Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bretagne (suite)

Un réservoir de main-d’œuvre en voie d’épuisement

C’est au début du siècle que s’amorce en Bretagne le déplacement des populations. Tandis que le nord se dépeuple, l’activité des ports de pêche, la vitalité des campagnes du sud entraînent un accroissement démographique de la région atlantique. Cette redistribution interne de la population ne cessera de s’accentuer au cours du xxe s., en fonction des implantations industrielles. Un sous-équipement industriel, une natalité autrefois très élevée ont fait traditionnellement de la Bretagne un réservoir de main-d’œuvre. La Bretagne est depuis longtemps une terre d’émigration : près d’un million de jeunes ont quitté la région depuis un siècle. L’excédent des naissances sur les décès pour la période 1954-1962 était de 5,3 p. 100, pourtant l’accroissement réel n’était que de 1,5 p. 100, alors que la population française augmentait de 8,2 p. 100 ; 92 p. 100 des communes ont un accroissement naturel positif mais un solde migratoire négatif. La Bretagne a connu, pendant cette période, la plus forte émigration française (202 000) et le plus fort solde migratoire déficitaire (93 000). Les caractéristiques démographiques les plus constantes sont une légère surmortalité, une natalité en voie de rejoindre la moyenne nationale, un solde migratoire négatif, entraînant un vieillissement de la population du fait de l’émigration sélective des jeunes. On a enregistré plus de deuils que de naissances dans 110 communes.

Certaines communes, peu nombreuses (grandes villes et communes suburbaines), progressent en alliant immigration et accroissement naturel ou bien émigration faible et accroissement naturel fort. Ces villes constituent des foyers dynamiques de peuplement. Quelques autres, à l’intérieur de la Bretagne et sur la façade littorale, enregistrent un déclin naturel élevé dû à un vieillissement rapide, conséquence d’un exode rural accéléré (centre) ou du retour des personnes âgées (littoral). De 1954 à 1962, la Bretagne a perdu environ 100 000 personnes de moins de 35 ans et gagné 5 000 retraités.

Le recensement de 1968 a confirmé la tendance à la diminution du poids démographique de la Bretagne dans l’ensemble français. Son taux de croissance (1962-1968) a été de 2,98 p. 100, ce qui la place au 19e rang des 21 régions. Cette croissance reste très inférieure à celle de la France (7 p. 100) ; toutefois l’écart entre croissance régionale et croissance nationale a diminué par rapport à la période précédente. Le taux de fécondité des femmes et le nombre d’enfants par famille y est encore plus élevé que partout ailleurs. Le taux brut de mortalité reste supérieur en raison d’une surmortalité attribuée à l’alcoolisme et à certaines conditions socio-économiques. Les migrations des jeunes contribuent à déséquilibrer la pyramide des âges, entraînant une proportion de personnes âgées supérieure à la moyenne française. Le vieillissement constaté en 1962 s’est donc accentué. Pendant cette période, une personne sur cinq a changé de commune en raison d’une accélération de l’urbanisation. La moyenne annuelle d’émigration n’a pas diminué : 25 946 en 1962-1968 (dont 46,2 p. 100 de personnes actives) contre 25 287 en 1954-1962.

La région parisienne absorbe plus de 40 p. 100 des émigrants, les pays de la Loire, 16 p. 100. Par contre, on a enregistré une forte immigration (22 000 personnes par an dont 34,7 p. 100 de personnes actives) due en partie à l’arrivée de personnes de plus de 35 ans accompagnées d’enfants. C’est l’un des points qui ont permis une certaine amélioration entre 1954-1962 et 1962-1968. La vitalité naturelle n’est plus la caractéristique essentielle de la population bretonne. Les premiers résultats du recensement de 1975 renforcent l’évolution amorcée après 1960. La population bretonne s’est pratiquement accrue au même rythme (ralenti, il est vrai) que l’ensemble de la population française, progressant de plus de 5 p. 100 entre 1968 et 1975.


Retard des infrastructures et position excentrée

L’absence de sources d’énergie n’est pas aujourd’hui un véritable handicap. Sous-équipée, la Bretagne importe 70 p. 100 de l’énergie dont elle a besoin : la totalité de son charbon, une grande partie de son gaz (Lacq), dont la consommation a augmenté de 40 p. 100 entre 1961 et 1964. L’accroissement de la consommation des produits pétroliers est très sensible (raffinerie de Vern-sur-Seiche près de Rennes, une cinquantaine de dépôts de stockage). Une seule usine d’uranium est actuellement exploitée (50 t de métal par an). Plus de 45 p. 100 de l’électricité sont importés. Les centrales thermiques et hydrauliques (Guerlédan sur le Blavet) ont une importance moindre en raison de l’interconnexion. Quant aux deux réalisations spectaculaires, la centrale nucléaire de Brennilis dans les monts d’Arrée et l’usine marémotrice de la Rance, elles ont une valeur surtout expérimentale.

Le fait d’être importateur d’énergie n’est pas nécessairement un facteur paralysant. Plus graves sont les problèmes que causent l’infrastructure et la position excentrée de la Bretagne.

L’éloignement de la capitale et des marchés européens, la précarité des communications à l’intérieur de la péninsule sont de lourds obstacles au développement économique. Les réseaux ferroviaires et routiers sont de plus en plus inadaptés. La fermeture de certains tronçons, bien loin de résoudre le problème, contribuera à rendre plus malaisées les communications, surtout vers la capitale. L’électrification de la voie ferrée Paris-Rennes (3 heures) permet cependant de fréquentes relations. Les ports maritimes, insuffisamment équipés (sauf Brest et Lorient), risquent de ne pouvoir bénéficier de l’intensification des échanges économiques possibles dans un proche avenir, avec les îles Britanniques notamment. Actuellement, le déséquilibre des échanges commerciaux avec l’extérieur (en partie dû à la nature des produits échangés : houille, hydrocarbures, bois, vins contre primeurs, viande, produits laitiers) et la faiblesse du commerce maritime expliquent que le commerce extérieur ne représente que 1 p. 100 du chiffre national.

Enfin, le développement de liaisons aériennes régulières est aussi indispensable que celui des télécommunications pour réduire l’éloignement dont souffre la Bretagne, tant pour l’industrie que pour le tourisme.