Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bruckner (Anton) (suite)

 A. Göllerich et M. Auer, Anton Bruckner, ein Lebens- und Schaffensbild (Ratisbonne, 1922-1937 ; 4 vol.). / M. Auer, Anton Bruckner, sein Leben und Werk (Vienne, 1923 ; 6e éd., 1949). / O. Loerke, Bruckner, ein Charakterbild (Francfort, 1938). / A. Machabey, la Vie et l’œuvre d’Anton Bruckner (Calmann-Lévy, 1945). / H.-F. Redlich, Bruckner and Mahler (Londres, 1955). / M. Lancelot, Anton Bruckner (Seghers, 1964). / R. Simpson, The Essence of Bruckner (Londres, 1967). / J. Gallois, Bruckner (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1971).

Bruegel (Pieter), dit Bruegel l’Ancien

Peintre des anciens Pays-Bas méridionaux (vers 1525-1530 - Bruxelles 1569).


Avec Jan Van Eyck*, Jérôme Bosch* — son père spirituel — et Petrus Paulus Rubens*, qui possédait plusieurs de ses tableaux, Pieter Bruegel l’Ancien occupe un des quatre sommets de la peinture flamande. Si tout le monde est d’accord au sujet de ses qualités artistiques incomparables et de son influence sur l’évolution du paysage et de l’estampe, le message de son œuvre, par contre, donne toujours lieu à d’âpres controverses.


L’homme

L’orthographe correcte de son nom est « Brueghel » ou « Bruegel » et non « Breug(h)el ». La première est celle qu’il emploie jusqu’en 1559. À partir de cette année-là, il signe invariablement sans h.

Les données fournies par les chroniqueurs étant incomplètes, voire équivoques, on ignore le lieu exact de sa naissance, vraisemblablement en Brabant. On sait que Bruegel a travaillé avec Pieter Balten (v. 1525-1598?) au retable de la corporation des gantiers de Malines en 1550-51. En cette dernière année, il devint franc-maître à Anvers, repère qui permet de situer sa date de naissance entre 1525-1530. On le retrouve à Rome en 1553, où il semble avoir eu des rapports avec le miniaturiste croate Giulio Clovio (1498-1578). Dix ans après, il épouse à Bruxelles la fille de Pieter Coecke Van Aelst (1502-1550), Mayken, dont il aura deux fils : Pieter et Jan. Une collection de tableaux — dont seize pièces de Bruegel mal spécifiées — est affectée comme gage à la ville d’Anvers par un négociant, Nicolas Jonghelinck. L’épitaphe de Bruegel dans l’église bruxelloise Notre-Dame-de-la-Chapelle — église où il s’était marié — nous apprend qu’il est mort en 1569.

Les dates qui figurent sur ses dessins et ses estampes fournissent quelques renseignements supplémentaires au sujet de l’itinéraire de son voyage en Italie, mais notre source principale est, jusqu’à nouvel ordre, le chapitre que Carel Van Mander lui consacre dans son Schilder-Boeck (Livre des peintres), ouvrage qui parut à Haarlem en 1604. C’est dire que la biographie en question fut rédigée à peu près trente ans après la mort de Bruegel. Celui-ci aurait appris son métier chez Pieter Coecke Van Aelst, dont il allait épouser la fille qu’il avait, toute petite, souvent portée dans ses bras. Établi à Anvers, il travaillait beaucoup pour un certain Hans Franckert, ami avec lequel il aimait se mêler aux convives des noces champêtres afin d’observer les manières des paysans. Se délectant aux ragots comme tous les chroniqueurs, Van Mander prétend qu’à Anvers Bruegel faisait ménage avec une servante qu’il aurait pour sûr épousée si elle n’avait eu la mauvaise habitude de mentir. C’est sa future belle-mère qui aurait exigé que Bruegel s’installât à Bruxelles afin de se soustraire à sa liaison anversoise. En outre, Van Mander décrit bon nombre d’œuvres, dont plusieurs ont pu être identifiées. Parlant des dessins que Bruegel avait encore dans ses cartons, il prétend que celui-ci « les fit brûler par son épouse lorsqu’il sentit que l’heure de sa mort approchait ». Les légendes qui s’y trouvaient étaient « ou trop outrageantes ou trop satiriques » ; aussi « craignait-il que sa femme n’en eût des ennuis ».


L’œuvre

Bruegel avait l’habitude de signer et de dater ses œuvres. Ainsi, les tableaux dont l’attribution est contestée ne sont pas très nombreux. Que son œuvre peint, comprenant une quarantaine de chefs-d’œuvre, ait été réalisé pendant les dix dernières années de sa vie tient du miracle. Rien que pour l’année 1565, la liste de sa production comprend le Trébuchet, le Christ et la femme adultère, le Massacre des Innocents ainsi que les Saisons ou les Mois, série qui comprenait à elle seule six panneaux (dont un semble avoir péri).

En réalité, Bruegel fut dessinateur avant d’être peintre. Ses feuilles les plus anciennes remontent à l’époque de son voyage en Italie : des paysages qui témoignent d’une vision que la critique a qualifiée à juste titre de « cosmique ». Ses dernières feuilles (les Apiculteurs et l’Été) portent la date de 1568. Tout porte à croire que Bruegel n’a manipulé le burin qu’une seule fois (la Chasse au lapin sauvage, 1566), mais, par les estampes qui ont été taillées d’après ses dessins, il occupe une place de choix dans l’histoire de la gravure au xvie s. Toutes ses planches ont été éditées par Hiëronymus Cock, dont l’officine à la fière enseigne cosmopolite « Aux Quatre Vents » était établie à Anvers près de la Bourse. Les sujets sont très variés : des paysages alpestres et fluviaux, des paraboles empruntées aux Évangiles, des thèmes littéraires, des scènes folkloriques et documentaires. Des séries telles que les Péchés capitaux (1556-57) et les Sept Vertus (1559-60) sont remarquables, ne serait-ce qu’au point de vue iconographique. Les dessins originaux de vingt-sept planches, sur un total de quatre-vingt-douze, ont été conservés.

Le catalogue de tous les dessins de Bruegel, tel qu’il a été dressé par Ludwig Münz, compte cent cinquante numéros, dont soixante-dix-sept esquisses ni datées ni signées (hormis les signatures apocryphes ou contrefaites), mais qui portent presque toujours l’inscription naar het leven, ce qui veut dire pris (ou dessiné) « sur le vif ». D’après des recherches publiées en 1970 (revue américaine Master Drawings), cette célèbre série d’esquisses ne serait pas de la main de Bruegel, mais probablement de celle de Roelant Savery (1576-1639).