Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bordeaux (suite)

La banlieue

Durant la même période, les villages de la banlieue s’urbanisèrent au point de devenir de véritables villes : en 1975, on comptait 52 234 habitants à Mérignac, 51 444 à Pessac, 35 957 à Talence et 25 076 à Cenon. Cette banlieue s’est surtout développée sur la rive gauche. Les constructions s’y étirent le long des grandes routes qui divergent de Bordeaux jusqu’à une dizaine de kilomètres du centre de la ville, le long des routes de Toulouse, de Bayonne (Gradignan), d’Arcachon (Pessac-L’Alouette) et d’Arès (aéroport de Mérignac) ; moins étendue est la banlieue nord, dont l’essor a été freiné par la présence des vastes marais de Bordeaux et de Blanquefort, ainsi que par le développement des cultures maraîchères de la vallée de la Jalle de Blanquefort. De 55 000 âmes en 1872, la population des communes de la Communauté autres que Bordeaux s’élève à 125 000 habitants en 1921 et à 170 000 en 1936. Le cap des 200 000 ayant été franchi en 1954, le rythme de croissance reprit ensuite à un rythme jamais atteint auparavant. L’immense chantier que fut la banlieue bordelaise au cours des années 1960-1970 est le témoignage de cette expansion, particulièrement forte dans les communes du sud (Talence, Villenave-d’Ornon, Gradignan) et de l’ouest (Mérignac, Pessac) de l’agglomération.

Trois grands types de paysage apparaissent dans cette banlieue. Les vieux noyaux villageois s’identifient aisément, avec leurs immeubles à un ou à deux étages ou leurs constructions anciennes, maisons-blocs à terre de vignerons groupées autour de l’église. Des commerces de détail assez variés y ont été ouverts, et, dans certains d’entre eux, les grands magasins sont apparus récemment. Ces vieux quartiers, qui polarisent une certaine vie locale, sont noyés au milieu des lotissements de maisons individuelles, aménagés les uns entre 1925 et 1935, les autres depuis 1955. À l’uniformité architecturale des cités, réalisations sociales, s’oppose la variété des constructions plus aisées ; la plupart sont édifiées sur des parcelles exiguës (de 300 à 500 m2) et mitoyennes dans un paysage boisé et verdoyant. Depuis la dernière guerre, de grands immeubles collectifs ont été édifiés à l’emplacement d’usines désaffectées et surtout sur d’anciens domaines ruraux. Dans cette banlieue résidentielle, de faibles superficies sont les foyers industriels constitués au début du xxe s., à Bègles, à Talence-Médoquine et à Arlac-Mérignac ; à Caudéran et au Bouscat, la trace de l’industrie dans le paysage urbain est aussi discrète. Enfin, huit zones industrielles ont été aménagées ces dernières années aux marges de l’agglomération.

Cette croissance urbaine a profondément dégradé le paysage rural. D’assez grands espaces restent encore le domaine des cultures, notamment de celle de la vigne, des prairies naturelles et des bois. Les domaines prestigieux des confins de Pessac et de Talence (Haut-Brion) sont les derniers vestiges d’un vignoble qui s’étendait autrefois sur toutes les graves où sont édifiés Bordeaux et sa banlieue, ainsi que sur les palus de la péninsule d’Ambès. 800 ha environ sont consacrés aux cultures des légumes et des arbres fruitiers : cultures maraîchères des marais du sud de Bordeaux (Bègles et Villenave-d’Ornon), cultures légumières de plein champ des confins du plateau landais (Mérignac, Le Haillan), arboriculture du nord de l’Entre-deux-Mers. Partout, sur ces marges de la banlieue et de la Communauté urbaine, l’herbe a conquis depuis 1945 de belles superficies, permettant ainsi de développer l’élevage laitier.

La démographie de la banlieue est fort différente de celle de la commune de Bordeaux, et les différences sont les plus marquées pour les circonscriptions les plus éloignées, dont la croissance est aussi la plus récente. Cette croissance est moins le résultat du croît naturel, qui reste modéré, que des mouvements migratoires (venue de gens d’autres régions, reflux de citadins vers la banlieue). Les ouvriers et les employés sont partout en majorité ; Bègles et les communes de la rive droite prennent même une tonalité ouvrière, sinon prolétarienne ; les cadres affectionnent surtout les banlieues plus aérées de la rive gauche, voire certains coteaux ensoleillés de la rive droite. De ces communes partent, chaque matin, la majorité des travailleurs gagnant Bordeaux et les établissements industriels de la proche banlieue. Pourtant, la première concession de lignes de tramway fut accordée dès 1879, et le réseau urbain et suburbain posé entre 1899 et 1914. La Compagnie des transports électriques et omnibus de Bordeaux exploite aujourd’hui (les autobus ayant remplacé les tramways électriques) 322 km de lignes, dont 171 en banlieue.


L’aménagement récent

Si, dès la fin du xviiie s. et le début du xixe, le marais de l’Archevêché avait été conquis (quartier de Mériadeck) et si les gares Saint-Jean et Saint-Louis avaient été aménagées sur des terres basses, les premières opérations de grande envergure furent entreprises seulement après la Seconde Guerre mondiale : édification de la cité de La Benauge sur le marais de rive droite de 1951 à 1955, construction de la cité du Grand-Parc à partir de 1965, amorce autour du lac artificiel du futur quartier de Bordeaux-Nord.

En même temps qu’ils se sont efforcés de rééquilibrer l’agglomération en développant la construction dans les vastes espaces libres de la partie septentrionale de la commune de Bordeaux, les dirigeants locaux se sont préoccupés d’améliorer les liaisons entre les rives du fleuve. Au Pont de pierre, achevé en 1822, furent adjoints en 1965 un deuxième ouvrage dans la partie méridionale de la ville et en 1967 le pont suspendu de Lormont. Ce dernier pont constitue l’amorce de l’autoroute de dégagement du nord de la ville et doit être aussi le point de départ septentrional d’une rocade qui aboutira au sud à l’autoroute de Toulouse, dont la première section a d’ailleurs été ouverte en 1970. Par ailleurs, l’ouverture du pont de Lormont, en facilitant l’accès aux coteaux de la rive droite, a suscité la construction d’une ville nouvelle, toute composée d’immeubles dans la ZUP de la rive droite, sur le territoire des trois communes de Lormont, de Cenon et de Floirac.