Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Breuer (Marcel) (suite)

À partir de 1952, Breuer — installé à son compte, à New York, depuis six ans — connaîtra une célébrité internationale : il est appelé, en collaboration avec Bernard Zehrfuss et Pier Luigi Nervi*, à construire le palais de l’Unesco à Paris (1952-1958). Dans cet ouvrage, Breuer exprime clairement sa lassitude pour les formes « classiques » de l’art moderne : le plan en « Y » avec façades curvilignes, l’utilisation du béton brut, la dramatisation de la structure sont autant d’éléments caractéristiques. Par la suite, Breuer développera ce style conflictuel : à côté d’œuvres retenues comme le magasin « De Bijenkorf » à Rotterdam (1955-1957), d’autres, telles que le Centre de recherches de l’I. B. M. à La Gaude (1960-1962), la Saint-John’s Abbey à Collegeville, Minnesota (1953-1961), ou le gymnase de la Litchfield High School dans le Connecticut (1954-1956), sont à certains points de vue critiquables. Breuer y subit l’influence de l’école sud-américaine, exploitant le système formel d’un Oscar Niemeyer* avec la virtuosité d’un ancien « Bauhauslehrer ». Dans des travaux comme la station de sports d’hiver de Flaine en Haute-Savoie (depuis 1967), ou le projet discuté de building du Grand Central à New York (1968), Breuer se tourne vers l’éclectisme officiel, dont certains de ses anciens élèves américains — Philip Johnson (né en 1906) ou Paul Rudolph (né en 1918) — sont parmi les meilleurs représentants.

Ainsi l’œuvre de la maturité de Breuer prête à discussion : il a gardé dans l’exercice de l’architecture un certain formalisme non sans rapport avec le didactisme de sa formation. Dans le contexte américain, ses œuvres, influencées par la mode, sont allées en se dépersonnalisant, tout en gardant le brillant d’exécution, le fini qui leur est propre. Breuer a écrit Sun and Shadow, The Philosophy of an Architect (New York, 1956).

Breuer et le Bauhaus

Étudiant extrêmement brillant du Bauhaus* à partir de 1920, Marcel Breuer sera profondément marqué par l’atmosphère de découverte intellectuelle qui est celle de la nouvelle école. Il ne tardera pas à y devenir professeur : en 1924, âgé de vingt-deux ans, il prend la direction de la section ameublement. L’expérience est d’autant plus intéressante que Gropius est en train de bâtir les locaux de la nouvelle école à Dessau. Pendant quatre ans, Breuer se révélera l’un des plus prestigieux dessinateurs de meubles de son époque. Il invente une série de sièges à partir d’éléments en tubes chromés et coudés, assemblés par soudure. Châssis et remplissages sont totalement dissociés : la structure est en métal, les coussins en toile blanche ou en cuir. Breuer quittera l’école en même temps que Gropius, en 1928.

F. L.

 P. Blake, Marcel Breuer, Architect and Designer (New York, 1949). / G. C. Argan, Marcel Breuer (Milan, 1957).

Briand (Aristide)

Homme d’État français (Nantes 1862 - Paris 1932).



L’apôtre de la grève générale

Avocat à Saint-Nazaire, ce fils d’aubergistes dirige l’Ouest républicain : la rencontre de Fernand Pelloutier l’oriente vers le socialisme et le syndicalisme.

Ayant démissionné du barreau de Saint-Nazaire en 1893, il s’établit à Paris et entre à la Lanterne, où il crée une rubrique ouvrière ; il sera bientôt secrétaire général du journal. Son activité est intense : il anime des réunions syndicales, organise des manifestations (1er mai 1893) et participe aux congrès socialistes (1892, 1899-1900, 1901). Inlassablement, il défend l’idée de la grève générale, qui est à ses yeux le seul moyen pour les ouvriers de faire plier le capitalisme. Secrétaire du parti socialiste français (1901), qu’il a fondé avec Jaurès, il se heurte aux thèses doctrinaires de Jules Guesde et de Paul Lafargue et se lie avec Jean Jaurès, qui le convertit au réformisme.

Sans succès, il tente sa chance aux élections législatives de 1889, de 1893 et de 1897. Avocat au barreau de Pontoise, il se rend célèbre en 1901 en faisant acquitter l’antimilitariste Gustave Hervé ; peu après (1902), il est élu député de Saint-Étienne. Ce mandat lui sera renouvelé jusqu’en 1919 ; ensuite, il représentera la Loire-Inférieure au Parlement.


« La paix des consciences... »

Le nouveau député attire d’emblée l’attention à la faveur d’une grève à Terrenoire, au cours de laquelle un mineur est tué. Briand calme l’agitation, arbitre la grève, mais interpelle le gouvernement sur l’incident.

En 1904, Briand devient rapporteur de la commission des congrégations, qui étudie l’application de la loi de 1901 : il se révèle alors un debater de talent et un arbitre-né. Les relations avec le Vatican sont rompues, et les gouvernements Combes, puis Rouvier envisagent la séparation des Églises et de l’État ; Briand pense à une loi franche, loyale, honnête, qui ne soit pas « un pistolet braqué contre l’Église » et qui inaugure une « ère de paix entre les Français ». La loi Briand (9 déc. 1905) proclame les libertés de conscience et de cultes, mais elle ne reconnaît à l’Église que la gestion des édifices religieux.

Dans le même temps, Briand ambitionne une place au gouvernement. La « résolution » du congrès international d’Amsterdam (1904) interdit aux députés socialistes toute participation à un ministère bourgeois. Déçu, avide de liberté, Briand quitte le parti socialiste unifié (S. F. I. O.) de Jaurès, rejoint les socialistes indépendants (Millerand, Viviani) et accepte le portefeuille de l’Instruction publique et des Cultes dans le ministère radical Sarrien (14 mars 1906) ; c’est le premier des vingt-cinq portefeuilles ministériels de sa carrière.

Désormais, pendant un quart de siècle, sa silhouette va hanter les couloirs du Palais-Bourbon. Voûté, le pas traînant, l’air distrait, les paupières à demi fermées, les moustaches tombantes, le vêtement peu soigné, la cravate lâche, une éternelle cigarette à la bouche, il a l’art de passer instantanément d’un calme un peu félin à un enthousiasme énergique. À la tribune, ses improvisations, servies par une voix chaude et envoûtante, charment l’auditoire. Ayant conservé son portefeuille dans le premier cabinet Clemenceau (1906-1909), il l’échange, en 1908, contre celui de la Justice, auquel les Cultes sont attachés.