Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bretagne (suite)

En 1213, la dynastie bretonne tombe en quenouille avec Alix de Bretagne, héritière du duché et épouse de Pierre de Dreux, plus connu sous le nom de Pierre Ier Mauclerc (1213-1237), arrière-petit-fils de Louis VI le Gros. Le Capétien s’attire l’hostilité de la noblesse, du clergé et de la monarchie française. À la majorité de son fils, Jean le Roux, en 1237, il lui abandonne le pouvoir.

La mort sans postérité du duc Jean III (30 avr. 1341) déclenche la guerre de la Succession de Bretagne (v. Cent Ans [guerre de]) entre son demi-frère Jean, comte de Montfort, et Charles de Blois-Châtillon, l’époux de sa nièce Jeanne de Penthièvre. La bataille d’Auray (29 sept. 1364), où Charles de Blois trouve la mort, termine la lutte ; le fils de Jean de Montfort est reconnu duc de Bretagne sous le nom de Jean IV par le traité de Guérande (12 avr. 1365).

Jean V, duc de 1399 au 28 août 1442, marque profondément l’histoire de la Bretagne en la première moitié du xve s. Sous son règne paisible fleurissent les arts, le commerce, l’industrie, au plus fort des calamités qui désolent la France pendant la guerre de Cent Ans. C’est l’âge d’or du gothique breton (églises, statues, calvaires, vitraux). La conduite politique de Jean V est dominée par la volonté formelle de soutenir la France, dans la mesure toutefois et par des moyens qui n’eussent pas pour conséquence de déchaîner la guerre en Bretagne et de priver ses sujets de l’inappréciable bienfait de la paix.

Dans la seconde moitié du siècle, les prétentions de Louis XI et sa perfidie rompent la bonne entente avec la France. Une série de guerres, suspendues par des traités aussitôt violés par le roi, ternissent le règne de ce monarque, dont la fille, Anne de Beaujeu, poursuit la même politique durant la minorité de Charles VIII : en 1487, elle fait envahir le duché. L’armée bretonne est battue à Saint-Aubin-du-Cormier, le 28 juillet 1488 ; François II, dernier duc de Bretagne (1458-1488), doit signer, le 20 août, le traité du Verger. C’est le glas du duché.


Les institutions

• Au ixe s., les comtes, placés à la tête des grandes circonscriptions qui partagent la Bretagne, et les machtierns composent une aristocratie puissante. Viennent ensuite les hommes libres, puis les colons qui cultivent, sous la condition d’une redevance annuelle, une terre qu’ils ne peuvent quitter mais qu’on ne peut leur ravir ; enfin des serfs en petit nombre.

Les seigneurs présents à la cour ducale sont désignés sous le nom de barons du duc ; il existe des barons mais non pas de baronnies. Peu à peu, de l’homme le titre passera à la terre. En 1185, la célèbre ordonnance connue sous le nom d’Assise du comte Geoffroy interdit le démembrement des baronnies et des fiefs de chevaliers, prescrit de fournir désormais aux puînés leur partage en biens meubles ou en terre à viage, et institue le droit d’aînesse, inconnu des lois bretonnes primitives. Après les invasions normandes, les Bretons s’inspireront des institutions de la féodalité française, mais ils atténueront beaucoup, dans la pratique, le droit d’aînesse.

Aux premiers temps, la cour du duc réunit évêques, abbés, comtes, seigneurs, grands et petits vassaux, constituant à la fois une assemblée politique et une cour de justice sous le nom de parlement général du duché. Le tiers état y apparaît en 1315, et le parlement parvient à un rôle si important, judiciaire et politique, à partir de Jean IV (1365-1399), que le gouvernement de la Bretagne est, en fait, une monarchie représentative. En 1485, François II fait de la section judiciaire un organisme indépendant, auquel on réserve le nom de parlement afin de la différencier des états, assemblées provinciales qui se réunissent chaque année et dans lesquelles siègent des représentants du clergé et de la noblesse ainsi que les députés des bonnes villes (au nombre de 25) pour voter le budget, signaler les abus, se prononcer sur les graves questions politiques intéressant la nation bretonne. Le duc de Bretagne est devenu un souverain véritable, assisté des institutions nécessaires.


L’organisation militaire

• Elle repose sur le principe féodal, auquel se réfère le Livre des Osts, rédigé en 1294 sous le règne de Jean II et dans lequel sont mentionnés les devoirs et services militaires dus au duc de Bretagne par ses principaux feudataires répartis dans les huit baillies qui partagent toute la Bretagne. Ces obligations militaires ne pèsent point exclusivement sur les nobles, mais aussi, sous certaines réserves, sur les roturiers et sur les seigneurs ecclésiastiques. La nécessité d’accroître la défense oblige, au xve s., à compléter cette milice féodale par des troupes soldées qui préfigurent l’armée véritable. En 1425, Jean V crée la milice des francs-archers. François II complète en 1480 cette organisation, devenue insuffisante, par les « bons corps », composés de tous les hommes « les plus forts et propres à porter les armes pour la défense du pays ». L’architecture militaire n’est pas négligée. Les forteresses s’édifient ou se renforcent partout.


La vie économique

• Au xve s. sont signés de nombreux traités de commerce avec la Hanse teutonique, la Hollande, l’Angleterre, l’Espagne, etc. La marine marchande est en pleine prospérité ; les foires se multiplient ; l’industrie de la toile connaît une renommée bien établie, comme celle des draps de Rennes et des canevas de Vitré. Les marais salants contribuent à la richesse du pays, à laquelle les potiers de terre et d’étain apportent leur part.

Deux grands saints

Deux grands saints illuminent la vie spirituelle de la Bretagne : saint Yves et saint Vincent Ferrier. Yves Hélori de Kermartin (1253-1303) étudie d’abord aux universités de Paris et d’Orléans avant d’exercer les fonctions d’official de Tréguier ; il est nommé ensuite recteur de Trédrez, puis de Louannec. Son esprit de justice, sa sainteté lui attirent une vénération générale. Les prodiges opérés sur son tombeau en la cathédrale de Tréguier le font canoniser et choisir comme patron de la Bretagne après sainte Anne.

Appelé par Jean V en 1418, Vincent Ferrier (en esp. Vicente Ferrer [v. 1355-1419]), dominicain, vint prêcher une mission. Sa parole ardente remue les foules, sa sainteté accomplit des miracles, les conversions se comptent par milliers. Quoique sa mission ne durât qu’un an, elle eut une influence profonde à un moment où la moralité subissait un net fléchissement.