Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Brno

V. de Tchécoslovaquie, capit. de la Moravie ; 340 000 hab.


La ville doit sa fortune à sa position géographique au centre d’un large bassin fertile, au confluent de deux cours d’eau, la Svratka et la Svitava. Le cœur de la ville, la citadelle du Špilberk, est juché sur un éperon rocheux : la ville historique s’étend au pied du château (hrad), entourée de fossés depuis convertis en boulevards (ring) et reliée par des ponts à la rive sud de la Svratka, où s’est développé le Staré Brno (Vieux Brno). La situation et le site de passage et de contact entre la Bohême, la Silésie, la Moravie et, au sud, les plaines danubiennes expliquent l’importance stratégique de la ville (le champ de bataille d’Austerlitz se situe à l’est) ; les Autrichiens avaient fait de Brno non seulement une ville de garnison importante, mais aussi un gros centre de manufactures travaillant pour l’intendance (fabrique de draps et métallurgie).

Ainsi, la grande époque de Brno (en allem. Brünn) coïncide avec l’apogée de la « Double Monarchie » : le xixe s. À partir des premières activités se développent le textile, le cuir, la porcelaine, la cristallerie et, avec la période des chemins de fer, la construction de matériel roulant, la chaudronnerie et la mécanique. L’agglomération englobe alors des villages de la périphérie : Královo Póle au nord, Zabovresky à l’ouest et, surtout, les localités de chaque côté de la Svitava : Husovice, Židenice, Cernovice, où se localisent les usines. L’Ouest est essentiellement résidentiel, et l’Est industriel. En 1914, l’agglomération dépasse déjà 200 000 habitants. Sa croissance sous la Ire République a été plus lente que celle de Bratislava ou des villes minières et d’industrie lourde. Dans le cadre de la planification des régions moraves, sous le régime socialiste, Brno a développé d’abord son approvisionnement en énergie (dont les nouvelles sources sont les centrales hydrauliques de la Vltava supérieure et les centrales thermiques du bassin houiller de Silésie), puis les branches industrielles d’équipement et de large consommation. Une dizaine d’entreprises nouvelles (zavod) employant chacune plusieurs milliers de salariés fournissent de l’appareillage électrique lourd (turbines) et léger, du matériel de transport, des machines agricoles (notamment des tracteurs) et des articles de confection. 60 p. 100 de la main-d’œuvre sont employés dans la mécanique, et le quart dans le textile. Enfin, Brno renforce sa position de centre commercial d’intérêt international par une foire annuelle qui se tient en septembre, rassemble dans le domaine des machines plusieurs centaines de firmes tchécoslovaques et étrangères, et attire plusieurs centaines de milliers de visiteurs. Le palais de la foire (Veletrhy) s’allonge dans un parc au bord de la Svratka. La présence saisonnière de visiteurs étrangers explique l’importance exceptionnelle de l’aéroport, de l’hôtellerie et des spectacles. Aux environs, plusieurs sites touristiques ont été aménagés, en particulier le réservoir appelé « mer de Brno », centre de villégiature et de sports nautiques. La ville commande l’activité d’un district qui regroupe aujourd’hui plus d’un demi-million d’habitants.

A. B.

Broch (Hermann)

Écrivain autrichien (Vienne 1886 - New Haven, États-Unis, 1951).


La mort de son père, fabricant de tissus, le mit dès 1910 à la tête d’importantes entreprises. À la suite de la Première Guerre mondiale, des crises qui la suivirent, des années troubles durant lesquelles les Viennois, plus que partout ailleurs, eurent le sentiment d’une fin irrémédiable, il abandonna en 1927 toutes ses affaires. Non par indifférence ou à cause de difficultés spéciales, mais pour donner tout son temps à la réflexion et à l’écriture. Il en est sorti une œuvre romanesque d’un style très personnel, qui s’est cherché d’abord à travers divers plans souvent parodiques pour arriver à un monologue intérieur qui emplit tout un roman.

En 1931-32, Broch se fit d’un coup une réputation de romancier avec sa trilogie Die Schlafwandler (les Somnambules), vaste roman social étendu sur trois générations d’hommes qui avancent inconscients au milieu des périls. Le mouvement général des récits est celui d’une chute, c’est la destruction d’un monde autrefois cohérent et la disparition des valeurs morales et sociales, des points de repère, des interdits et des garde-fous. Le premier volume porte un titre et une date : 1888, Pasenow ou le Romantisme. Le romantisme, c’est l’attachement au code de l’honneur dans une famille de gentilshommes prussiens. Un des fils meurt dans un duel stupide ; le père ne cessera plus de réfléchir sur la justification de cet « honneur » auquel il a été habitué à tout sacrifier, cependant que son autre fils, après quelques aventures galantes, finit dans un mariage de convention dont il sait qu’il demeurera prisonnier. Le second volume, 1903, Esch ou l’Anarchie, est d’un dessin beaucoup moins net et le milieu considéré moins défini : Esch, le héros, est un employé devenu cabaretier et dont les moyens d’existence ne sont pas tous avouables. Dans le troisième volume, la décomposition est encore plus marquée, l’incohérence est voulue, la dissonance règne. 1918, Huguenau ou le Réalisme met en scène le fournisseur aux armées Huguenau, qui a fait fortune en quelques années. Autour de lui on voit revenir Joachim von Pasenow, devenu commandant, Esch, rédacteur d’un journal socialiste, et la plupart des personnages des deux premiers volumes, mais ils sont changés, plus exactement brisés, vivant comme des pantins dans les décors aberrants et sous les éclairages violents des années d’après-guerre.

Le livre intitulé le Tentateur (Der Versucher), que Broch écrivit entre 1933, date de la prise du pouvoir par Hitler, et 1938, date de l’entrée de l’armée hitlérienne en Autriche, est celui dont le symbolisme est le plus déchiffrable. Dans un village de montagne apparaît un ouvrier étranger, Marius Ratti. Il parle avec véhémence contre les machines, la vie moderne, l’alcool aussi et la débauche, et sait faire croire aux villageois qu’ils trouveront un jour richesse et bonheur dans la possession d’un fabuleux trésor caché au fond des montagnes. Pour que le salut soit assuré, il faudra un sacrifice humain, que consent la fille d’un des adeptes de Ratti. Tous tomberaient dans les filets de l’ensorceleur s’il n’y avait « la mère Gisson », en qui parle la voix de la terre et du cœur ; sur elle, que l’auteur avait d’abord pensé appeler Déméter, ni les maléfices de la parole, ni les intrigues, ni les pressions ne peuvent agir.