Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Brahe (Tycho) (suite)

C’est dans cette île de Hveen que Brahe fait édifier le magnifique château d’Uraniborg (« palais d’Uranie ») dans les dépendances duquel se trouvent une imprimerie, une fabrique de papier, etc., et aussi l’observatoire Stelborg (« palais des étoiles »). Il est alors entouré d’étudiants, de savants, de princes même, et, pendant vingt ans, il exécute des observations d’une précision inouïe pour l’époque, déterminant les positions des neuf étoiles principales de sa carte céleste avec une erreur de moins d’une minute, estimant la longueur de l’année tropique avec une erreur de 2″, etc. Pourtant, son indépendance religieuse, son dédain pour les seigneurs, ses dépenses considérables le mettent en butte à toutes sortes de calomnies. À la mort de Frédéric II, en 1588, Christian IV, qui lui succède, reprend à Brahe les différents fiefs qui lui avaient été donnés. En 1597, la pension dont il avait été doté lui est retirée. Il quitte alors Uraniborg pour Copenhague, puis pour Rostock et pour Wandsbek où il fait paraître en 1598 son Astronomiae instauratae mechanica. En 1599, Rodolphe II lui offre un asile à Prague où il commence ses Tabulae Rudolphinae, destinées à remplacer les tables astronomiques existantes, lorsque la mort le surprend le 22 octobre 1601.

Le premier, il tint compte de la réfraction pour laquelle il construisit une table de correction. Il rédigea un catalogue de 777 étoiles. Cependant, son véritable titre de gloire est, par ses observations extraordinairement précises du mouvement de la planète Mars, d’avoir permis à Kepler*, son élève préféré, d’énoncer ses fameuses lois sur le mouvement des planètes.

J. D.

Brahms (Johannes)

Compositeur allemand (Hambourg 1833 - Vienne 1897).


Brahms présente le cas, assez rare dans la musique germanique, de l’artiste de synthèse. Échappant, par sa génération, à la période d’émancipation et de recherches des romantiques de la génération de Schumann, non engagé, comme Bruckner, Mahler ou Hugo Wolf, dans les prolongements du romantisme et les perspectives d’avenir, il est le type de l’artiste statique qui, au centre du xixe s., trouve un équilibre entre l’esprit architectonique du classicisme et la fièvre expressive du romantisme.


La vie

Né dans une famille de condition modeste, Brahms est initié très tôt à la musique par son père, contrebassiste. Dès sa jeunesse, il joue du piano dans les tavernes, après avoir travaillé l’instrument avec Otto Cossel et Eduard Marxsen. En 1853, il devient accompagnateur du violoniste hongrois Ede Reményi (1828-1898), avec lequel il effectue des tournées de concerts en Allemagne du Nord. La même année, il fait la connaissance de Joseph Joachim (1831-1907), de Liszt et surtout de Schumann, dont il provoque l’enthousiasme. Après avoir été adopté par le cénacle avant-gardiste de Weimar, il l’est par celui, conservateur, de Leipzig. Il est bientôt nommé directeur des concerts de la cour et de la société chorale du prince de Lippe-Detmold. En 1859, il revient se fixer à Hambourg comme directeur du Chœur féminin. En 1862, il s’installe à Vienne, qui sera dès lors sa résidence définitive et où il sera nommé chef de la Singakademie. En 1872, il devient chef de la Gesellschaft der Musikfreunde. Il est alors une célébrité internationale, encore que ses œuvres soient âprement discutées à Vienne même. Une assez sotte cabale de ses amis et de ceux de Wagner dressera pendant un temps les deux hommes l’un contre l’autre. La fin de sa vie se partagera entre Vienne et quelques voyages en Suisse, dans le Salzkammergut, et dans la Forêt-Noire, où il s’isole pour composer à l’époque des vacances.


L’esthétique et le style

L’esthétique et le style de Brahms tiennent à des facteurs qui doivent très peu à une formation d’école et qui sont beaucoup plus le fruit de l’instinct, du hasard, ainsi que des origines ethniques du compositeur. Vouloir réduire l’art de Brahms à un académisme ou à un néo-classicisme est une erreur.

Brahms est essentiellement un bas Allemand, un Allemand du Nord. Les aspects viennois ou hongrois que l’on pourra rencontrer dans sa musique de maturité ne sont qu’accidents de surface. Le génie de Brahms est, avant tout, celui d’un Nordique. Et c’est à ce titre qu’il a son profil classique et son profil romantique, dualité qui lui permettra de trouver une solution de circonstance au milieu du xixe s. et d’échapper au dessèchement du néoclassicisme comme à l’hypertrophie du post-romantisme. Nordique donc, villageois conservateur et luthérien strict, il a le goût de l’ordre et de la rigueur de la forme. Mais il y a chez Brahms une exaltation intérieure qui fait contraste, exaltation encore développée par une formation littéraire autodidacte acquise dès l’enfance par la lecture des œuvres de Theodor Storm, E. T. A. Hoffmann, Tieck, Jean-Paul, Eichendorff, ainsi que les sagas Scandinaves et autres légendes nordiques que lui avaient fait connaître les Stimmen der Völker in Liedern de Herder. Tout cela crée chez le jeune Brahms un climat de rêve tendre et fantastique qui planera sur toute son œuvre. En fait, Brahms a ainsi puisé aux sources les plus authentiques du classicisme et du romantisme, sans, toutefois, jamais se référer aux formes baroques du premier ni aux manifestations volontiers pathologiques du second. L’esthétique de Brahms se refuse à tout système, à toute attitude de pensée musicale (raison pour laquelle il n’appartiendra jamais vraiment ni au cénacle de Weimar ni à celui de Leipzig), et, en dehors de la syntaxe et de la forme, il n’y a chez lui rien de volontaire.

Par contre, le style s’analyse avec une certaine facilité. Brahms, en effet, n’emprunte que des schémas classiques qu’il traite avec respect, non avec timidité. S’il s’agit de sonate, de symphonie ou de concerto, il exploite avec rigueur l’architecture traditionnelle. Mais il en magnifie les proportions et enrichit le matériel thématique comme le matériel rythmique. L’allégro de sonate brahmsien comprend souvent jusqu’à trois, quatre, voire sept thèmes différenciés au lieu des deux motifs traditionnels. La variation prend une liberté, une diversité et une ampleur inconnues à l’époque, et de cet esprit de variation il nourrit les développements de ses allégros, la substance de ses mouvements lents et le renouvellement incessant de certains finales en forme de chaconne ou de rondos variés. Le sens du rythme est chez lui particulièrement divers, encore qu’il ne sorte pas des rythmes traditionnels. Les superpositions de pulsations différentes sont fréquentes, qui s’enrichissent mutuellement en s’opposant tout en gardant leur vie rythmique propre et leurs fonctions autonomes. Ce sens du rythme se rattache fréquemment à l’instinct et au souci nationalistes et populaires de Brahms, instinct et souci qui sont, de même, essentiellement romantiques. La mélodie est jaillissante, et s’impose par cette force même. Elle n’est pas toujours d’une grande originalité, mais elle n’est jamais vulgaire ni plate. Et, s’il lui arrive de donner parfois une impression de déjà entendu, c’est en raison de la parenté qu’elle conserve presque constamment avec les chants et danses populaires.