Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Broch (Hermann) (suite)

Une affirmation aussi déclarée d’hostilité à l’hitlérisme valut à son auteur, quand Vienne devint allemande en 1938, d’être arrêté. Dès que sa libération put être obtenue, Broch partit pour les États-Unis, où il poursuivit des études de psychologie sociale et enseigna à Princeton. Avant de mourir, en 1951, il avait publié en 1945 Der Tod des Vergil (la Mort de Virgile) et en 1950 Die Schuldlosen (les Innocents). Sur un thème qui rappelle celui des Somnambules, les Innocents sont une autre tentative pour rendre sensible la disparité entre le destin durable des communautés humaines et l’agitation de ceux qui croient agir et comprendre, l’immensité irrationnelle de l’écart entre ce que l’homme conçoit et ce dont il vit.

Mais le poème philosophique et l’allégorie ne sont pas les genres où Broch réussit le mieux ; il sait raconter et décrire, et surtout donner au récit une densité symbolique à la fois par la richesse des implications, la patience des analyses, le lent déroulement des méandres de l’analyse et du rêve.

Son œuvre la plus originale est la Mort de Virgile, récit des dernières dix-huit heures de la vie du poète.

Virgile est débarqué, déjà presque mourant, à Brindisi, et, de ce moment jusqu’à sa mort, les images, les impressions, les rêveries qui le traversent forment la matière d’un immense monologue intérieur. Dans la liberté des dernières heures, quand la charge de la vie ne pèse plus sur les épaules de celui qui ne se relèvera plus, mais qui garde une vigilance de tous les instants, sa vie repasse devant ses yeux et avec elle les rêves, les ambitions, les craintes et les espoirs qui l’ont accompagnée. Ici, rêve et réalité se rejoignent, objet et sujet s’interchangent et les phrases du récit, interminables, aux battements amples et lassés, coulent d’un flot sans interruption. Broch connaissait Joyce et ne l’a jamais caché ; on l’a aussi comparé à Proust pour sa patience à découvrir les cheminements cachés de l’âme.

Quand Octave vient demander à Virgile mourant, dans une des rares scènes dialoguées du roman, de lui remettre le manuscrit de l’Énéide, le poète voudrait refuser ; il objecte que l’œuvre est inachevée, imparfaite. Mais le plus grand des Anciens aspire à autre chose qu’à son œuvre. Même si tous ses vers étaient parfaits, quelque chose en lui demeurerait insatisfait, il se reprocherait de n’avoir pas fait plus que de plaire aux hommes ; il aurait voulu servir à leur salut. Le prince des poètes latins n’a-t-il pas entrevu l’espoir dans le christianisme naissant ? Broch semble le suggérer ; il insiste du moins sur tout ce qui demeure chez Virgile mourant nostalgie sans réponse, appel à un salut que le monde romain ignore.

Broch avait, en un sens, quitté le monde pour réfléchir et écrire ; son entreprise était de comprendre et de faire comprendre. Et d’abord comprendre son siècle. Mais la Mort de Virgile montre que son exigence allait plus loin, car elle se refuse la satisfaction de l’œuvre accomplie. Virgile mourant donnerait raison à Platon, pour qui la poésie n’était qu’une suite de vaines et trompeuses images. Peut-être Broch est-il mort aussi insatisfait que Virgile.

P. G.

 T. Collmann, Zeit und Geschichte in Hermann Brochs Roman « Der Tod des Vergil » (Bonn, 1967). / J.-P. Bier, Hermann Broch et « la Mort de Virgile » (Larousse, 1974).

brochage

Ensemble des opérations nécessaires pour former un livre non relié à partir de la feuille de papier sortant de l’imprimerie.
Ces opérations sont la pliure, la plaçure, l’assemblage, la couture, la couvrure et la rognure.



Pliure

Après avoir été refendue à l’aide du massicot au format de la pliure, la feuille imprimée à plat est amenée sous le système plieur soit par un margeur à pile, la feuille étant dans ce cas aspirée par des ventouses et entraînée par des courroies, soit par un margeur rotatif, les feuilles étant alors étagées et entraînées une par une par des courroies aidées par des souffleries. Dans la plieuse à couteau, une lame introduit la feuille entre deux rouleaux parallèles qui l’entraînent en formant le premier pli, les plis suivants étant formés par des rouleaux analogues. Dans la plieuse à poche, la feuille est entraînée sur un plan incliné de 32° à 40° vers une butée ; pendant le temps d’arrêt qu’elle marque dans sa course, deux rouleaux parallèles entre lesquels elle s’insère forment le premier pli. Les plieuses combinées comportent les deux systèmes, montés les uns à la suite des autres de manière à former le cahier de 4, 8, 16 ou 32 pages (plis croisés, normalement employés en édition) ou le cahier de 12, 18, 24 ou 48 pages, faisant intervenir des plis parallèles, roulés ou en accordéon, plus fréquents dans les articles destinés à la publicité tels que prospectus, dépliants, etc.

La même dénomination de plieuse s’applique également à l’ensemble mécanique qui, à la sortie des machines rotatives à imprimer, plie le papier. Les bandes de papier provenant des bobines, superposées et coupées, passent sur un cône de pliage dont le sommet est dirigé vers le bas et sont amenées à travers un premier groupe de cylindres parallèles qui forment le premier pli ; ce premier cahier passe ensuite dans un deuxième groupe de cylindres latéraux, munis de pinces et de lames, où se forme le deuxième pli ; le troisième pli est fait sous un système à couteau.


Plaçure

Le livre broché peut comporter des éléments imprimés par des procédés et sur des papiers différents de ceux qui sont employés pour les cahiers qui en composent la plus grande partie : c’est le cas, par exemple, des illustrations en couleurs. Mettre à leur place ces « hors-texte » est le travail de la plaçure. Si ces hors-texte se présentent sous la forme de quatre pages ou plus, on procède par encartage, le cahier hors texte recouvrant le cahier de texte ou, inversement, étant placé au milieu de celui-ci. Si le hors-texte est un feuillet isolé, il est fixé, à l’aide d’un filet de colle appliqué sur le bord interne du feuillet, soit à l’extérieur du cahier, soit au milieu, soit encore entre deux pages après coupe du pli de la tranche supérieure (tranche de tête) ou latérale (tranche de gouttière).