Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bretagne (suite)

La vie économique

Marchands et armateurs s’enrichissent au xvie s. ; les campagnes participent à la prospérité, puis périclitent à cause de leurs méthodes de culture, qui restent à peu près celles du Moyen Âge. En revanche, à la fin de l’Ancien Régime, l’industrie de la toile connaît un bel essor, de même que les faïenceries de Quimper*, Nantes* et Rennes*, les forges et l’armement pour la pêche. Néanmoins, dans son ensemble, la Bretagne passe par une crise économique qui sera aggravée sous la Révolution et l’Empire.


La Révolution

C’est à Rennes, tout bien considéré, que commence la Révolution française. La guerre d’Amérique a obéré les finances, et le gouvernement doit recourir à de nouvelles taxes et à des emprunts. Pour venir à bout des parlements qui élèvent des remontrances, le garde des Sceaux, Chrétien-François II de Lamoignon, leur enlève en mai 1788 le droit d’enregistrement et de remontrance. La Bretagne y voit une atteinte au contrat de 1532, et l’agitation renaît, se propage, et, à Rennes, devient émeute. Finalement, l’édit est retiré.

En 1789, Louis XVI convoque les états généraux. Noblesse et haut clergé bretons s’abstiennent de désigner leurs députés sous prétexte que ce choix revient aux états. Seuls partent pour Versailles les représentants du tiers. Ce sont eux, dans la nuit du 4 août 1789, qui accueillent d’enthousiasme la motion sur le rachat des droits féodaux proposée par Le Guen de Kerangal, député de Lesneven, et qui, outrepassant leurs droits, déclarent au nom de la Bretagne renoncer à ses libertés et franchises reconnues et garanties par le contrat d’Union de 1532.

La persécution religieuse, la levée en masse décrétée par la Convention en 1793 donnent le signal de la révolte qui, sous la Terreur, instaurée en juin, prendra le nom de chouannerie (v. Chouans). Puis la Bretagne subit, comme les autres provinces françaises, l’emprise de la centralisation administrative.


L’époque contemporaine

Les régimes se succèdent. La Bretagne soigne ses plaies, essaie de vivre et connaît une certaine prospérité sous le second Empire tout en restant une région essentiellement rurale saignée par l’émigration. Sur le plan politique, les départements bretons restent presque totalement dans la ligne conservatrice. Après la capitulation de Sedan (1er sept. 1870), les Bretons se distinguent dans la lutte qui se poursuit contre les armées allemandes : volontaires de Charette à Patay, division de Gougeard à la bataille du Mans. Pourtant, Gambetta affecte de suspecter leur loyalisme et abandonne les mobilisés sous les ordres du général de Kératry dans le camp de Conlie, où ils connaissent la plus atroce misère. Cette attitude du gouvernement républicain n’est pas oubliée aux élections de 1871 : la Bretagne élit cinquante députés de droite sur soixante. Au cours de la IIIe République, les luttes religieuses et scolaires faussent constamment le jeu électoral. De nouveau éclate en 1914 une guerre franco-allemande à laquelle les Bretons payent un très lourd tribut : 240 000 morts sur 1 385 000 pour l’armée française, y compris les troupes de couleur, soit un mobilisé sur quatre, le double de l’ensemble des Français. Durant la Seconde Guerre mondiale, la Résistance bretonne lutte contre les Allemands, qui avaient fait de la Bretagne le pivot de leur guerre maritime contre les Anglo-Saxons.

Tant de sacrifices donnaient l’espérance aux Bretons de voir reconnus par la France leur particularisme, le droit d’enseigner simultanément dans leurs écoles leur langue maternelle et leur propre histoire. En dépit d’instantes demandes, de pétitions, de démarches, les gouvernements successifs s’y opposèrent, soulevant la rancœur et faisant parfois germer l’idée de séparatisme chez quelques nationalistes qui ne voient de solution politique que dans une indépendance complète à l’égard de la France.

M. M.


L’art en Bretagne

• Aucun pays n’est aussi riche en mégalithes : les menhirs du golfe du Morbihan se comptent par milliers. Certains, de dimensions considérables, laissent supposer une organisation sociale déjà avancée, un millénaire avant notre ère. Les alignements de Carnac, érigés en fonction des solstices, ont un sens sacré et cosmogonique. À ce même lointain passé du Néolithique et à l’âge du bronze, commandé par le commerce de l’étain, appartiennent les nombreux tumuli funéraires et « allées couvertes » (Table des marchands à Locmariaquer ; île de Gavr’inis) ; ces pierres levées, les Romains les adopteront parfois en y associant Mercure à l’Hercule gaulois. Mais les monuments romains, moins amples et moins soignés que dans le reste de la Gaule, n’ont laissé ici que des vestiges insignifiants (temple de Fanum Martis à Corseul ; petite salle de thermes à Langon, dédiée à Vénus).

• Rien de l’époque mérovingienne et carolingienne n’a survécu aux invasions normandes. Tout change après l’an 1000, grâce à l’action des monastères. Les édifices romans les plus intéressants sont en Bretagne du Sud. À l’abbatiale bénédictine de Saint-Gildas-de-Rhuys (1032-1118), l’éclairage direct de la nef lambrissée et le plan à déambulatoire et chapelles rayonnantes sont importés des bords de Loire. L’église collégiale de Loctudy, sans transept, est la mieux conservée et la plus séduisante avec celle de Fouesnant (début du xiie s.) et celle de Daoulas (1167), complétée par le cloître des Augustins. La façade de Saint-Sauveur de Dinan (Côtes-du-Nord) s’inspire du type poitevin, comme en Cornouaille la nef de Pont-Croix et les ruines de Languidou (v. 1170). Deux édifices sont exceptionnels par leur plan centré imitant la rotonde du Saint-Sépulcre de Jérusalem : Sainte-Croix de Quimperlé, le plus important, construit à partir de 1029 et restauré au xixe s. ; le curieux et archaïque « temple » ruiné de Lanleff (Côtes-du-Nord), aux douze arcades concentriques, du début du xiie s.

• Le style gothique semble pénétrer assez tard, dans le sud par la vallée de la Loire, dans le nord par la Normandie. Encore faut-il distinguer structure et décor des églises. La croisée d’ogives est ici longtemps peu appréciée : les voûtes lambrissées de bois demeurent la règle pendant plusieurs siècles, sauf sur les cathédrales et les grandes chapelles. C’est surtout dans le décor flamboyant que les formes gothiques s’imposeront : remplages de fenêtres aux dessins compliqués, porches extérieurs profonds pour les assemblées de paroisse, gables et archivoltes sculptés, jubés de pierre ou chefs-d’œuvre ciselés d’ébénisterie polychrome, clochers aux élégantes flèches octogones à la normande, comme le Kreisker à Saint-Pol-de-Léon.