Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Briand (Aristide) (suite)

« La paix des partis... »

À la chute du ministère Clemenceau, Briand est choisi pour former le cabinet (24 juill. 1909) ; il sera président du Conseil jusqu’au 2 novembre 1910, puis du 3 novembre 1910 au 27 février 1911 ; en même temps, il a le portefeuille de l’Intérieur et des Cultes.

Pour combattre les progrès de l’antiparlementarisme, alimenté par le relèvement de l’indemnité des députés et par les campagnes de l’Action française, Briand propose, avec l’appui des socialistes, le remplacement du scrutin d’arrondissement, favorable aux intérêts particuliers, par la représentation proportionnelle, qui débouche sur des programmes et des idées. Dans le « discours de Périgueux » (oct. 1909), il envisage de « faire passer un grand souffle purificateur à travers les petites mares stagnantes, croupissantes qui se forment et s’étendent un peu partout dans le pays ». Attaqué par les radicaux sur la question électorale, Briand se heurte violemment aux socialistes sur le terrain des grèves. Car, situation paradoxale, « l’apôtre de la grève générale » brise celle des cheminots en octobre 1910. Il doit alors se défendre contre ses anciens amis (Jaurès), qui le traitent de renégat ; en vain Jules Guesde demande sa mise en accusation.

Démissionnaire (27 févr. 1911), Briand favorise l’élection de Poincaré à la présidence de la République et, redevenu président du Conseil (1913), il fait voter la loi qui instaure le service militaire de trois ans ; ayant dénoncé le scrutin d’arrondissement, il démissionne (18 mars).

L’union des partis, qu’il a tant souhaitée, c’est la guerre qui la réalise. Pour aider la Serbie, Briand, deux fois chef du gouvernement et ministre des Affaires étrangères (1915-1917), organise l’expédition franco-anglaise de Salonique (5 oct. 1915, général Sarrail), qu’il maintient en dépit de l’opposition britannique et de la neutralité grecque. Lors de la conférence interalliée de Paris (mars 1916), qui suit l’offensive de Verdun, Briand coordonne l’action militaire et économique de l’Entente, obtient le remplacement de Joffre, promu maréchal, par Nivelle (12 déc. 1916). À cette date, il réforme le ministère, y introduit un Comité de guerre permanent, où il fait entrer Lyautey, mais « sa faculté de se dérober à toute explication » sur la question grecque et la démission de Lyautey l’obligent à se retirer (18 mars 1917).

Déchargé du pouvoir, Briand se consacre au rétablissement de la paix. Par l’intermédiaire de la comtesse de Mérode, le diplomate allemand von Lancken propose de rencontrer Briand en Suisse (juin 1917) : Briand n’obtient pas l’accord du gouvernement Ribot, qui désapprouve le projet.


« La paix des peuples... »

Aristide Briand devient, après 1919, le « pèlerin de la paix ». Cependant, comme les hommes du Bloc national, Briand, de nouveau président du Conseil et ministre des Affaires étrangères (1921-1922), est d’abord un partisan de la politique d’exécution du traité de Versailles. Au titre des sanctions, il fait occuper Duisburg, Ruhrort, Düsseldorf, tout en continuant avec Walther Rathenau des négociations. Les accords de Wiesbaden (6 oct. 1921) admettent la possibilité des prestations en nature, mais les industriels français et anglais se cabrent. Briand accepte alors de négocier avec l’Angleterre un moratoire des réparations, moyennant la garantie par la Grande-Bretagne de la sécurité française sur le Rhin, garantie que Clemenceau n’avait pas pu obtenir lors du traité de Versailles : c’est l’objet de la conférence de Cannes (janv. 1922). Briand va y signer un accord dans ce sens, lorsque le nationaliste Poincaré, craignant de trop larges concessions, rappelle Briand, qui démissionne.

Lorsqu’il revient, pour sept ans, au quai d’Orsay (avr. 1925), la « politique d’exécution » est morte. Édouard Herriot a ouvert la voie à des négociations dans le cadre de la S. D. N. sur le thème « arbitrage, sécurité, désarmement ». Briand, qui va présider encore plusieurs gouvernements, incarne désormais l’« esprit de Genève », d’abord par inclination personnelle à la conciliation, mais aussi parce qu’il pense que la France souhaite la quiétude après l’hémorragie de la guerre. « Je fais la politique de notre natalité », déclare-t-il.

Tandis que les réparations sont aménagées par des plans successifs (plan Dawes, 1924 ; plan Young, 1929), Briand organise la paix. Après l’échec du protocole de Genève sur l’arbitrage obligatoire (1925), il reprend les conversations directes avec l’Allemagne, dont le ministre des Affaires étrangères, Stresemann, semble gagné à la conciliation. La conférence de Locarno pose l’assise la plus solide de la sécurité de l’Europe (16 oct. 1925) : Briand obtient des puissances contractantes la garantie de la frontière franco-allemande sur le Rhin. Désormais, l’« esprit de Locarno » ouvre la porte à de plus amples échanges.

En septembre 1926, Briand rencontre Stresemann à Thoiry (Ain) ; sans doute lui propose-t-il une évacuation anticipée par la France de la région rhénane et de la Sarre, ainsi qu’une aide financière. Aux yeux des nationalistes, c’est aller trop loin dans la voie de la collaboration avec le vaincu de la veille. Briand va dès lors agir plus prudemment par le biais de la S. D. N.

Il y fait admettre l’Allemagne (sept. 1926) et y joue un rôle majeur. En janvier 1927, Briand supprime la Commission militaire de contrôle interalliée. L’acte le plus caractéristique de sa politique est le pacte Briand-Kellog, signé à Paris le 27 août 1928 par soixante nations, et qui met la guerre « hors la loi ». Briand est prix Nobel de la paix depuis décembre 1926.

Le 30 juin 1930, Briand fait évacuer la Rhénanie, quatre ans avant la date prévue. Le même jour, il fait remettre à 27 gouvernements européens un « mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne ». Précurseur de Robert Schumann et de Jean Monnet, il suggère une entente politique, puis économique, « l’extension progressive à toutes les communautés européennes » de la politique de garanties internationales inaugurée à Locarno « jusqu’à l’intégration des accords et séries d’accords particuliers dans un système plus général ». Politique que beaucoup critiquèrent comme trop idéaliste, et que la montée des fascismes semblait dès l’abord condamner.

Malade, Briand se repose de plus en plus souvent dans sa propriété de Cocherel (Eure). Il laisse cependant présenter sa candidature à la présidence de la République (mai 1931), mais les nationalistes lui préfèrent Paul Doumer. Il meurt quelques mois plus tard.

P. M.

➙ République (IIIe).