Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bouddhisme (suite)

Le bouddhisme populaire après la période de Kamakura

Après le xive s., le bouddhisme cessa pratiquement de se renouveler au Japon. Les sectes existantes, jōdo-shū, jōdo-shinshū, nichiren-shū, zen-shū, shingon-shū et tendai-shū, pour ne pas parler des sectes mineures ou des innombrables sous-sectes, continuèrent d’évoluer, mais sans esprit novateur. Cependant, l’enseignement diffusé par les sectes bouddhiques avait pénétré profondément dans toutes les couches de la société japonaise, se mêlant (zen-shū et jōdo-shinshū exceptés) aux croyances populaires et au shintō. Avec l’avènement de nouvelles couches de la société à l’époque des shōgun Tokugawa (1603-1867), et avec le nouveau développement de l’influence chinoise, on voit certaines divinités bouddhiques se colorer d’une personnalité nouvelle et apparaître des cultes jusque-là inconnus, les uns empruntés à la tradition chinoise, les autres émergeant du folklore local (ainsi le culte de certaines divinités du Bonheur et de la Fortune). Le bouddhisme japonais tendit à se populariser et à absorber des croyances très diverses, ce qui lui permit, dans un certain sens, de survivre à la stagnation qu’il fut obligé de subir sur le plan intellectuel pendant l’époque d’Edo, les philosophies néo-confucianistes et l’éthique du zen étant alors presque exclusivement à l’honneur. Le bouddhisme se confine alors dans des rôles sociaux (registres de population, œuvres pieuses) et dans une hiérarchisation de ses temples. Cependant, quelques personnalités de premier plan apparaissent, surtout chez les religieux zen, tels que Hakuin (1685-1768), Takuan (1573-1645), Suzuki Shōsan (1579-1655), Ingen (1592-1673 ; importateur de la secte ōbaku). Certains moines zen jouent le rôle de conseillers auprès des shogun...

La restauration de l’ère Meiji en 1868 et la séparation officielle du shintō d’État et du bouddhisme contraignirent ce dernier, jusqu’à un certain point, à se réformer et à prendre ses distances à l’égard des cultes populaires, phénomène qui contribua sans doute, dans une certaine mesure, à favoriser le développement de sectes nouvelles indépendantes plus ou moins syncrétiques que l’on englobe sous le nom de « shinkō-shūkyō » ou « nouvelles religions établies ». Parmi celles-ci, nous citerons le tenri-kyō, ou « religion de la sagesse divine », le konkō-kyō, ou « religion de la lumière d’or » et, comme exemple de groupement religieux moderne s’inspirant du bouddhisme, la sōka gakkai, ou « société pour l’étude des valeurs créatives », dont la doctrine religieuse d’entraide, prétendant être la seule dépositaire de l’orthodoxie nichirénite, se fonde sur les doctrines de Nichiren et sur le texte du sūtra du lotus. Cependant, les sectes orthodoxes connurent (et connaissent encore) un certain regain de popularité. Ces nouvelles religions ont, pour la plupart, emprunté au shintō primitif sa tradition aniconique et n’ont donné naissance à aucune forme originale d’art religieux. Mais l’esprit populaire a gardé vivaces jusqu’à nos jours les cultes de la plupart des divinités du panthéon bouddhique.

L. F.


Le bouddhisme chinois


L’histoire

Introduit en Chine dès le ier s. de notre ère, le bouddhisme joua un rôle capital aussi bien dans la vie que dans la culture chinoises. Et c’est aussi grâce à la Chine que le bouddhisme connut un essor extraordinaire et se répandit dans toute l’Asie.


Du ier  siècle de notre ère jusqu’au milieu du iiie siècle

Cette période correspond à la dynastie des Han postérieurs et à l’époque dite « des Trois Royaumes ». L’expansion de la Chine vers l’Asie centrale sous les Han permit le contact non pas immédiatement avec l’Inde, mais avec les régions situées entre les deux pays, notamment le Turkestan oriental.

Selon la tradition, ce serait sous l’empereur Mingdi (Ming-ti) des Han (58-75 de notre ère) que débuta la pénétration du bouddhisme en Chine. À la suite d’un rêve dans lequel il vit le Bouddha, cet empereur envoya chez les Yuezhi (Yue-tche), vers l’an 65, une mission composée de dix-huit personnes qui devait ramener, trois ans plus tard, deux missionnaires ainsi que le texte du « sūtra en quarante-deux chapitres ». Toujours selon la tradition, l’empereur fit construire à Luoyang (Lo-yang) le premier monastère : le temple du Cheval Blanc.

On sait maintenant que les Chinois avaient eu connaissance de cette religion bien avant ce temps. Tout au début, il s’agissait pour eux d’une religion étrangère qui n’était qu’un objet de curiosité. Si, vers le iie s., grâce à un nombre plus important de textes traduits, principalement ceux du hīnayāna (Petit Véhicule), l’intérêt grandit, on considéra encore cette doctrine comme appartenant aux arts occultes au même titre que les pratiques d’inspiration taoïste.


De la fin du iiie siècle à la fin du vie siècle

C’est la période d’assimilation, durant laquelle les Chinois traduisirent et commentèrent, souvent en collaboration avec les maîtres indiens, les grands textes bouddhiques, non plus seulement ceux du hīnayāna, mais surtout, à partir de 265 environ, ceux du mahāyāna (Grand Véhicule).

Au début de cette période eurent lieu deux événements importants : l’incendie de la capitale Chang’an (Tch’ang-ngan) par les Tatares en 311 et l’exode de la Cour (dynastie des Jin [Tsin]) vers le sud, événements qui bouleversèrent les structures sociales de la Chine et favorisèrent la propagation du bouddhisme. La Chine fut divisée en deux parties : celle du Nord et celle du Sud. Les princes barbares semi-sinisés qui régnaient au nord ne tardèrent pas à encourager une religion qui leur permettait de trouver un terrain d’entente avec le peuple soumis.

D’autre part, dans le Sud comme dans le Nord, les misères du temps présent et les incertitudes de l’avenir poussèrent les gens à chercher refuge dans la vie spirituelle. De nombreux lettrés se tournèrent vers le taoïsme ; par leurs discussions et leurs commentaires sur la doctrine de Laozi (Lao-tseu), ils inaugurèrent la tradition de xuanxue (hiuan-hiue), qui marqua toute leur époque. On assista à des conversions massives au bouddhisme.

Pour des raisons d’ordre géographique et culturel s’instaura une différence de style et même de conception entre le bouddhisme du Nord, plus conservateur et dont l’effort porta avant tout sur la traduction des textes, et celui du Sud, plus libéral et plus orienté vers la recherche théorique.