Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Brésil (suite)

Le régime impérial

L’empereur étant le détenteur absolu du pouvoir, l’unique moyen pour les forces économiques d’obtenir le remplacement de l’ancien système commercial est de le contrôler. C’est ce que veut faire la Constituante de 1823, dominée par les propriétaires terriens ; elle tente de diminuer le pouvoir impérial au nom du « libéralisme créole » mais elle est dissoute ; la lutte engagée entre les partisans de relations privilégiées avec l’Angleterre (c’est reconnaître un état de fait ; le faible Portugal a dû céder aux appétits anglais) et leurs ennemis se termine par la défaite de ces derniers et l’abdication de Pierre Ier (1831), auquel succède Pierre II. Les luttes politiques se poursuivent dans les régions dont l’économie est en crise à cause des difficultés de vente de leur production. Aucun de ces mouvements autonomistes ne se produit dans la région centre-sud, où l’économie est en pleine expansion.


La croissance économique

L’ordre permet à la population de passer de 5,3 millions en 1830 à 10 millions en 1872 ; la paix, l’excédent des naissances et l’importation de Noirs (1,3 million de 1819 à 1852) expliquent cette crue démographique, augmentée par l’immigration blanche, qui commence à partir de 1850.

Au cycle de l’or succède le cycle du café, qui débute entre 1800 et 1850 ; en 1869, le Brésil produit déjà la moitié du café du monde, et son histoire se confond avec celle de l’État de São Paulo ; les chemins de fer surgissent à cette époque pour relier l’intérieur à la mer et conduire le café jusque dans les ports ; en même temps se développe la navigation fluviale et côtière, tandis que l’Amazone est ouverte au commerce de toutes les nations (1866).


La guerre au Paraguay

La période 1865-1870 voit le Brésil à la tête de la triple alliance (Brésil, Argentine, Uruguay) dirigée contre le Paraguay, petit pays, doté de la meilleure armée du continent et capable de résister héroïquement jusqu’à l’anéantissement presque total, puisqu’il perdra les quatre cinquièmes de sa population. La guerre vaut au Brésil un meilleur tracé de sa frontière sud, ce qui met fin à l’isolement du Rio Grande do Sul (dont le sécessionnisme a été écrasé entre 1835 et 1845).


L’abolition de l’esclavage

On est tenté d’établir un parallélisme entre le Brésil et les États-Unis, même si l’abolition s’y est faite en plusieurs étapes et n’a pas nécessité une guerre civile. La monarchie qui l’a accomplie est morte d’avoir ainsi mécontenté les notables. En 1820, il y a plus de Noirs que de Blancs, et, de 1819 à 1852, 1,3 million d’esclaves arrivent d’Afrique ; en 1835, il y a 50 p. 100 de Noirs, 18 p. 100 de mulâtres, contre 24 p. 100 de Blancs. En 1872, les mulâtres sont deux fois plus nombreux que les Noirs. Le Brésil est donc un pays où l’élément noir est fondamental, où le métissage est en cours.

L’esclavage est l’un des grands problèmes du xixe s. Problème extérieur, puisqu’il heurte les intérêts sucriers des Antilles anglaises : d’où l’acharnement de l’Angleterre à mettre fin à la traite ; celle-ci se ralentit à partir de la crise mondiale de 1848 et avec l’arrivée des immigrants italiens. Problème intérieur, l’esclavage est un obstacle réel au développement économique du Brésil, et son déclin s’accompagne de l’essor de l’immigration européenne.

L’esclavage est aboli en 1888 grâce à l’action personnelle de l’empereur, prince-philosophe ; en fait, il a reçu un coup mortel dès 1871 avec la loi du « ventre libre », qui a affirmé la liberté des enfants d’esclaves.

Un an après l’abolition, le vieil empereur s’embarque pour l’Europe, renversé par une étrange coalition, où l’on trouve l’Église catholique inquiète de la teinte saint-simonienne de ce monarque franc-maçon, l’aristocratie foncière du Nord mécontente de la fin du système esclavagiste, et enfin les militaires.


La république des « coronels »

La république est née à droite, d’un coup d’État militaire contre un empire progressiste.

La façade est celle d’un État fédéral et présidentiel, sur le modèle américain, avec une chambre des représentants et un sénat, des gouverneurs élus à la tête des États. Mais la réalité appartient aux oligarchies qui tiennent la terre et les hommes, aux « coronels » (qui tirent leur surnom des grades de la garde nationale), variété brésilienne du « cacique » latino-américain.

Dans les premières années de la république, les vrais libéraux, qui ont participé à la chute de l’empire, essaient de faire triompher leur politique pour briser les groupes oligarchiques et engager le pays dans la voie d’un développement autonome. Mais le premier président, le général Manuel Diodoro da Fonseca (1827-1892), est obligé de démissionner l’année même de son élection (1891) et son successeur (1891-1894), le maréchal Floriano Peixoto (1842-1895), ne peut réussir face aux immenses difficultés intérieures (guerre de Sécession du Rio Grande do Sul [1892-1895], soulèvement du sertão dans le Nordeste) et extérieures (l’Angleterre menace le Brésil de l’envoi de sa flotte de guerre).

On veut mettre fin au système de dépendance qui fait du Brésil un vendeur de produits agricoles et un acheteur de produits industriels, un des plus beaux domaines de l’« Empire invisible » britannique ; c’est aller contre des intérêts puissants, alors que l’importance de la dette extérieure rend le pays vulnérable aux pressions étrangères.

Les conditions sont donc réunies pour permettre aux grands propriétaires terriens de s’entendre : ils reprennent le pouvoir avec le gouvernement (1898-1902) de Manuel Ferraz de Campos Sales. La vieille politique commerciale est restaurée, tandis que la situation économique des Noirs affranchis ne s’améliore pas plus que celle des agriculteurs pauvres qui se trouvent soumis à un régime d’exploitation inchangé. Comme l’industrie est encore très faible, la richesse du pays demeure entre les mains des grands propriétaires et des grands commerçants dont les activités sont soutenues par un pouvoir central qu’ils contrôlent ; l’Angleterre conserve sa position de puissance dominatrice, même si elle perd le monopole absolu exercé au xixe s. ; en effet, la France, l’Allemagne, les États-Unis apparaissent sur le marché brésilien à la fin du siècle.