Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bucarest (suite)

La fortune de Bucarest résulte du choix de capitale des deux provinces de Moldavie et de Valachie après que celles-ci eurent, en 1858-59, conquis leur autonomie. Le chiffre de 100 000 habitants, qui venait d’être dépassé, s’accroît rapidement, et l’agglomération s’étend territorialement, en annexant des villages aux activités rurales, occupant une superficie de 100 km2. Lorsque, après la Première Guerre mondiale, l’État roumain est constitué avec l’apport de la Transylvanie et du Banat, c’est naturellement Bucarest qui est choisie comme capitale. Alors commence une troisième phase de croissance, limitée encore sous le régime de la monarchie entre les deux guerres, accélérée avec l’avènement du régime socialiste, qui modifie profondément, en évitant la centralisation excessive des fonctions, la structure et le rôle de Bucarest. Les efforts ont porté sur l’industrialisation et l’urbanisme.


Les fonctions

Bucarest est devenue le plus grand centre industriel de la Roumanie, fournissant plus du cinquième en valeur de la production globale du pays, assurant l’exclusivité de la production de machines agricoles, de trolleybus et d’autobus et, dans différentes branches, une production de qualité dont une partie est exportée. Les industries nées de l’artisanat, de la fonction de marché rural et du carrefour ont été concentrées et modernisées : ainsi la céramique, le cuir, certains secteurs du textile, les usines de transformation des produits agricoles (la capitale possède les plus grandes minoteries de Roumanie). Des industries modernes ont été implantées par le régime socialiste dans le cadre de la planification. Il s’agit de grands complexes, généralement situés hors de l’agglomération, disposant de vastes espaces et assurant, soit à Bucarest, soit dans leur secteur, pour l’ensemble du pays, une part importante de la production. C’est d’abord l’industrie métallurgique ou mécanique, utilisant des produits bruts importés des centres sidérurgiques de Transylvanie et, bientôt, de Galaţi : matériel roulant, machines agricoles, machines-outils, équipement d’usines. La seconde spécialité de Bucarest est le matériel électrique : dans le cadre du Comecon, c’est une des villes qui, avec Budapest et Sofia, fournit le matériel léger, de bonne qualité, dans ce domaine. Le textile vient au troisième rang pour la production, au second pour la main-d’œuvre. Le combinat de confection « Bucureşti », avec plus de 13 000 salariés, est la plus grosse entreprise de la capitale. De nouvelles usines ont été implantées dans la grande banlieue de la ville au cours des deux plans 1956-1960 et 1960-1965 : matières plastiques, fibres synthétiques et caoutchouc (usine de Jilava et pneumatiques Danubiana), c’est là l’avenir proche de l’industrie de consommation d’une grande ville. Enfin, le « combinat polygraphique » de la Scînteia assure près des trois quarts de la production de la Roumanie. Au total, dix gros complexes industriels fournissent en valeur les deux tiers de la production totale. Plus de la moitié de la population active est employée dans l’industrie et le bâtiment, près de 15 p. 100 le sont dans les transports, près de 7 p. 100 dans les services culturels. Les fonctions de service, dont la croissance est moins rapide, sont celles d’une capitale : Bucarest a la plus grande université de Roumanie, où sont inscrits la moitié des étudiants du pays.

Bucarest est également une ville de foires, de congrès et d’échanges internationaux. Les touristes de passage vers les stations de la mer Noire y séjournent et la visitent volontiers, attirés par les musées (musée d’Art de la République socialiste de Roumanie, musée du Village, etc.), les vieilles églises et ce qui subsiste de vieux quartiers. L’aéroport moderne (Otopeni) a été aménagé pour recevoir de gros appareils.


La ville

L’urbanisme a été d’autant plus l’objet des préoccupations du gouvernement que Bucarest se présentait encore avant 1940 comme un grand village roumain, grandi dans le désordre, très étendu, construit de maisons basses entourées de jardinets le long de pistes et de ruelles. Un aménagement profond s’imposait, d’abord pour des raisons de prestige, ensuite pour loger la population immigrée. Or, Bucarest compte parmi les villes socialistes où l’effort en vue de la construction a été le plus grand après 1955 ; de 7 000 à 15 000 logements par an ont été construits. Les opérations de rénovation et d’extension ont revêtu plusieurs aspects.

Le remodelage du centre, composé de quartiers résidentiels en partie à usage de city, avec de grands édifices comme le Palais et la création de voies centrales ont résolu d’heureuse façon les délicats problèmes posés par la place du Palais, par l’axe Nord-Sud, et par le quartier de la gare du Nord. Au-delà, l’aménagement linéaire et interstitiel, par démolition ou utilisation d’espaces vides pour la construction de grands ensembles, a considérablement étendu et densifié les quartiers, étirés le long des voies radiales et dispersés à la périphérie de la ville. Les zones industrielles ont également fait l’objet d’une planification : la partie sud en direction du Danube concentre la majeure partie de la production. L’est se spécialise dans la métallurgie ; l’ouest a deux grandes entreprises, de confection et d’outillage pétrolier. Enfin, on aménage une région péri-urbaine, de ravitaillement agricole, de recrutement de la main-d’œuvre, qui, atteignant le Danube, s’étend sur plus de 11 000 km2 et rassemble 2 300 000 habitants (5 p. 100 du territoire national et 13 p. 100 de la population). Elle comprendra une zone de récréation (l’« anneau des lacs »), quelques noyaux industriels discontinus et des terrains agricoles. Cette croissance a, naturellement, posé les problèmes de l’aménagement et de la modernisation des services municipaux d’une grande ville. L’extension du réseau de distribution des eaux a permis de supprimer les zones restées sans eau courante, surtout à la périphérie ; la longueur des conduites de gaz a quintuplé. Plusieurs centrales thermiques assurent le chauffage collectif, ce que les Roumains appellent la « thermofication ». Trolleys et tramways assurent la majeure partie des transports en commun, la voiture particulière restant rare et faiblement utilisée.

Bucarest offre l’exemple d’une capitale bien équilibrée, planifiée dans sa croissance, qui n’étouffe pas le développement des métropoles régionales. L’agglomération devra atteindre, mais sans les dépasser, les deux millions d’habitants avant la fin du siècle.