Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

budget

« Acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses de l’État et des autres services que les lois assujettissent aux mêmes règles » (1862). — « Ensemble des ressources et des charges de l’État » (1959).



Introduction

Le changement intervenu dans les définitions ne reflète qu’imparfaitement la profonde mutation qui s’est produite dans ce domaine. Le budget, en effet, est l’acte essentiel de la vie politique ; or, l’État-gendarme du xixe s., aux attributions strictement limitées, a été remplacé, au xxe s., par l’État-providence, voire même par l’État-faustien, décidé à promouvoir le développement de la richesse nationale. Aussi, de simple inventaire des besoins financiers de l’État, le budget est devenu peu à peu un moyen d’intervention dans la vie du pays.

Pour la clarté des documents budgétaires et pour la facilité des débats parlementaires, il est apparu nécessaire de présenter séparément la « loi de finances » et le « budget » proprement dit. Déjà recherchée, mais sans succès, en 1949, retenue en 1956, cette dualité a été précisée et affirmée en 1959 : « Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, compte tenu d’un équilibre économique et financier qu’elles déterminent [...]. Le budget est constitué par l’ensemble des comptes qui décrivent pour une année civile toutes les ressources et les charges permanentes de l’État. »

Ainsi, la loi de finances affirme le caractère volontariste de la politique de l’État, tandis que le budget, stricto sensu, se borne à l’énumération et à la description des moyens mis en œuvre. Dans le langage courant toutefois, le mot budget recouvre indistinctement ces deux notions.

Cette évolution s’est accompagnée d’une remise en cause des principes et des méthodes du droit et de la pratique budgétaires classiques.

Du début du xixe s. à nos jours, une profonde mutation, liée à l’accroissement des dépenses publiques, s’est produite dans le droit et la pratique budgétaire.


Les principes budgétaires classiques et leur remise en cause

Les principes budgétaires classiques sont toujours proclamés, mais leur signification est devenue différente.


Prévision

Le caractère fondamental du budget, c’est d’être un acte de prévision. À ce titre, il se distingue du bilan, représentation statique d’une situation à un moment donné, et du compte, qui, dans l’acception ordinaire et strictement comptable, n’est que la description détaillée d’opérations passées. Le budget est un compte de gestion prévisionnel, au sens moderne du mot, assorti, au surplus, d’une obligation d’exécution. Ce caractère de prévision ne s’est dégagé cependant qu’à une époque relativement récente : sous la Restauration, au moment où le gouvernement s’est vu contraint de solliciter du Parlement le vote des recettes et des dépenses et a dû justifier ses demandes. La prévision budgétaire est fille de l’autorisation parlementaire. Par la suite, la prévision est apparue comme un élément indispensable de bonne gestion, nécessaire à l’État moderne, quelle que soit sa forme politique.


Annualité

Dans son acception première, cette règle signifie que les prévisions budgétaires doivent être établies chaque année, qu’elles ne sont valables que pour une année, et, enfin, que l’exécution du budget doit se réaliser dans un cadre annuel. Bien que la période annuelle ne convienne pas aux opérations à long terme, ce principe a été rappelé en 1959, la possibilité de lois de finances rectificatives étant néanmoins admise. Avec le mécanisme des autorisations de programmes et des crédits de paiement, ce principe se réduit, en définitive, à l’examen annuel d’un programme pluriannuel.


Unité

Cette règle veut que le budget présente l’ensemble des opérations de l’État, si possible, dans un document unique, afin de faciliter l’appréciation et le contrôle du Parlement. Mais elle n’a jamais été appliquée d’une façon stricte ; les comptes des services industriels et commerciaux gérés par l’État se prêtent mal aux normes de la comptabilité budgétaire ; il ne paraissait pas normal d’inclure dans ce document les simples opérations de trésorerie. Il était tentant de masquer les difficultés en recourant à la pratique des comptes spéciaux ou des budgets extraordinaires ; c’est précisément en vue de réduire le nombre de ceux-ci qu’a été exigée une autorisation du Parlement pour leur ouverture. Ce principe a été réaffirmé en 1959, mais adapté à la nouvelle présentation des documents budgétaires : l’ensemble du budget général, des budgets annexes, des comptes spéciaux du Trésor doit faire l’objet d’une présentation unique. Conçue à l’origine pour permettre un contrôle détaillé, cette règle vise aujourd’hui à permettre une appréciation globale de la politique gouvernementale.


Universalité

Ce principe apparaît comme le corollaire de la règle précédente ; il recouvre, en réalité, deux notions : d’une part, celle du « produit brut » (les recettes et les dépenses doivent figurer au budget pour leur montant intégral, sans compensation ni contraction entre elles) ; d’autre part, celle de la « non-affectation des recettes » (certaines rentrées ne doivent pas être affectées à des dépenses déterminées).

Introduite sous la Restauration, cette règle répond à une double préoccupation : faciliter le contrôle du Parlement et éviter que, par des recettes affectées, un service ne puisse augmenter ses moyens d’action. L’affectation des recettes pouvait apparaître soit comme un moyen de pression de la part du gouvernement pour faire voter des impôts impopulaires en réservant leur produit à des dépenses souhaitables, soit comme une source de gaspillage : si la recette obtenue est inférieure à la dépense, le budget général doit fournir le complément ; si elle est supérieure, c’est une incitation aux dépenses inutiles. On estimait également que l’affectation des recettes pouvait conduire chaque catégorie de citoyens à réclamer que les impôts mis à sa charge soient utilisés exclusivement à son profit.