Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bruges (suite)

On a une connaissance de la tapisserie brugeoise à partir de la fin du xve s. Quelques pièces importantes du xviie s., tissées d’après les cartons de l’Anversois Cornelis Schut (1597-1655), sont conservées au musée Gruuthuse. La production, réputée, de dentelles aux fuseaux ne peut être attribuée à une tradition ancienne : elle a débuté à la fin du xixe s.

D. D.


La décadence

Malheureusement, l’éclat des arts et des lettres, qui s’atténue dans la secondé moitié du xvie s., cache mal un déclin économique beaucoup plus ancien et irrémédiable, déclin qui se traduit par une diminution irrégulière de la population brugeoise entre les apogées de 1346 (entre 29 000 et 36 000 hab.) et de 1696-1705 (37 900 hab.) et les étiages de 1616-1625 (27 300 hab.) et de 1746-1755 (27 900 hab.).

Parmi les multiples causes du déclin, la plus grave n’est pas l’ensablement du Zwin, qui rend inaccessible dès la fin du xiiie s. la rade de Damme et les rades des avant-ports secondaires de Bruges (Hoeke, Muide et Monnikrede) avant d’étouffer, vers 1360, celle de Sluis (l’Écluse), qui leur a été substituée depuis 1290. D’autres facteurs sont plus déterminants : concurrence des draperies brabançonnes et surtout anglaises ; essor d’Anvers*, où les ducs de Brabant* attirent les marchands étrangers par l’octroi de nombreuses facilités commerciales ; lourdeur des contraintes et cherté des services qui, à Bruges, sont imposés à ces marchands ; guerre de Cent Ans, qui déplace, au profit du port rival, vers les Alpes et la vallée du Rhin les grandes routes terrestres unissant l’Italie aux Pays-Bas ; montée d’Amsterdam, à laquelle les Hollandais tendent à réserver le monopole des produits de la Baltique ; troubles politiques, enfin, qui opposent Bruges à Maximilien d’Autriche (1484-1490), lequel rétablit la Constitution de 1399 et invite avec succès les marchands étrangers à quitter cette ville pour Anvers (1484 et 1485).

Accueillante aux luthériens (dès 1527), aux anabaptistes (à partir de 1530) et surtout aux calvinistes, Bruges participe au mouvement anti-espagnol animé par les Gantois, qui l’occupent le 20 mars 1578 ; elle adhère le 1er février 1580 à l’Union d’Utrecht. Mais elle se soumet sans combat, le 20 mai 1584, à Alexandre Farnèse, qui y facilite la reprise de la politique de Contre-Réforme : celle-ci est inaugurée en 1559 par l’érection de Bruges en siège épiscopal et poursuivie en 1567 par l’établissement d’une résidence de la Compagnie de Jésus.

Ces événements aggravent une situation économique désastreuse, à laquelle les Brugeois tentent en vain de remédier entre le xvie et le xviiie s. par la création de nouvelles industries textiles (draps façon de Leyde puis serges façon d’Hondschoote et façon de Verviers) et par l’ouverture d’une voie d’eau donnant à Bruges un accès direct à la mer du Nord par Ostende (1613-1622), car l’occupation de l’Écluse par les Néerlandais a privé cette ville de son débouché maritime naturel en 1604.

Bruges est démantelée par Joseph II (1782). Révoltée contre les Autrichiens (1er nov. 1789), elle est occupée à deux reprises par les Français (nov. 1792 et juin 1794) ; elle devient chef-lieu du département de la Lys (1795), puis de la province de Flandre-Occidentale, tour à tour néerlandaise (1815), puis belge (1830).

O. G. et P. T.


La ville actuelle

De son histoire, Bruges a conservé un magnifique paysage urbain avec ses monuments et ses canaux (qui en font un grand centre touristique), mais aussi ce surnom de « Bruges-la-Morte », immérité aujourd’hui. Cette agglomération de 120 000 habitants possède depuis 1907 un nouveau port, qui a été édifié sur la mer à 10 km de la ville, Zeebrugge. C’est le seul port belge situé directement sur le littoral. Il fut conçu comme devant devenir un port de vitesse et d’escale avant l’embouchure de l’Escaut, puisque les rives de l’Escaut appartiennent aux Néerlandais. Un grand môle courbe de 2 300 m protège une rade, et les navires peuvent accoster sans avoir à écluser (les profondeurs sont actuellement portées à 14 m à marée basse) ; un canal maritime atteint Bruges, et deux ports à bassins ont été creusés, l’un à Zeebrugge, l’autre à Bruges.

Mais beaucoup d’espoirs ont été déçus, et le trafic est resté modeste jusqu’en 1967 (2 Mt). Brusquement, il a dépassé 5 Mt en 1968, approché 15 Mt en 1974, faisant de Bruges le deuxième port belge. Aujourd’hui, Bruges ravitaille en hydrocarbures la raffinerie Texaco de Gand (capacité : 5,5 Mt), car Gand n’est accessible qu’aux navires de 50 000 t. De plus s’est développé le trafic de car-ferries, de train-ferries, de containers, de roll-on/roll-off vers Douvres, Harwich, Helsinki, grâce à la possibilité d’accueillir des navires sans éclusage et aux relations rapides avec l’intérieur.

Bruges est le deuxième port de pêche belge, avec le quart des prises.

Le port ravitaille également (c’était son rôle essentiel avant 1968) des industries portuaires : cokerie, verrerie, réparation navale ; de vastes terrains industriels sont disponibles entre Zeebrugge et Bruges, mais, sur la côte, ils sont limités par l’utilisation touristique intense. À Bruges, aux industries traditionnelles (coton, tapis, meubles) se sont ajoutées des activités modernes (radio-télévision, machines agricoles, wagons). L’agglomération occupe 50 000 actifs, dont près de la moitié dans l’industrie.

A. G.

➙ Belgique / Bourse / Commerce international / Flandre / Foire / Hanse.

 H. Pirenne, Histoire de Belgique (Lamertin, Bruxelles, 1900-1932 ; 7 vol.). / A. Duclos, Bruges, Histoire et souvenirs (Bruges, 1910). / T. Luykx et J. L. Broeckx, Brugge (Anvers, 1943). / H. Van Werveke, Bruges et Anvers. Huit siècles de commerce flamand (Libr. encyclopédique, Bruxelles, 1944). / R. A. de Roover, Money, Banking and Credit in Mediaeval Bruges (Cambridge, Mass., 1948). / A. Janssens de Bisthoven, Bruges (Dessart, Bruxelles, 1951). / F. Cali, Bruges (Arthaud, 1963). / L. Devliegher, Kunstpatrimonium van Wesf-Vlaanderen, t. I (Tielt, 1965). / J. A. Van Houtte, Bruges, essai d’histoire urbaine (la Renaissance du livre, Bruxelles, 1967).