Berry, à partir de janvier 1833 : certains l’accusent d’avoir fait preuve d’intransigeance dans sa fonction de geôlier ; attitude qu’il nie farouchement. Il tuera même en duel l’un de ses contempteurs, le député Dulong (janv. 1834). Un autre événement fâcheux marque cette période de sa vie : commandant une brigade de la garnison de Paris, il participe à la répression du soulèvement d’avril 1834. Il sera accusé d’être responsable du massacre de la rue Transnonain, mais se défendra d’avoir eu la moindre part dans le drame.