Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

budget (suite)

La considération du solde budgétaire, c’est-à-dire, en termes usuels, la différence entre les recettes et les dépenses budgétaires, a toujours été un élément essentiel de la politique financière. Jusqu’à une date récente, ce solde a été en France appelé « déficit » ; il correspondait exactement à la différence entre le montant des dépenses du budget général et le montant de l’ensemble des recettes budgétaires. En 1949, et avec le souci de parvenir à une vue plus complète et plus exacte de la situation financière, on a substitué à cette notion de déficit celle d’impasse, constituée par l’excédent des dépenses du budget général et des charges de trésorerie sur l’ensemble des recettes budgétaires. Lorsque cette terminologie a été adoptée, on avait la préoccupation de mettre en évidence le « pari » sur le montant des ressources qu’il sera possible au Trésor public de se procurer sur les marchés monétaires et financiers pour couvrir, sans recours à l’impôt, certaines catégories de dépenses inscrites au budget. « L’impasse est une tentative pour trouver, au-delà des ressources fiscales, des disponibilités financières constituant des moyens de trésorerie finançant des charges issues des lois de finances mais non couvertes par les ressources résultant de leur exécution. » (A. Barrère.)

Le financement de l’impasse par le Trésor public a étendu les attributions de ce dernier. Le Trésor actuel n’a plus grand rapport avec la caisse publique qu’il était au départ. Certes, il continue à centraliser les fonds publics — en recettes comme en dépenses — et à exécuter les ordres que lui donnent à ce titre les diverses administrations. Mais son rôle administratif est bien plus vaste, puisque le Trésor surveille ou contrôle pour le compte de l’État les divers agents du marché financier : Bourse* des valeurs, agents de change, sociétés désirant emprunter auprès du public. De plus, en tant que banquier, il reçoit des dépôts, émet des emprunts, consent des prêts, prend des participations, donne des garanties. C’est l’aspect le plus moderne et le plus important de son activité. Chargé de couvrir une impasse vingt à trente fois plus considérable (en valeur réelle) qu’il y a cinquante ans, il place d’énormes quantités de bons (qu’il lui faut renouveler en permanence), utilise les dépôts aux chèques postaux, supervise les fonds des caisses d’épargne, lance, quand il l’estime nécessaire, des emprunts de plus en plus importants, contrôle les fonds des collectivités locales et de très nombreux correspondants administratifs. En contrepartie, il prête à un peu tout le monde, directement ou par l’intermédiaire de filiales spécialisées : prêts de modernisation, investissements des entreprises nationales, aide à la construction, etc. Dans cet enchevêtrement d’opérations financières, la distinction classique entre fonds publics et capitaux privés disparaît : des fonds publics se privatisent sous forme de subventions diverses, tandis qu’à l’inverse les capitaux privés collectés par le Trésor alimentent les investissements publics.


La politique budgétaire conjoncturelle

Depuis quelques années, il est apparu nécessaire que l’État réduise ou augmente ses dépenses pour modérer une expansion de l’activité économique à caractère inflationniste ou pour empêcher une récession de se développer, tout en visant à préserver le mieux possible le plein emploi, l’équilibre des échanges extérieurs et la stabilité des prix. Cette technique consistant à faire varier les dépenses publiques a déjà été utilisée dans des pays étrangers.

Ainsi, en Suède, l’action budgétaire vise à assurer le maintien du plein emploi et un niveau élevé d’investissement. À cet effet, le gouvernement peut recourir à la politique anticyclique, mais il a aussi la possibilité d’intervenir en cours d’exercice. Les dépassements de crédits votés ne sont possibles que pour les investissements et dans la limite de 10 p. 100, mais un budget de secours est voté chaque année ; il peut servir à soutenir l’expansion par des dépenses d’investissement, particulièrement dans la construction. De même, le gouvernement peut renoncer à certains crédits en cas d’excès de la demande. Ces possibilités sont complétées par le système des réserves pour investissements : les entreprises reçoivent des avantages fiscaux si elles déposent à la banque centrale une partie de leurs bénéfices, qui sera débloquée s’il y a lieu de soutenir l’activité économique.

En Allemagne, une loi ayant pour objet de favoriser la stabilité et la croissance de l’économie, votée en juin 1967, donne au gouvernement des pouvoirs considérables pour agir sur la conjoncture au moyen du budget. En cas de fléchissement de l’activité, il peut décider en cours d’exercice, par voie d’ordonnance, des dépenses supplémentaires qui prennent place dans un chapitre en blanc du budget. L’accord du Parlement est nécessaire, mais il est supposé acquis à défaut de rejet explicite dans un délai de deux semaines. Ces dépenses sont financées soit par un endettement au-delà du découvert voté, soit par prélèvement sur un fonds de stabilisation de la conjoncture, constitué auprès de la Bundesbank. Inversement, le Fonds reçoit les montants correspondant aux excédents ou les crédits que le gouvernement peut bloquer en cas de développement excessif de la demande ; ces montants peuvent aussi être affectés à des remboursements de dettes. Le gouvernement dispose, en outre, d’une certaine latitude pour relancer l’activité par des allégements fiscaux. Depuis le vote de la loi, cette politique budgétaire conjoncturelle a été activement appliquée avec succès.

En France, cette technique se heurte à la rigidité des procédures budgétaires françaises, mal adaptées à une action rapide et efficace. C’est pourquoi, dans le cadre des budgets de 1969 et de 1970, une nouvelle technique d’intervention a été aménagée par la constitution d’un fonds d’action conjoncturelle et l’inscription dans les crédits de 1970 d’une « tranche optionnelle », grâce auxquelles le gouvernement aura le moyen d’agir sur la conjoncture, si nécessaire en cours d’exercice. Cependant, si la technique doit être employée plus à fond, il semble qu’une réforme des structures de budget doive être opérée afin d’éviter que la politique budgétaire conjoncturelle ne porte surtout sur les investissements avec tous les inconvénients que cela comporte.