Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bouddhisme (suite)

Sa doctrine

Le Bouddha ne prêche pas une religion — lui-même rejette tous les systèmes et tous les dogmes —, mais une morale, une éthique, une « philosophie vécue », également éloignée des plaisirs et des mortifications.

Quatre « nobles vérités » constituent l’essentiel de cette « voie ».

La première est que tout est douleur : la douleur tient à l’état même des choses ; elle imprègne et détermine la vie de tous les êtres, dont les éléments, de durée limitée, sont vides de tout principe personnel et éternel. La notion universelle de vacuité, qui constitue le fond de la pensée bouddhique, est incompatible avec la notion d’une âme individuelle, essence de la personnalité, et avec la croyance en un principe absolu et éternel. La mort entraîne nécessairement une nouvelle naissance, donne le branle à un nouveau cycle.

La deuxième vérité a trait à l’origine de la douleur, qui est la « soif », désir de jouissance, d’existence ou d’anéantissement, désir qui est inséparable de l’ignorance, et plus précisément de l’ignorance de la réalité telle que le Bouddha la dévoile. Cette soif et cette ignorance engendrent les « trois racines du mal » : la convoitise, la haine et l’erreur, qui, elles-mêmes, donnent naissance aux vices, aux passions, aux opinions erronées.

La troisième vérité est la suppression du désir, la cessation de la douleur, proche du nirvāṇa (« état d’absence ») et de la délivrance absolue. Chacun atteint ce but différemment selon ses propres aptitudes. Le moine bouddhique, qui a parfaitement dominé la convoitise, la violence et l’erreur, l’atteint dès ici-bas ; aussi ne reviendra-t-il qu’une fois en ce monde, à moins que sa perfection ne lui octroie d’apparaître dans un monde supérieur. Le saint entre de son vivant dans le « nirvāṇa de sainteté avec conditionnement restant » ; en mourant, il atteint le « nirvāṇa sans conditionnement ». Quant au laïque converti au bouddhisme, il s’assure un nombre limité de re-naissances ici-bas en vénérant les « trois joyaux » (triratna) : le Bouddha, sa loi, sa communauté.

La quatrième vérité est la voie (mārga) qui mène à la cessation de la douleur. Cette voie de la délivrance s’appelle aussi la « sainte voie aux huit membres », qui sont les huit aspects de la perfection de l’opinion, de l’intention, de la parole, de l’activité corporelle, des moyens d’existence, de l’effort, de l’attention et de la concentration mentale.

Une discipline morale, alliée à des exercices psycho-physiologiques favorables à la concentration spirituelle, est l’aide indispensable sur la voie de la sainteté, l’ultime étape étant l’« éveil » (bodhi).

Évidemment, cette discipline ne peut être pratiquée que par des hommes ayant quitté leur foyer. Tout en rejetant les mortifications inutiles, le Bouddha exige des moines une existence austère dans son déroulement journalier, dans la tenue, les ressources (mendicité), le rythme (prédication, itinérance). Cette existence a été précisée dans ses moindres détails par le Bienheureux, qui a, en outre, codifié les châtiments selon la responsabilité de chacun.


Le bouddhisme indien


Son évolution

Aucune transmission écrite ne se fait du vivant du Bouddha ; la première communauté bouddhique (saṅgha) ne possède ni canon ni règle stricte. Après le parinirvāṇa (478? av. J.-C.), la nécessité d’unifier l’exposé des doctrines du Bouddha se fait sentir.

C’est pourquoi s’organisent alors différents conciles ; le plus important, qui se tient à Rājagriha (477? av. J.-C.), sous la direction du moine Kāśyapa, rassemble les données tirées des discours du Bienheureux pour former le premier noyau des Écritures canoniques en pālī. Il s’agit d’un triple exposé doctrinal sur la discipline monastique (vinaya), les paroles du Bouddha (sūtra) et la métaphysique (abhidharma).

Des sectes se créent par la suite, dont plusieurs conciles (Vaiśālī au ive s. av. J.-C., Pāṭaliputra au iiie s. av. J.-C.) ne peuvent endiguer la multiplication.

Les sectes bouddhiques se diversifient progressivement jusqu’à ce qu’un schisme intervienne au début de l’ère chrétienne. Alors, au bouddhisme traditionaliste, appelé le hīnayāna, s’oppose un bouddhisme réformiste, appelé le mahāyāna, qui prétend rester fidèle à l’enseignement du Bouddha. Quant au tantrisme bouddhique, il émerge tardivement vers le vie s. de notre ère.


Le hīnayāna

Le hīnayāna est, aux dires de ses adversaires, le « moyen inférieur de progression » (le « Petit Véhicule »). Les écoles anciennes qui s’y réfèrent appartiennent à deux branches sorties, au ive s. av. J.-C., du tronc primitif du bouddhisme : la branche sthavira et la branche mahāsaṅghika. À la branche sthavira appartiennent trois rameaux majeurs : les theravāda (« opinion des Anciens »), fidèles à la tradition pālie, qui formeront l’Église de Ceylan et s’implanteront durablement dans l’Asie du Sud-Est ; les sarvāstivādin, qui donnent la prééminence à l’abhidharma et sont illustrés surtout par Vasubandhu, lequel vécut au Cachemire au ive ou au ve s. apr. J.-C. ; les vatsīputrīya, qui essaient de concilier la conception de l’ātman avec celle de l’impermanence de la personnalité.

Quant aux mahāsaṅghika, apparus au ive s. av. J.-C., ils affirment que les bouddhas possèdent une substance réelle. En cela ils annoncent le mahāyāna.


Le mahāyāna

Ce mouvement se veut réformiste et évolué : c’est le « grand moyen de progression » (le « Grand Véhicule »). À la « méthode pratique » pour l’arrêt de la douleur, proposée par le bouddhisme ancien, il veut substituer une « religion » de salut qui fait une large place au sentiment, à la spéculation et aussi à la dévotion. Autour de la théorie des « trois corps » du Bouddha (corps corruptible, corps d’esprit et corps de la loi), la bouddhologie devient métaphysique et philosophique.