Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Brésil (suite)

La population est ethniquement très complexe ; de nombreux métissages se sont produits au cours des siècles : le fonds indien primitif n’existe plus actuellement qu’à l’état de petits groupes, peu nombreux et vivant dans les régions les moins pénétrées par les Blancs, le Plateau central et l’Amazonie. Mais, dès le début de l’époque coloniale, il y a eu de nombreux métissages entre Portugais et Indiens, ainsi que des métissages avec les Noirs importés d’Afrique au cours des trois siècles accomplis sous le signe de l’esclavage. Actuellement, il y a donc au Brésil une petite minorité d’Indiens, un groupe noir encore assez important et surtout une grande masse de métis très divers. Il faut ajouter qu’au sein même du groupe blanc les origines nationales sont extrêmement variées et qu’en dehors du fonds d’origine portugaise l’immigration de la fin du xixe s. a donné lieu à l’installation d’un groupe italien, d’un groupe allemand, d’un groupe espagnol, etc. Cette diversité ethnique ne pose cependant pas de graves problèmes, car il n’y a ni ségrégation raciale officielle ni difficulté d’assimilation pour la plupart des immigrants, quelle que soit leur nationalité.

Par contre, l’analphabétisme, lié à la faiblesse des niveaux de vie, constitue un problème encore très sérieux : bien qu’en recul, puisqu’il concernait 62 p. 100 de la population en 1940 et n’en touchait que 46 p. 100 en 1960, il pèse très lourdement dans l’économie actuelle ; celle-ci se caractérise par la faiblesse du revenu moyen par habitant, qui ne dépasse pas 400 dollars par an. Or ce chiffre recouvre les revenus de deux catégories sociales très différentes, une minorité très riche et la masse très pauvre. Dans ces conditions, il exprime l’extrême insuffisance des revenus de cette catégorie, dont une partie, composée de la population d’ouvriers agricoles et de paysans, ne dispose en fait d’aucun revenu monétaire réel et demeure en marge de l’économie.


La vie économique

Plus de la moitié de la population vit encore de l’agriculture, et derrière l’importance et la variété de cette économie agricole se cache la misère de tous ceux qui, par leur travail, en tirent leurs moyens d’existence. Le secteur industriel, qui n’emploie actuellement que moins du cinquième de la population active, se caractérise par des indices de croissance très spectaculaires, et la production augmente dans tous les domaines. Pourtant à cette industrialisation correspond l’augmentation des bidonvilles urbains qui témoignent du sous-emploi de la population en âge de travailler. Enfin, le secteur tertiaire, malgré les nombreux emplois qu’il procure, est entaché soit par le parasitisme d’une administration pléthorique, soit par les petits métiers qui, rangés dans ce secteur, constituent en fait des activités marginales.


Faiblesse de l’économie agricole

Le mot Brésil fait immédiatement surgir l’image des plantations de café et des fortunes facilement réalisées grâce à cette culture. En fait, l’économie agricole repose non seulement sur une tradition de monoculture spéculative dont le café n’est qu’un aspect, mais aussi sur une tradition de polyculture de subsistance pauvre pour la consommation des ouvriers agricoles et des paysans, et sur une tradition d’élevage extensif.


Une tradition de monoculture spéculative

Les grands domaines qui couvrent une large partie de l’espace agricole résultent des premières formes de mise en valeur de cet espace, aux temps de la colonisation portugaise. Leur exploitation constitue, pour leurs propriétaires, non pas un emploi, mais une source de revenus. En effet, les grands propriétaires sont des citadins qui vivent soit totalement, soit partiellement, de la rente foncière et qui, dans le second cas, exercent un métier urbain, souvent dans le cadre des professions libérales. Certes, depuis leurs origines coloniales, ces grands domaines ont fait l’objet de partages, mais la taille moyenne des propriétés reste fixée aux alentours de 1 000 à 2 000 ha, bien que certaines, surtout dans l’intérieur, soient infiniment plus grandes, dépassant 20 000, même, très exceptionnellement, 100 000 ha.

Leur mise en valeur s’effectue sous le signe de la spéculation, le grand propriétaire considérant son domaine comme une source de revenus ne nécessitant pas d’investissements. Aussi repose-t-elle la plupart du temps, et cela depuis les origines coloniales, sur le choix d’une seule culture spéculative, fondée sur le marché international. Cette monoculture est pratiquée de façon extensive, sans amélioration des terres. Après incendie de la végétation naturelle, la culture se fait sur une partie de la propriété, jusqu’à épuisement des sols. À ce terme, la plantation est transférée sur une autre partie de la propriété, pour permettre au sol usé de se restaurer. Il s’agit donc d’une rotation très primitive des terres, pratiquée encore dans de très nombreuses exploitations, malgré les améliorations apparues récemment dans certaines grandes propriétés. La mise en valeur des grands domaines repose également sur l’utilisation d’une main-d’œuvre nombreuse et très bon marché, ce qui évite au propriétaire l’achat de machines et d’outils perfectionnés. Recrutée depuis l’origine de la colonie jusqu’à la fin du xixe s. parmi les esclaves, cette main-d’œuvre est maintenant composée d’ouvriers agricoles. Certains reçoivent pour salaire l’attribution, sans aucun droit de propriété, d’un lopin de terre sur lequel ils peuvent installer la cabane où ils vivent avec leur famille, pratiquer une petite agriculture de subsistance pour la production de haricots, manioc, maïs et planter quelques arbres fruitiers. Dans d’autres cas, la rémunération est assurée sous forme d’un salaire en espèces ; mais étant donné l’intensité de la demande d’emploi par rapport aux besoins, les ouvriers agricoles doivent accepter des salaires très bas.

C’est la culture de la canne à sucre qui a été à l’origine de l’installation des grands propriétaires brésiliens dans les plaines littorales du Nordeste. Maintenant, cette culture se retrouve non seulement dans cette région, mais aussi autour de Rio de Janeiro et surtout de São Paulo. Autrefois, elle se pratiquait dans des fermes de quelques milliers d’hectares, chacune possédant un moulin permettant le broyage des cannes et une installation destinée à la transformation de la production en sucre ou en eau-de-vie. Actuellement, le processus de transformation de la canne s’est modifié, modernisé et ce sont de véritables usines qui regroupent la récolte de canne à sucre de toute une région pour son traitement industriel et la fabrication de sucre ou d’alcool. Ainsi les grands propriétaires ne sont-ils plus maintenant producteurs de sucre, mais fournisseurs de canne. D’autre part, profitant des crises de surproduction qui ont touché la canne à sucre à différentes reprises, les grandes usines ont racheté un certain nombre de fermes en difficulté, et elles produisent de la canne sur de très grands espaces, sans changements notables dans les méthodes de culture par rapport aux formes traditionnelles.